Angela Merkel, la femme la plus puissante du monde ?

, par Hervé Moritz

Angela Merkel, la femme la plus puissante du monde ?
En 2008, Angela Merkel recevait déjà le prix Charlemagne de la ville d’Aix-la-Chapelle, récompensant les personnalités européennes illustres, contribuant activement à la construction européenne. - א Aleph (CC/Wiki).

Angela Merkel apparaît aujourd’hui comme une figure incontournable de la scène internationale. Surnommée « Mutti » par les Allemands, cette « mère » donne le tempo de la politique européenne sur tous les dossiers, de la crise grecque à celle des réfugiés en passant par la guerre en Ukraine. Portrait d’une femme qui siège parmi les puissants de ce monde.

L’année dernière, le prestigieux Time Magazine décernait le titre de « personnalité de l’année » à Angela Merkel, chancelière allemande, pour son engagement en faveur de l’accueil des réfugiés affluant vers l’Europe. Et ce, après plusieurs portraits du magazine Forbes, qui la décrit comme « la femme la plus puissante du monde ». Cette consécration, qui couronne sa carrière politique à la tête de la CDU puis de la République fédérale d’Allemagne depuis 2005, révèle le destin d’une femme de conviction, fine stratège politique, d’une femme qui vient de loin.

La petite fille de l’Est

Née à Hambourg, fille du pasteur Horst Kasner, Angela a grandi à l’Est, en RDA. Son père y obtient son premier poste et Angela Kasner déroule sa scolarité avec brio. Physicienne de formation, elle soutient sa thèse à l’Université Karl Marx de Leipzig, thèse saluée par une mention « très bien ». Peu active dans les mouvements d’opposition au gouvernement de l’Est, elle n’en adhère pas pour autant à ses idéaux.

Après 1990 et la réunification, Angela Merkel est propulsée dans l’arène politique en participant au cabinet de chancelier Kohl. En 2000, elle devient présidente de la CDU, le parti chrétien-démocrate allemand, succédant à Wolfgang Schäuble à qui elle doit une partie de son ascension. En 2005, elle prend la tête du gouvernement et ne quittera plus ce poste. Toujours très populaire auprès de l’opinion, la « Mutti » des citoyens allemands en est à son troisième mandat de chancelière, régnant en maître sur le Bundestag et le jeu politique d’Outre-Rhin.

Merkel donne le ton en Europe

Angela Merkel rythme également la politique européenne. Parfois dépeinte comme le nouveau « Bismarck » par ses détracteurs, imposant une « hégémonie allemande » à l’Europe, la chancelière n’est autre qu’une femme de caractère et de conviction, qui sait s’imposer dans les négociations et les jeux politiques. On se rappelle de ses intransigeances lors de la crise grecque, créancière d’un Etat au bord de la faillite, ce qui lui a valu la réputation de chantre de l’austérité et de l’ordolibéralisme allemand.

Plus tard, c’est sur le dossier ukrainien qu’elle s’illustre, en négociant de femme à homme avec le président Poutine, contribuant largement à la stabilisation fragile de l’Ukraine d’après Maïdan et aux accords de cessez-le-feu dans l’Est du pays.

Mais le plus surprenant, c’est son courage et sa gestion de la crise des réfugiés en Europe, l’un des plus grands défis qu’ait connu l’Union européenne depuis sa création. Elle a surpris les journaux et la classe politique, quand en 2015, elle déclare vouloir accueillir les Syriens et autres réfugiés fuyant la guerre et les persécutions au Proche- et Moyen-Orient ou en Afrique. Certains diront que ce comportement n’est qu’une mesure rationnelle pour attirer les jeunes migrants vers une Allemagne vieillissante. Mais c’est bien plus que cela. C’est un acte politique fort, empreint de convictions profondes, pour cette figure de la démocratie chrétienne européenne, pour cette fille de l’Est, ayant vécu derrière le rideau de fer. C’est en martelant le slogan, « wir schaffen das » que la chancelière garde le cap. Elle a fait de l’accueil des réfugiés en Allemagne une priorité, un combat personnel fort et décisif.

La chancelière chancelle ?

Cependant, cette crise des réfugiés pourrait bien faire vaciller ce colosse de la scène politique européenne. Soutenant une répartition des réfugiés entre les Etats membres, la redéfinition des règles de l’espace Schengen pour préserver la libre circulation, Angela Merkel a fini par perdre de l’influence au Conseil européen. Petit à petit, les Etats ont fermé la route des Balkans, bloquant les migrants en Grèce. Critiquée au sein de son propre parti pour sa ligne de conduite intransigeante sur cette question, et isoler au niveau européen, les Etats de l’Est refusant toute concession sur le dossier des migrants, elle doit se résoudre à négocier point par point les détails d’un plan d’action commun qui tarde à se mettre en place.

L’Allemagne a accueilli plus d’un million de réfugiés en 2015, et a même été contrainte de rétablir le contrôle à ses frontières pour gérer l’entrée des réfugiés dans le pays. Mais avec le scandale des agressions sexuelles de Cologne, et ce malgré une enquête qui met hors de cause les réfugiés, l’opinion allemande perd peu à peu l’espoir de réussir le pari de la chancelière. Le 13 mars prochain, les électeurs voteront dans trois Länder (Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat et Saxe-Anhalt) et la CDU, qui observe avec méfiance la croissance des mouvances eurosceptiques et des groupes d’extrême-droite, veut conserver sa place de parti majoritaire.

Garder le cap et réussir

C’est ainsi que la chancelière multiplie les négociations pour garder le cap, tout en réduisant le fardeau que porte l’Allemagne. Angela Merkel s’est alors engagée dans de vives discussions avec Erdogan pour fixer les réfugiés en Turquie, contre une aide financière de l’Union européenne, et plaide à présent pour un pont aérien entre la Turquie et l’Europe pour acheminer les demandeurs d’asile en toute sécurité et contrôler leur entrée dans une logique d’équitable répartition entre les pays, tout en demandant à la Turquie de garder sur son territoire davantage de réfugiés (le pays en accueille déjà plus de 2,5 millions). C’est d’ailleurs en son principal détracteur lors de la crise grecque, Alexis Tsipras, que la chancelière trouve aujourd’hui un allié de taille sur ce dossier.

Alors que le combat est loin d’être gagné, la chancelière incarne aujourd’hui les valeurs humanistes qui ont façonné l’Europe et un espoir pour de nombreux réfugiés à travers le Moyen-Orient. Déterminée à réussir ce pari, elle sauve les principes d’une Union européenne faible face à une recrudescence des égoïsmes nationaux. Un visage bien différent de celui qu’on peignant d’elle lors de la crise grecque. Dernières rumeurs en date, son nom circule dans les couloirs de l’ONU pour prendre la succession de Ban Ki Moon au secrétariat général. Certains osent même parler d’un prix Nobel de la paix.

https://www.youtube.com/watch?v=WfM0LohK5LQ

Vos commentaires
  • Le 9 mars 2016 à 10:36, par Bernard Giroud En réponse à : Angela Merkel, la femme la plus puissante du monde ?

    Il doit y avoir quelque part , dans le subconscient de chacun une part incontrôlable qui fait admirer le brillant et l’éclat immédiat de la surface ; La réalité peut être toute autre.

    Madame Merkel, récolte les lauriers préparés par son prédécesseur Monsieur Schröder

    C’est bien ce dernier, qui, avec toute une série de mesures contraignantes pour le monde du travail allemand ; Exemple explosif en France, les enseignants contraints de faire 27 ou 28 heures en étant payé 24 h. N’ayons pas trop la mémoire courte.

    . En ayant pris ainsi quelques longueurs d’avance dans ce système de la concurrence farouche tant vanté aujourd’hui, les entreprises d’outre Rhin ont monté leur niveau et renforcé leurs capacité de manière telle, que l’ensemble de la machine de production semble loin devant, pour le moment. Le même principe s’applique partout, pour les opportunités hors du pays ; l’avance se renforce..

    Donc l’Allemagne gagne par effet de surprise et réalisme ;

    Si l’on veut rester amis, se battre et s’entre déchirer ainsi, pour surnager, ramener le gibier à la maison, ramener à manger à la maison, est-ce sérieux ?. Peut-on continuer longtemps une telle course, une telle bataille ? La réponse est immédiate.

    Il ne semble pas que Madame Merkel ait bien compris ce sens de la manœuvre. Ses grands argentiers, non plus, espérons le, et pourtant ils paraissent intelligents, comme Monsieur Junker, d’ailleurs....

    Il ne s’agit pas de sous estimer la valeur du courage et du réalisme d’une telle discipline, mais il est sur que ce fouet de la contrainte, sans cesse plus aiguë, ne peut pas durer très longtemps.

    Alors ?

    Alors, il faut changer l’idée, changer le modèle. Les voisins sont des partenaires, pas des concurrents ou pire, des terrains de chasse. Sans cette condition, le système va à sa perte ; Il vaut mieux reprendre ses billes, que chacun navigue à vue, à plus courte vue, bien sur, et que l’on réfléchisse à d’autres avenirs. Ce qui se produit entre voisins est le même esprit ailleurs : Un peu limite pour être noble, et pacifique, n’est-ce pas ?.

    Il n’est pas tout à fait certain que Madame Merkel mérite autant que cela le prix Nobel de la paix.

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