Brexit, pourquoi ça pêche encore ?

, par Léo Allaire

Brexit, pourquoi ça pêche encore ?
Photo : Pixabay

Le Brexit devrait aboutir le 31 décembre prochain à minuit. L’aboutissement d’un long processus qui a débuté le 23 juin 2016 par la victoire du camp pro-Brexit au Royaume-Uni. Après des négociations difficiles et de nombreuses péripéties concernant l’accord de sortie, les négociations qui détermineront les relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sont toujours en cours, malgré un dialogue au sommet entre le Premier Ministre britannique Boris Johnson et la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Après plusieurs sorties médiatiques du négociateur-en-chef Michel Barnier, s’inquiétant du peu d’avancées dans les négociations, pourquoi l’accord se fait tant attendre, après des années de négociations ?

Des difficultés restent encore à surmonter

Les négociations concernant la future relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni se sont poursuivies toute cette année. Les dernières semaines montrent cependant que des difficultés restent à surmonter et qu’un accord est un objectif difficile à atteindre, malgré l’intérêt que celui-ci aurait tant pour le Royaume-Uni que pour l’Union européenne. L’un des points de difficulté emblématique et très médiatisé est en effet la question de la pêche.

Lorsque le Royaume-Uni était membre de l’Union européenne, les pêcheurs français, danois, néerlandais, irlandais et belges pouvaient se rendre dans les eaux britanniques et inversement. Avec le Brexit, il faut trouver un accord pour que les pêcheurs puissent continuer à pêcher dans ces eaux. Or, le Royaume-Uni bloque sur cette question. Cela n’est pas nouveau : dès les années 1970, il s’agissait d’un point de crispation durant les négociations pour l’entrée des Britanniques dans la Communauté économique européenne (CEE). Les pêcheurs européens pourraient beaucoup souffrir de ne pas pouvoir travailler dans les eaux britanniques, riches en poissons. C’est également vrai pour les pêcheurs britanniques qui se verront, eux aussi, privés de l’accès aux eaux européennes en cas de no-deal.

L’Union européenne et les 27 n’ont cependant pas pris de risque et se sont préparés à un Brexit sans accord. Ainsi, un fonds européen de 5 milliards d’euros sera mobilisé en cas d’échec sur les principes et les règles sur lesquels le gouvernement britannique et l’Union européenne ne s’entendent pas. En effet, l’Union européenne et ses 27 États membres souhaitent négocier un accord qui préserve sur le long terme les normes sanitaires, écologiques et sociales.

Or, les Britanniques ont une autre approche : ils souhaitent, par exemple, renégocier chaque année l’accord sur la pêche. L’Union européenne souhaiterait à l’inverse un accord pour le long terme. Il y a en effet un risque de dumping social et environnemental, si les Britanniques décident de baisser leurs taxes et impôts ou s’ils baissent leurs normes environnementales. Ce risque ne concerne d’ailleurs pas uniquement le secteur de la pêche, mais aussi de nombreux secteurs économiques. De manière générale, les Britanniques souhaitent pouvoir commercer, mais ne veulent pas se voir imposer des normes, alors que l’Union européenne craint pour ses normes sanitaires et environnementales.

Un accord certes, mais pas à n’importe quel prix !

Le négociateur Michel Barnier travaille d’arrache-pied depuis de très nombreux mois pour parvenir à un accord avec le gouvernement britannique. Malgré son engagement, les désaccords persistent toujours entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. C’est pourquoi Ursula von der Leyen et Boris Johnson se sont rencontrés le 9 décembre pour tenter de trouver un accord. Malheureusement sans succès. Ils se sont cependant laissés quelques jours supplémentaires pour espérer trouver un accord de dernière minute.

Ces longues négociations génèrent pour les acteurs économiques de part et d’autre de l’incertitude et inquiètent particulièrement les secteurs exportateurs et les bassins d’emplois se reposant largement sur les échanges avec l’Europe. C’est le cas des Midlands de l’Ouest (qui abritent des entreprises comme Peugeot, Alstom, mais également le sud-ouest de l’Angleterre avec l’entreprise Airbus par exemple). Il paraît en effet crucial pour ces bassins d’emplois de réussir à obtenir un accord qui faciliterait les échanges avec le continent et permettrait d’apporter de la visibilité aux entreprises concernant leur carnet de commandes et pour leur activité. Cet accord permettrait de limiter les dégâts du Brexit et de diminuer les difficultés économiques et sociales de part et d’autres. Cet accord est nécessaire, mais l’Union ne souhaite pas que le Royaume-Uni mène une politique de concurrence fiscale et de dumping économique et social qui pourrait fausser la concurrence entre les entreprises et les marchés.

Quelles relations futures ?

Quoi qu’il arrive, même en cas de No Deal, le pays reste un partenaire majeur de l’Union européenne, comme en matière de lutte contre le terrorisme et plus globalement en matière de sécurité et de défense. Les enjeux mondiaux sont en effet majeurs, notamment en ce qui concerne la menace terroriste. La France et le Royaume Uni ont organisé une rencontre bilatérale pour fêter les dix ans des accords de Lancaster House en novembre dernier. Une nouvelle rencontre pour relancer ce partenariat, mis à mal par le Brexit et la crise économique, aura lieu l’année prochaine. La Grande Bretagne est un pays européen qui doit continuer à avoir une perspective européenne, malgré sa volonté de quitter l’Union.

Cette relation et même cette coopération qui existe déjà en ce qui concerne la sécurité, la défense et donc la lutte contre le terrorisme doit s’étendre à d’autres domaines. En effet, il apparaît essentiel de travailler avec la Grande Bretagne sur les enjeux environnementaux et numériques notamment.

Les négociations pêchent donc par des désaccords concernant le cadre réglementaire. Si c’est l’option du no deal qui s’impose finalement, les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce devront s’imposer et il y aura certainement des dégâts économiques et sociaux non négligeables, notamment pour le Royaume Uni, et dans une moindre mesure pour l’Union européenne. Restons sur une note optimiste et espérons qu’un accord de dernière minute puisse être trouvé. On croise les doigts !

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