Dimanche 23 mars 2025, un coup important a été porté à la démocratie en Turquie. Un juge a ordonné le placement en détention provisoire du maire d’Istanbul et principal opposant politique à Recep Tayyip Erdogan (actuel président de la Turquie), Ekrem İmamoğlu pour “corruption”. Ce dernier a mis des bâtons dans les roues du président par deux fois, en remportant les élections municipales de la ville d’Istanbul, en 2019 puis en 2024. Cette mise en détention est critiquée par les occidentaux : le ministère français des Affaires étrangères évoque “des atteintes graves à la démocratie”, son homologue allemand parle, lui, d’“un grave revers pour la démocratie”. Le Parlement européen est entré dans le débat, mardi 1er avril, lors de la session plénière.
Marta Kos, commissaire européenne à l’Élargissement, a ouvert le bal en rappelant les devoirs de la Turquie : “en tant que pays candidat à l’UE et membre de longue date du Conseil de l’Europe, la Turquie est tenue de respecter les normes et pratiques démocratiques les plus élevées”. Elle a ensuite rappelé la position de ce pays à l’international : “En 2018, le Conseil européen a pris la mesure exceptionnelle de mettre les négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE en pause effective [...] La Turquie est également un allié de l’OTAN, un acteur important dans les affaires étrangères et les enjeux régionaux, ainsi qu’un partenaire crucial pour gérer la migration illégale”. En conclusion, la commissaire à l’Élargissement a rappelé que “rompre nos canaux et domaines de coopération ne bénéficierait à personne”. Toutefois, en signe d’opposition à la situation actuelle, elle a renoncé à son prochain déplacement dans le pays, initialement prévu pour rencontrer le ministre turc des Affaires étrangères.
Une condamnation générale…
Les eurodéputés ont ensuite pris le relais de Marta Kos en allant pour la plupart dans son sens, condamnant la situation en Turquie. De l’extrême gauche, avec Giórgos Georgíou du groupe GUE/ NGL (Groupe de la Gauche au Parlement européen, gauche à gauche radicale) qui a affirmé qu’ “[Erdoğan] emprisonne des maires, arrête des milliers de citoyens turcs, élimine ses adversaires politiques.” À l’extrême droite, avec Susanna Ceccardi du PfE (Patriotes pour l’Europe, droite à extrême droite) qui a relevé que “l’arrestation et l’interdiction politique des opposants sont l’une des caractéristiques les plus évidentes des régimes autoritaires.”. En passant par la droite avec Emmanouil Kefalogiannis du PPE (Groupe du Parti populaire européen, centre droit à droite) qui s’est intéressé à la situation des maires turcs : “L’arrestation du maire élu d’Istanbul est un nouveau coup porté à la démocratie et à l’État de droit en Turquie. Depuis 2016, 150 maires ont été démis de leurs fonctions et remplacés.”
… avec quelques nuances
Mais croire que tous les députés de l’hémicycle soient allés dans le même sens serait bien mal connaître le Parlement européen. Giórgos Georgíou ne s’est pas contenté d’attaquer la Turquie, mais aussi l’Union européenne, quant à la gestion de ses relations avec ce pays : “Erdoğan vous tient dans sa main. [...] la majorité des dirigeants européens le ménagent. Nous sommes absents, courbés, résignés.”
Susanna Ceccardi a profité de sa prise de parole pour faire un lien avec Marine Le Pen, qui avait été condamnée la veille : “En France, la cheffe du principal parti d’opposition a été condamnée à l’inéligibilité pour les cinq prochaines années”. Elle a continué dans sa lancée avec d’autres exemples : “Hier, c’était la Roumanie, aujourd’hui la France. Ils ont essayé avec Trump, ils ont essayé avec Matteo Salvini. Aujourd’hui, ils ont réussi avec Bolsonaro”.
Certains eurodéputés ont abordé d’autres sujets. À l’image du chypriote Michális Chatzipantéla, du groupe PPE, qui a rappelé la situation dans son pays : “Ces phénomènes [ceux en Turquie] sont familiers au peuple grec de Chypre, qui continue de subir l’occupation de la partie nord de l’île par l’envahisseur turc. [...] L’Union européenne ne peut pas se contenter d’être spectatrice. Elle doit retrouver son influence stratégique et exercer une pression efficace sur la Turquie pour qu’elle respecte le droit international — en commençant par mon pays, un membre à part entière de la famille européenne.”
Hanna Gedin, du groupe GUE/ NGL, a aussi tenu à évoquer son pays, la Suède : “Jeudi dernier [27 mars], le journaliste suédois Joakim Medin a été arrêté en Turquie [...] accusé d’avoir offensé Erdoğan. C’est inacceptable, et il y a un consensus politique en Suède sur cette question. J’adresse aujourd’hui mes pensées à Joakim et à sa famille en ces moments difficiles.”
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