Aujourd’hui, nous analysons la Roumanie en crise et tirons les perspectives des prochaines élections en Europe.
Roumanie : éviction du Premier ministre
Dans un pays où la corruption ronge une partie de la classe politique, malgré les efforts constatés objectivement depuis l’entrée dans l’UE en 2007, toute tentative de contrer l’ordre établi peut réveiller de sérieuses frictions. Sorin Grindeanu en a fait les frais, évincé du parti social-démocrate et de la tête du gouvernement.
En décembre dernier, les sociaux-démocrates gagnent les élections législatives et reprennent le pouvoir. Sur fond de corruption d’une partie de la classe politique et de volonté de transparence, le Président de centre-droit, Klaus Iohannis refuse cependant de nommer Premier ministre leur chef de file : le chef du parti social-démocrate, Liviu Dragnea, a en effet déjà été condamné par la justice pour fraude électorale. Après différentes tergiversations, c’est finalement Sorin Grindeanu qui est nommé Premier ministre au tout début du mois de janvier 2017.
Or, le gouvernement fait face à des manifestations historiques sans précédent en février. Pendant trois semaines, la société civile se mobilise contre la corruption au pouvoir. Accusé de laxisme sur des ordonnances de dépénalisation qui visent à changer la loi pénale pour éviter de nouveaux procès parmi les membres du parti, le gouvernement recule. Le ministre de la justice doit même démissionner face à la pression de la rue, inédite. A peine plus d’un mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement essuie une motion de censure de la part du Parlement qui échoue.
La situation se calme peu à peu jusqu’en juin 2017. Le Premier ministre Sorin Grindeanu perd effectivement la confiance de son parti et en est même exclu, officiellement pour ne pas avoir suivi le programme du parti. Mercredi 21 juin, une motion de censure est votée au Parlement, évinçant le Premier ministre. Son gouvernement aura tenu moins de six mois. Dans l’ombre, il s’agit d’un limogeage effectué par le puissant mais contesté chef de file des sociaux-démocrates, Liviu Dragnea.
Mihai Tudose, juriste de 50 ans et réputé proche du chef de file des sociaux-démocrates, est alors choisi par le parti pour devenir Premier ministre. L’opposition n’arrivant pas à s’unir et face à la « gravité de la crise » politique selon les mots du Président, Klaus Iohannis le nomme officiellement le 26 juin Premier ministre. Avec la confiance du Parlement votée le 27 juin, l’ancien ministre de l’économie désormais chef du gouvernement est toutefois soupçonné de n’être que l’exécutant du charismatique chef du parti. Comme un avertissement, plusieurs milliers de personnes manifestaient Place de la victoire à Bucarest dimanche 2 juillet au soir. En effet, le nouveau Premier ministre et son gouvernement qui n’a presque pas changé, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils démissionneraient si Liviu Dragnea revenait au pouvoir, malgré sa condamnation qui lui interdit d’exercer cette responsabilité. La lutte contre la corruption sera donc au cœur de l’évaluation de l’efficacité du gouvernement par la société civile.
Et maintenant ?
La politique européenne s’annonce également captivante pour la fin de l’année. Outre les législatives fédérales allemandes qui inaugureront l’automne, les élections législatives en Autriche, en République Tchèque et l’élection présidentielle en Slovénie ponctueront cette « super-année électorale ». La France poursuit également son hyper-année électorale avec la préparation des sénatoriales de septembre. Au final, des élections décisives auront eu lieu dans près de la moitié des pays de l’Union européenne.
Le gouvernement italien fragilisé depuis l’échec du référendum constitutionnel du 3 décembre 2016, n’arrive en revanche pas encore à se mettre d’accord sur une loi électorale. Des élections législatives anticipées ont donc été exclues, permettant de laisser plus de temps aux parlementaires de se décider. Le début de l’année 2018 sera donc un tournant pour l’avenir du pays.
Pour les pays du groupe de Visegrad, le Président hongrois Janos Ader (indépendant, soutenu par Victor Orban) a été reconduit au pouvoir au mois de mars. La dérive autoritaire de Victor Orban laisse peu de place à l’instabilité politique, malgré les grandes manifestations étudiantes en soutien de l’Université d’études européennes du centre de Budapest CEU, gérée par l’Américain Soros. Fraichement (ré)élus en 2016 et en 2015, Robert Fico en Slovaquie et Beata Szydlo en Pologne, continuent d’appliquer leur programme ambivalent sur fonds de croissance économique, conservatisme social et populisme identitaire.
Dans les pays scandinaves, l’extrême-droite de la coalition au pouvoir en Finlande est discréditée. Le Premier ministre centriste, Juha Sipilä, s’est séparé à la mi-juin de leur parti, les Vrais-Finlandais. Profondément divisés sur l’opportunité de faire partie du gouvernement, le parti d’extrême-droite est en pleine crise et implose : une majorité de ses membres quitte la formation et continuera de soutenir le gouvernement de Juha Sipilä, tandis qu’une partie plus populiste aux propos identitaires et racistes retourne dans l’opposition. L’élection présidentielle se prépare pour janvier et février prochains. On attend également les législatives suédoises pour la deuxième moitié de 2018 dans un pays où la social-démocratie résiste plutôt bien mais où les extrêmes progressent.
Dans la région baltique, après les élections lituaniennes de 2016, les conservateurs étaient revenus au pouvoir dans ce pays où alternent traditionnellement la gauche et la droite aux élections. L’Estonie a également pris la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne depuis le 1er juillet. Pour le tout jeune Premier ministre Jüri Ratas, au pouvoir depuis l’automne, le Brexit, la nouvelle directive sur les travailleurs détachés et l’Europe du numérique seront au cœur des discussions durant sa présidence au Conseil de l’UE.
Au sein du Conseil européen, les visages ont donc bien changé depuis septembre. Même si toujours aucune femme n’y a fait son entrée depuis un an – Angela Merkel (Allemagne), Dalia Grybauskaité (Lituanie), Beata Szydlo (Pologne) et Theresa May (Royaume-Uni) y sont seules face à 24 hommes chef d’Etat ou de gouvernement et 2 Présidents d’institutions européennes – de jeunes visages y ont pris place. Les Premier ministres maltais, irlandais, estonien et le Président français y ont moins de 40 ans et insufflent un nouvel élan à la construction européenne.
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