Alcoolisme, mythes, scandales de corruption et paternité : les European Film Awards 2020
S’il ne fallait retenir qu’un seul film de cette soirée, ce serait certainement le très désinhibé Drunk du réalisateur danois Thomas Vinterberg, par ailleurs habitué des EFA. Au travers de ce film, le réalisateur analyse de façon presque naturaliste l’évolution de quatre personnages, quatre professeurs rassemblés par un même pari : celui de maintenir un taux constant d’alcool dans leur organisme. Goutte après goutte, verre après verre, les personnages voient le pari leur échapper. Et minute après minute, sur le plateau des EFA, les nominations s’accumulent en faveur du film. Mads Mikkelsen, qui interprète l’un des quatre professeurs est récompensé du prix du meilleur acteur, Thomas Vinterberg obtient le prix du meilleur réalisateur et celui du meilleur scénariste avec Tobias Lindholm. Enfin, consécration ultime, Drunk se voit décerner le prix du meilleur film européen par Wim Wenders et Agnieszka Holland. Le verre à la main (thématique oblige) et la voix pressée par l’émotion, Thomas Vinterberg prend longuement la parole et remercie sa famille et son équipe pour leur soutien tout au long de ce tournage particulièrement éprouvant, marqué par un contexte sanitaire difficile ainsi qu’une tragédie familiale.
« Surprenant », c’est ainsi qu’Agnieszka Holland décrit Undine, le dernier film du réalisateur allemand Christian Petzold. Cela n’a cependant pas empêché la jeune Paula Beer de remporter la statuette de la meilleure actrice européenne pour sa performance dans le rôle du personnage éponyme. Figure tragique inspirée de mythes germaniques, Undine est une femme qui tente d’échapper à son destin. L’espoir renaît lorsqu’après une rupture particulièrement violente, elle s’éprend de Christoph.
Dans la catégorie Documentaire, c’est le travail du réalisateur roumain Alexander Nanau qui a remporté la statuette étoilée. Son titre ? Collective, du nom d’une boîte de nuit de Bucarest qui avait pris feu en 2015, faisant 27 morts et 180 blessés. Ce qui interpelle le réalisateur, ainsi que les journalistes d’investigation dont on suit l’enquête, ce sont les décès répétés de personnes dont le pronostic vital n’était pas engagé. Au fur et à mesure des témoignages, l’équipe met le doigt sur un vaste réseau de corruption qui gangrène le milieu médical.
Le dernier film primé fait partie d’une catégorie à part, celle de la meilleure “découverte européenne”, récompensée par le prix Fipresci. Le lauréat 2020 est Sole, un film de Carlo Sironi. Le réalisateur raconte : c’est « l’histoire d’un jeune homme à qui on demande de faire semblant d’être un père, et qui parvient à un point où il se sent réellement être père ». Plein d’un dilemme abyssal et très émotionnel, ce film s’interroge sur la filiation et le rôle du père.
Renouvellement du bureau et Prix LUX
Une cérémonie de clôture perdrait cependant de son authenticité si n’arrivait pas à un moment ou à un autre l’annonce de projets, de nouveautés et de changements. Et cette année, ce n’est pas ce qui manquait. L’annonce du départ à la fin de l’année des président et directrice historiques de l’EFA, Wim Wenders et Marion Döring, s’est faite avec beaucoup d’émotion. La réalisatrice Agnieszka Holland, déjà membre du conseil de l’EFA, succèdera en janvier prochain à Wim Wenders, tandis que Matthijs Wouter Knol, ancien directeur du Marché Européen du Film (Berlinale) prendra la place de Marion Döring.
Mais ce n’est pas tout. À ce bureau renouvelé s’ajoute la création d’un nouveau prix d’audience lancé par le Parlement Européen, le LUX Audience Award [https://luxaward.eu/en]. Il récompensera chaque année un film parmi cinq nominés lors des EFA (un nombre ramené exceptionnellement à trois cette année en raison du COVID). Le gagnant sera désigné par les citoyens européens qui pourront voter directement sur le site internet de ce nouveau prix. Il sera officiellement annoncé à la fin du mois d’avril, lors de la plénière du Parlement européen à Strasbourg.
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