Alter Euro : la Pologne

Une romance contrariée

, par Henri Clavier

Alter Euro : la Pologne
La Pologne, bien que tenue d’adopter l’euro comme monnaie, possède aujourd’hui sa propre monnaie nationale : le Zloty. crédit : Pixabay

Alors que l’inflation frappe durement l’Union européenne avec une augmentation des prix supérieure à 10% sur l’année 2022, certains pays affichent des taux parfois très éloignés. Ainsi, les pays en dehors de la zone euro subissent une augmentation générale du niveau des prix plus forte que leurs voisins.

Plus de 20% en Hongrie, la Pologne a quant à elle dépassé les 17% en octobre et ne fournit pas vraiment de signaux rassurants concernant une atténuation de cette tendance. L’occasion de s’interroger sur les réticences de certains Etats à rejoindre la monnaie unique. Des motifs souvent plus politiques qu’économiques, comme dans le cas de la Pologne.

Le Zloty, une monnaie ancienne

Si la Pologne a connu des périodes difficiles dans son histoire avec notamment, à plusieurs reprises, la disparition d’un Etat polonais, l’existence de la monnaie nationale, le “Zloty”, remonte au XIV ème siècle. Le terme de Zloty est d’abord utilisé comme un terme générique avant de devenir progressivement le nom de la monnaie nationale. Le Zloty sera aussi la monnaie de la Première République de Pologne puis celle de la République Populaire de Pologne.

A la chute du régime communiste, l’économie polonaise s’ouvre à ses voisins européens et le pays connaît une période d’inflation importante. Sous pression, le gouvernement procède à une refonte du Zloty avec la création, en 1995, du nouveau Zloty. Progressivement, la valeur du Zloty se stabilise à environ 4 Zloty pour un Euro. Le Zloty est alors perçu comme un moyen efficace de renforcer la compétitivité polonaise tout en assurant sa souveraineté économique et monétaire.

Une adoption retardée

En 2004, la Pologne rejoint l’Union européenne et s’engage alors à rejoindre, à terme, la monnaie unique. Une exigence posée par le Traité de Maastricht, sous réserve de remplir les critères de convergence. Ces fameux critères imposent de maîtriser l’inflation, celle-ci ne peut pas être supérieure à 1,5% du taux d’inflation des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats. L’Etat doit également respecter les critères relatifs aux finances publiques à savoir un déficit inférieur à 3% du PIB et une dette publique inférieure à 60% du PIB. L’Etat doit également s’assurer de la stabilité de sa monnaie en participant pendant au moins deux ans au Mécanisme de change (MCE II). Enfin, les Etats doivent maîtriser leur taux de change par rapport à celui de la monnaie unique.

Des critères particulièrement contraignants faisant de la décision d’intégrer la monnaie unique un choix politique. Sous le gouvernement de Donald Tusk (2007-2014), la Pologne envisageait de rejoindre la zone euro au début des années 2010. L’arrivée de la crise économique de 2008 et ses répercussions sur la zone euro ont pourtant découragé le personnel politique polonais de poursuivre l’objectif d’adhésion rapide à la monnaie unique.

En effet, la Pologne est relativement épargnée par la crise qui frappe l’Europe à l’époque, on impute même ce privilège au Zloty. Grâce au contrôle de sa politique monétaire, la Pologne dévalue le Zloty afin de rester compétitif et doper ses exportations. Si on craint que l’Euro ne mène à une augmentation incontrôlée des prix en Pologne, la dévaluation n’a, pour autant, rien de la solution miracle. En faisant baisser le coût d’une main d’œuvre déjà bon marché, la Pologne n’a pas réussi à attirer plus d’investissements qu’auparavant et s’est même cantonnée à quelques secteurs de l’activité économique. Avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement en 2015 dirigé par le PiS (Droit et Justice), un parti conservateur et souverainiste, l’adhésion à la monnaie unique est repoussée aux calendes grecques.

Une décision éminemment politique

Rapidement le PiS dénote au sein de l’Union européenne par son style populiste et son hostilité affichée à l’égard du renforcement de l’intégration européenne et tout particulièrement à l’égard de la Commission. L’adhésion à l’euro devient rapidement une question politique et électoraliste pour le PiS. Tout d’abord parce que le Zloty est mentionné dans la Constitution polonaise ce qui oblige donc à engager une révision constitutionnelle qui, au-delà de la difficulté qu’elle demande politiquement, risque de ne pas plaire à l’électorat du PiS.

Ensuite, le PiS voit dans l’intégration de la politique monétaire commune un premier pas vers une future politique budgétaire commune, ce que le PiS rejette largement. Jaroslav Kaczynski, dirigeant officieux du PiS, exhortait d’ailleurs, en 2019, le gouvernement à ne pas envisager une adhésion à l’Euro avant que la Pologne n’ait économiquement rattrapé ses voisins de l’Ouest et notamment l’Allemagne.

Ce discours politique a alimenté la défiance envers l’Euro, considéré jusqu’à peu comme une menace pour le niveau de vie de la population polonaise. Pourtant, alors que la Pologne subit une inflation de 17% par rapport à l’année précédente, beaucoup affirment désormais que l’Euro aurait pu être un rempart efficace à l’augmentation des prix (la moyenne est de 10% dans la zone euro). Si l’euro ne constitue pas une immunité contre l’inflation (les pays Baltes, membres de la zone euro connaissent une inflation d’environ 20%), la participation de la Pologne à la monnaie commune aurait sûrement permis à la Pologne de limiter la casse.

Cet article fait partie de la série du Taurillon Alter Euro, une série qui a pour but d’explorer les différents Etats membres de l’Union européenne n’ayant pas encore adopter l’euro ainsi que leurs raisons.

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