Bruissements et rumeurs à Bruxelles

, par Dominique Thaury, François Mennerat

Bruissements et rumeurs à Bruxelles

Diverses sources bien informées font état de rumeurs sérieuses concernant la future Commission européenne. On ne peut que s’en émouvoir sachant, comme dit le proverbe, qu’« il n’y a (souvent) pas de fumée sans feu »… De quoi s’agit-il ?

1re rumeur

Le Conseil Européen des 26 et 27 juin proposerait bien Jean-Claude JUNCKER pour président de la Commission européenne : nous ne pouvons que nous en satisfaire, puisque nous demandons depuis plusieurs mois que le président de la Commission soit l’un des candidats désignés par les partis européens, en l’occurrence celui du parti ayant remporté le plus de sièges aux élections européennes, ou susceptible de créer une coalition capable d’avoir une majorité. M. Virgilio DASTOLI, président du Mouvement Européen Italie (CIME), rappelait il y a quelques jours que la déclaration n° 11 annexée au traité de Lisbonne stipule : « La conférence considère que, en vertu des dispositions des traités, le PE et le Conseil européen ont une responsabilité commune dans le bon déroulement du processus conduisant à l’élection du Président de la Commission européenne. En conséquence, des représentants du PE et du Conseil européen procéderont, préalablement à la décision du Conseil européen, aux consultations nécessaires dans le cadre jugé le plus approprié. Ces consultations porteront sur le profil des candidats aux fonctions de président de la Commission en tenant compte des élections au PE, conformément à l’article 17, paragraphe 7, premier alinéa. Les modalités de ces consultations pourront être précisées, en temps utile, d’un commun accord entre le PE et le Conseil ». Par ailleurs, dans sa résolution du 4 juillet 2013, adoptée à une très large majorité (des deux tiers environ), le Parlement Européen avait demandé que « les modalités détaillées des consultations entre le Parlement et le Conseil Européens sur l’élection du nouveau président de la Commission soient définies d’un commun accord en temps utile avant les élections ». Ce texte avait été remis aux intéressés en son temps par M. Martin SCHULZ. À notre connaissance, le Conseil Européen n’en a tenu aucun compte et il a fallu batailler pour voir quelques points de cette résolution mis en œuvre (entre autres : la parité hommes/femmes, les candidats à la Présidence de la Commission, les débats publics). Mais il ne semble pas aujourd’hui que ces consultations aient eu lieu. Une fois de plus, M. Herman VAN ROMPUY n’en ferait qu’à sa tête, suivi allègrement par l’ensemble du Conseil européen, qui ne voudrait rien céder aux parlementaires européens, malgré leur évidente légitimité démocratique.

2e rumeur

Dans une démarche outrancière et inédite dans toute l’histoire de l’intégration européenne, démarche contraire tant à la lettre qu’à l’esprit des traités, le Conseil Européen – en l’occurrence son président M. Herman VAN ROMPUY – serait en train de rédiger un programme imposé à la Commission et à son président pour les cinq ans à venir. Ce programme serait proposé à l’approbation du Conseil Européen lors de sa prochaine session, et le futur président de la Commission serait tenu de le présenter au Parlement pour son élection. Si cette rumeur venait à être confirmée, cela mettrait en cause l’indépendance non seulement de son président, mais aussi de la Commission toute entière. Le Parlement Européen doit être assuré que les associations pro-européennes le soutiendront dans sa lutte pour la démocratie s’il s’oppose au Conseil européen et ne « se couche » pas devant les diktats du Conseil. Pour mémoire, l’article 17 TUE stipule clairement : § 1. « La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin.  » (…) Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et pluriannuelle de l’Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels. » § 2. « Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. Les autres actes sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient. » § 3. « (…) Les membres de la Commission sont choisis en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d’indépendance. La Commission exerce ses responsabilités en pleine indépendance. Sans préjudice de l’article 18, paragraphe 2, les membres de la Commission ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement, institution, organe ou organisme. Ils s’abstiennent de tout acte incompatible avec leurs fonctions ou l’exécution de leurs tâches. » § 6. « Le président de la Commission :  » a) définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission ;  » b) décide de l’organisation interne de la Commission afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité de son action ;  » c) nomme des vice-présidents, autres que le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, parmi les membres de la Commission. » § 7. « (…) Le président, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et les autres membres de la Commission sont soumis, en tant que collège, à un vote d’approbation du Parlement européen. Sur la base de cette approbation, la Commission est nommée par le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée. » § 8. « La Commission, en tant que collège, est responsable devant le Parlement européen. »

3e rumeur

M. Martin SCHULZ serait reconduit dans ses fonctions de président du Parlement Européen. Cela ferait partie d’un grand marchandage, finalement devenu assez classique : je t’échange un « Schulz » contre un « Juncker », et en même temps tu me donneras un président de l’Eurogroupe contre un Haut Représentant aux Affaires étrangères et à la sécurité… À la vérité, que M. Martin SCHULZ revienne au « perchoir » du Parlement poserait sans doute – on peut en discuter – peu de problèmes, sinon qu’il faudrait tout-de-même qu’il soit, cette fois-ci, enfin, élu pour toute la durée de la législature, sans « contrat » (tacite) d’alternance de 2 ans et demi avec le PPE, comme cela était devenu l’usage, contribuant à brouiller l’image du Parlement aux yeux des citoyens-électeurs européens. N’est-il pas toutefois assez singulier que le choix du président du Parlement fasse l’objet de discussions et d’une décision (intergouvernementales !) à un très haut niveau et que ce choix intervienne avant même que le nouveau Parlement se soit réuni ?

De tout ceci, il ressort, une fois de plus : que l’Union ne peut rester suspendue à la décision de quelques hiérarques et qu’il est grand temps que son Parlement se fasse respecter ; qu’on peut qu’être surpris de voir le Président du Conseil Européen, alors qu’il est sur le départ, prendre des initiatives d’une aussi grande importance (un programme de gouvernement !)... sans l’aval de ses pairs (?) ; que nous, associations pro-européennes, devrons soutenir avec fermeté le Parlement dans la lutte que, du fait des modifications introduites par le traité de Lisbonne, il devra de plus en plus souvent mener pour imposer sa légitimité au Conseil européen ; ce soutien sera la preuve de notre foi en une vraie démocratie européenne ; il devra se traduire, dans les plus brefs délais, par la demande d’une Convention permettant l’émergence d’une avant-garde soudée au niveau de la zone euro.

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