Autriche, Portugal, Pologne, Roumanie : les prochaines (ré)élections en Europe

, par Alexis Vannier

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Autriche, Portugal, Pologne, Roumanie : les prochaines (ré)élections en Europe

Alors que les institutions européennes s’apprêtent à changer de visage, c’est une rentrée riche d’élections qui attend le continent. Après des élections régionales à haut risque en Allemagne (Länder de Brandebourg et de Saxe) et en Autriche (Land du Vorarlberg), ce sont les Autrichiens, les Portugais, les Polonais et les Roumains qui devront se déplacer jusqu’aux urnes.

Légères perturbations sur le vol Kurz à destination de Vienne

Une fois n’est pas coutume, ce sont les Autrichiens qui ouvriront le bal électoral. Après le scandale politique impliquant l’ancien chef de file du parti d’extrême-droite Strache et une motion de censure votée le lendemain des européennes le 27 mai, les électeurs sont convoqués le 29 septembre prochain pour renouveler le Nationalrat, chambre basse locale, de manière anticipée. Un nouveau scandale impliquant une fois de plus l’ancien vice-chancelier Strache, révélé par la presse autrichienne, risque de compliquer encore plus les efforts du parti d’effacer une ardoise déjà bien remplie.

Fort de ses très bons résultats aux européennes, son parti l’ÖVP ayant recueilli plus de 34,5% des voix et de sa belle côte de popularité, c’est avec confiance que Sebastian Kurz a quitté son poste de chancelier et qu’il bat campagne. En outre, les derniers sondages le placent largement en tête devant les socialistes et ses anciens alliés du FPÖ en léger recul, alors que les Verts remontent péniblement.

Débarrassé des contraintes –et des avantages– liés à la fonction de chancelier, Sebastian Kurz réussit à mener une campagne en maitrisant son image alors que le thème de l’immigration est toujours au cœur des débats. Ses attaques répétées contre son ancien soutien d’extrême-droite, rendues nécessaires par le scandale de corruption ne font qu’écarter la possibilité d’une nouvelle coalition gouvernementale ÖVP-FPÖ et promettent des négociations ardues pour former un gouvernement stable après les élections. Eurosceptique modéré, Sebastian Kurz a tenté de bousculer les pratiques migratoires européennes lors de la présidence de son pays du Conseil de l’UE. Son parti a apporté son soutien à Ursula Von der Leyen, la prochaine présidente de la Commission européenne.

La gauche radicale sied au Portugal

Une semaine après les Autrichiens, ce sont les Portugais qui devront renouveler leur Assembleia da República. Depuis 2015, c’est le gouvernement de gauche d’António Costa, issu du Parti socialiste (PS) qui dirige le Pays des Œillets. Il a ainsi obtenu du Bloc de gauche (BE, gauche radicale) et de la Coalition démocratique unitaire (CDU, communiste) un soutien sans participation pour constituer une majorité au Parlement. Malgré les craintes des créanciers internationaux en 2015 alors que les plans d’austérité imposés par la Troïka ont perfusé le pays, le bilan du gouvernement socialiste est plutôt bon : la chute de 11% du taux de chômage et la stabilisation de la croissance autour de 2% s’accompagnent d’un retour des investisseurs et des touristes en Lusitanie. Les dernières élections européennes ont offert un bon signal pour le gouvernement sortant : le PS a ainsi recueilli plus du tiers des suffrages quand l’opposition de centre-droit a totalisé 22% des voix, malgré une très faible participation à 32%. Ainsi, les sondages pour les législatives d’octobre placent le PS à plus de 38% contre 23% pour le PSD de centre-droit. La question qui se pose alors n’est pas qui va emporter ce scrutin mais de combien le PS va gagner et va-t-il disposer d’une majorité absolue ou devra-t-il de nouveau compter sur ses soutiens de gauche ?

Prôné par Bruxelles comme un modèle de réussite de sortie de crise pour un pays du sud, c’est le ministre des Finances portugais Mário Centeno qui a été désigné à la présidence de l’Eurogroupe. Le gouvernement socialiste a apporté son soutien à la nomination de Von der Leyen à la présidence de la Commission.

Un front désuni contre le gouvernement polonais sortant

Le Président Duda a annoncé récemmen que l’échéance législative se tiendrait le 13 octobre prochain . Elle verra le renouvellement de la Sejm, chambre basse polonaise, ainsi que du Sénat, les deux au suffrage universel direct, contrairement au système français notamment.

Alors que le gouvernement national-conservateur mise depuis peu sur la discrimination à l’encontre des personnes LGBT, qui n’est que la suite logique de sa politique restrictive à l’égard du droit à l’avortement, dans un pays déjà très strict, son bras de fer engagé avec Bruxelles depuis son arrivé au pouvoir et de sa réforme très controversée du système judiciaire polonais est le fil rouge de sa politique européenne. Ces soubresauts judiciaires et la violence engendrée par ses attaques contre des libertés fondamentales ont distillé un climat de haine qui a connu son apogée avec l’assassinat du maire de Gdansk Pawel Adamowicz en janvier dernier en plein concert de rock.

Du côté politique, alors que la Pologne penche à droite, voire au-delà depuis près de 15 ans et alors que les Polonais ont bouté toutes forces de gauche hors de la Diète en 2015, c’est un pari risqué que s’est lancé Robert Biedroń en lançant son parti Printemps, de centre-gauche, anticlérical, progressiste sur les questions d’écologie, LGBT et féministe. De quoi en faire l’antithèse complète du PiS au pouvoir. Printemps n’a cependant pas rejoint la grande coalition formée autour de la Plateforme civique, principal parti d’opposition de centre-droit, pour les européennes de mai dernier. Malgré une participation qui a doublé par rapport en 2014 pour atteindre 45%, le PiS est sorti conforté avec 45% des suffrages, quand la coalition s’est rangé derrière avec 7 points de moins.

Le gouvernement est confronté à un récent scandale d’utilisation à des fins personnelles d’avions gouvernementaux ayant entrainé la démission du président conservateur de la Diète et un autre sur une allégation de campagne de cyber harcèlement contre des juges opposés aux réformes entreprises par le PiS ayant entrainé la démission du ministre de l’Intérieur. Les Polonais estimeront en octobre prochain dans quelle mesure ces affaires affectent-elles leur confiance. Les derniers sondages donnent une avance de plus de 10 points au gouvernement sortant.

En apportant son soutien crucial à la nomination d’Ursula Von der Leyen et en soutenant des initiatives européennes ambitieuses, l’Outre-Oder espère améliorer son image auprès de Bruxelles alors que l’idée d’une indexation du versement des aides européennes sur le respect de l’État de droit fait trembler Varsovie.

Il faut sauver le héraut Iohannis

Au pays de Dracula, la cohabitation entre le Président, issu du PNL de centre-droit, et du gouvernement du Parti social-démocrate, est des plus sanguines. Déjà pour l’élection de Klaus Iohannis, la lutte contre le PSD était amorcée. Déjouant les sondages en 2014, Klaus Iohannis avait remporté le scrutin bénéficiant d’un front électoral contre le candidat Ponta. En effet, les scandales virevoltant autour du PSD depuis une dizaine d’années ne se comptent plus sur les doigts des deux mains. Parmi eux la réforme controversée du système judiciaire, concernant notamment un allègement des peines punissant la corruption, a donné lieu à de massives manifestations populaires, réforme qui est une des raisons pour laquelle le gouvernement roumain s’oppose à la candidature de sa ressortissante pour le poste de chef du Parquet européen.

Le Président Iohannis remplit parfaitement son rôle de contre-pouvoir. Ainsi, alors que le gouvernement de Viorica Dăncilă se prononce en faveur du déplacement de l’ambassade roumaine en Israël vers Jérusalem, suivant le modèle de Donald Trump, le Président Iohannis y a mis son veto préservant de fait la cohérence dans la politique extérieure de l’UE. C’est également à son initiative qu’a été organisé un référendum le jour même du scrutin européen, le 26 mai dernier. Les deux questions demandaient l’avis des citoyens sur les fameuses réformes entreprises judiciaires par le gouvernement du PSD, et c’est avec force, plus de 85% de non, que les Roumains ont montré leur opposition. En outre, c’est un autre référendum qui a affaibli la position du gouvernement : l’inscription dans la Constitution d’une définition hétérosexuelle du mariage a échoué à cause d’une trop faible participation, seulement 20% de la population s’est exprimé, contre les 30% requis, malgré un allongement de la durée du vote.

Les revers s’accumulent et ne se ressemblent pas pour le PSD. Les élections européennes ont été remportées par l’ancien parti du Président, la Constitution l’obligeant à gouverner en tant qu’indépendant : le PNL comptabilise 27% des voix, quand le PSD arrive en seconde position avec 5 points de moins. Pressenti un temps pour présider le Conseil européen, Klaus Iohannis a préféré se lancer dans la course à la présidence de son pays, une nouvelle fois. Il devra faire face à celle qui est actuellement sa Première minsitre, Viorica Dăncilă, désignée par son parti le 23 juillet dernier.

Donné favori par les instituts de sondages avec 42% des intentions de vote dès le premier tour, Klaus Iohannis ne doit cependant pas se reposer dans la lutte qu’il a engagé dès son élection, érigé comme héraut de la démocratie face à un parti dont les déviances antidémocratiques ne sont plus vraiment une légende. Rendez-vous le 10 novembre pour le premier tour de cette élection présidentielle.

Dans chacune de ces élections, l’Europe est au cœur des débats, et c’est avec une fébrilité non feinte que l’Union européenne retiendra son souffle pour chacun de ces scrutins. D’autant plus qu’un nouveau scrutin parait plausible dans une Italie où l’extrême droite est bien placée dans l’opinion des électeurs.

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