Un rêve de longue date
Plus “jeune” membre de l’Union européenne - son adhésion date du 1er juillet 2013 - la Croatie souhaite depuis toujours rejoindre la zone euro. D’une part car le pays accomplirait la dernière étape de son intégration européenne, et intègrerait le club select de la monnaie unique. D’autre part - et surtout - car l’obtention de l’euro permettrait à Zagreb de bénéficier de l’attractivité et de la stabilité de la monnaie, et d’emprunter à moindre coûts, l’euro étant jugé plus “fiable” que le kuna par les marchés financiers.
En devenant le 20ème membre de la zone euro, et en rejoignant en même temps l’espace Schengen, l’année 2023 marque deux grandes victoires pour la Croatie, qui renforce sa stabilité économique nationale. Désormais protégé par la monnaie unique et la Banque centrale européenne, le néophyte de la zone euro pourra emprunter à moindre coûts, et subira moins les conjonctures économiques. Dans le même temps, le pays devient plus attractif pour les touristes et les entreprises, qui peuvent à présent faire circuler librement les biens et les personnes, le pays dépendant déjà grandement du tourisme européen.
Critères de Maastricht et réformes nécessaires
Le traité d’adhésion à l’Union européenne, signé par le gouvernement croate en 2011, prévoit à long terme l’adhésion obligatoire de l’Etat membre à la zone euro… À condition d’avoir rempli les critères de convergences. Aussi appelés “critères de Maastricht" en référence au Traité les instituant, ces derniers consistent en une succession d’indicateurs économiques à respecter pour accéder au gratin de l’intégration européenne. Parmi eux figurent l’inflation, le déficit budgétaire, la dette publique, le taux d’intérêt à long terme et l’adhésion au mécanisme de taux de change européen.
Selon les prévisions de la Commission européenne, la Croatie était en bonne voie pour respecter tous les critères économiques. En 2020, Zagreb se lance donc à la conquête du dernier critère : le kuna croate intègre le Mécanisme de taux de change (MCE II), interdisant au gouvernement de dévaluer sa monnaie par rapport à l’euro.
L’Union européenne donne son feu vert
Si la Croatie respectait, aux yeux de la Commission européenne, quasiment tous les critères, un grain de sable s’est glissé dans l’engrenage : la dette publique. En effet, la dette publique doit rester inférieure à 60% du PIB : pourtant, Zagreb enregistrait, en 2021, une dette publique représentant 78,4% de son PIB. Ce critère aurait pu être retenu comme argument contre l’intégration de la Croatie. Mais comme en 1999 avec l’Italie, la volonté d’élargissement étant plus forte, les États membres ont jugé la dynamique suffisamment bonne pour parier sur une future baisse de la dette croate.
Le 12 juillet 2022, le Conseil de l’Union européenne donne finalement son accord : la Croatie rejoindra la zone euro au premier janvier suivant. L’institution annonce par la même occasion le taux de change défini pour passer d’une devise à l’autre : il faudra 7,5345 kunas pour récupérer une pièce d’un euro.
Une transition douce pour les Croates
Le changement se fera évidemment ressentir chez les Croates. Fini le kuna, place à l’euro et à ses pièces frappées aux symboles du pays. Le portrait du célèbre inventeur Nikolas Tesla a été choisi pour les pièces de 10, 20 et 50 cents, la martre, animal emblématique de la Croatie, pour la pièce de 1€, et la carte de l’État membre sur un fond en damier, blason de la Croatie, au dos de la pièce de 2€. Pour les touristes et voyageurs de la zone euro, leur séjour sera également simplifié, puisque plus aucun changement de devise ne sera nécessaire.
Le changement n’est pas brutal pour les Croates, qui n’utilisent le kuna que depuis relativement peu de temps (1994). De plus, certains habitants de l’ex-république yougoslave ont déjà recours depuis de nombreuses années à l’euro, pour placer leurs économies ou investir dans l’immobilier par exemple. Le plus grand changement interviendra pour les achats du quotidien, mais les commerces affichent déjà en prévision les prix dans les deux devises depuis le mois de septembre, et continueront à faire la transition jusqu’à la fin de l’année 2023.
La zone euro en difficulté ?
L’arrivée de la Croatie révèle les discordes au sein de la zone euro. Bien que les Traités prévoient une adhésion obligatoire, à terme, à cette dernière, plusieurs États membres y sont réfractaires. Le Danemark, tout comme le Royaume-Uni auparavant, avait par exemple négocié un accord lui permettant de signer le MCE II sans avoir besoin d’adopter la monnaie unique. La Pologne et la Hongrie réunissent peu ou prou toutes les conditions pour obtenir l’euro, mais refusent pour l’instant de franchir le pas, de peur notamment que le changement de monnaie n’aggrave l’inflation galopante dans leurs pays.
- En bleu : États membres de la zone euro (20 pays) / En vert clair : État de l’UE qui a rejoint le MCE II (Bulgarie) / En jaune : États membres de l’UE qui devront rejoindre la zone euro (7 pays) / En vert foncé : Pays qui ont adopté l’euro unilatéralement (2 pays, Kosovo et Monténégro) / En rose : État membre de l’UE ayant signé le MCE II mais qui n’est pas obligé de rejoindre la zone euro (Danemark).
Les espoirs d’élargissement de la zone euro reposent dans la Bulgarie, qui a intégré le MCE II en même temps que la Croatie, et qui devrait prochainement pouvoir frapper ses propres euros. La Roumanie espère quant à elle pouvoir intégrer le MCE II et obtenir la monnaie unique d’ici quelques années.
Mais depuis la crise grecque, les fractures au sein du club très select de l’euro se font toujours plus ressentir. Le Taurillon essaiera, à travers la série Alter euro, de dessiner les possibles avenirs de la monnaie unique.
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