Le Taurillon : En quoi consiste le processus de Bologne visant à mettre en place un "Espace européen de l’enseignement supérieur" ?
Vanessa Debiais-Sainton : Le processus de Bologne, piloté par les ministres européens responsables de l’enseignement supérieur, engage les 47 pays signataires à réformer leur propre système d’enseignement, et ceci sur base volontaire. Lancé en 1999, ce processus a conduit, 11 ans plus tard et suite à de nombreuses réformes, à la création de l’Espace européen de l’enseignement supérieur, dans lequel les différents systèmes d’éducation se veulent compatibles, comparables, et plus attractifs.
Cependant, des réformes sont encore nécessaires pour rendre ces systèmes les plus performants au monde. Ainsi les 47 ministres de l’enseignement supérieur, réunis en avril 2012, ont identifié 3 priorités clés pour les 3 prochaines années : la mobilité, l’employabilité et la qualité, avec aussi la reconnaissance automatique des diplômes comme objectif à plus long terme. Tous ont souligné le rôle clé de l’enseignement supérieur pour faire face à la crise économique et contribuer à la croissance et à l’emploi en Europe. Ce processus, soutenu par la Commission européenne, est étroitement lié aux politiques et aux programmes de l’UE, les deux systèmes se renforçant mutuellement. Ce qui importe maintenant, c’est la mise en œuvre sur le terrain des engagements pris par les ministres.
Le Taurillon : A l’heure des réductions de budget partout en Europe, le programme Erasmus était en danger. Comment assurer le financement d’une des plus grandes réussites de l’Union européenne ?
Vanessa Debiais-Sainton : En octobre dernier, le budget de nombreux programmes européens était en danger. Mais il est intéressant de noter que le seul ayant fait réagir plus de 100 personnalités européennes, mais aussi des politiciens et des journalistes du monde entier, c’est Erasmus. A l’heure où le nom du prochain programme pour l’éducation, la formation et la jeunesse, « Erasmus pour tous », est remis en question au niveau du Parlement Européen, cela devrait faire réfléchir… Pour assurer un financement durable de ce programme, il est tout d’abord crucial d’y allouer les ressources nécessaires pour les 7 prochaines années, ce qui est tout l’enjeu du Sommet européen des 7 et 8 Février prochain. La Commission européenne a proposé 19 milliards d’euros pour la période 2014-2020, soit moins de 2% du budget total, ce qui permettrait de financer, entre autre, la mobilité de 5 millions d’étudiants, apprentis, volontaires, enseignants, éducateurs, formateurs etc. Une réduction de 20% de ce budget conduirait, entre autre, à 1 million de jeunes mobiles en moins. A l’heure du choix budgétaire, il est important de retenir qu’investir dans l’éducation, c’est investir dans un avenir durable pour des jeunes plus créatifs et innovants.
Le Taurillon : Vous êtes chef d’équipe Erasmus à la Direction Education et culture de la Commission européenne. En quoi consiste votre travail ?
Vanessa Debiais-Sainton : Mon rôle en tant que chef d’équipe Erasmus est de coordonner et de superviser, avec une équipe de 8 personnes très passionnées, la mise en œuvre du programme Erasmus actuel, et de préparer au mieux le prochain programme pour la période 2014-2020. Depuis ma prise de fonction il y a un peu plus d’un an, mon travail a surtout consisté à comprendre le fonctionnement du programme actuel sur le terrain, et à écouter l’ensemble des différents acteurs : les agences nationales mettant en œuvre le programme dans les 33 pays participants, les universités, les étudiants Erasmus, les enseignants et aussi les entreprises. Nous avons organisé de nombreuses réunions d’échanges et réfléchit ensemble à des pistes d’amélioration. 2013 sera une année décisive, qui consistera à concrétiser ces pistes en des propositions claires pour le futur, dans le but de simplifier le programme actuel et d’en accroître son impact.
Le Taurillon : On entend beaucoup parler de réformes autour d’Erasmus. Qu’en est-il vraiment ?
Vanessa Debiais-Sainton : Tout d’abord, la Commission européenne a proposé de regrouper l’ensemble des programmes existants en matière d’éducation, de formation et de jeunesse sous un programme unique : « Erasmus pour Tous ». Ceci impliquera davantage de collaboration entre les différents secteurs de l’éducation. Ensuite, l’objectif est d’avoir un programme qui permette d’atteindre les objectifs politiques que l’Europe s’est fixée, comme la modernisation des institutions d’enseignement supérieur, en s’assurant que chaque Euro dépensé aura un réel impact et une valeur ajoutée européenne.
Ce qui va changer pour les étudiants : si le budget de 19 milliards d’euros tel que proposé par la commission est adopté, c’est 2,2 millions d’étudiants qui pourront bénéficier d’une bourse pour aller suivre des cours ou effectuer un stage à l’étranger. La nouveauté est qu’Erasmus ne se limitera pas à 33 pays, mais il va s’ouvrir au monde. Ainsi les étudiants français pourront aussi partir en échange en Australie, en Chine ou encore aux Etats-Unis avec Erasmus, dans la limite du budget disponible. Ceux ayant des ressources limitées seront davantage soutenus. Nous comptons aussi offrir une meilleure préparation linguistique avant et pendant les échanges avec la mise en place d’un outil en ligne. Enfin, nous allons renforcer la charte Erasmus afin d’assurer une meilleure reconnaissance des crédits ECTS acquis à l’étranger, et aussi clarifier le rôle des institutions avant, pendant et après les échanges.
Ce qui sera nouveau pour les institutions d’enseignement supérieur : elles vont pouvoir bénéficier d’un support financier pour mettre en œuvre leur stratégie de modernisation, notamment en formant des partenariats stratégiques entre elles mais aussi avec d’autres acteurs pour développer des cours ou des curriculums conjoints, mieux exploiter les nouvelles technologies de l’information, proposer des nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage, développer une culture entrepreneuriale, notamment en formant des « alliances de la connaissance » avec les entreprises, et bien sûr coopérer davantage avec nos pays voisins et le reste du monde.
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