Traité de Lisbonne : quelles seront les clés d’un vote positif ?

, par Marine Privat

Traité de Lisbonne : quelles seront les clés d'un vote positif ?

La date approche. Le 2 octobre prochain, les Irlandais seront amenés à se prononcer une nouvelle fois par référendum sur la ratification du traité de Lisbonne. L’évènement est d’importance lorsqu’on considère que pour entrer en vigueur, le traité doit avoir été ratifié par tous les États membres de l’Union européenne.

Le portail europa.eu a publié une analyse du référendum irlandais sur le traité de Lisbonne du 12 juin 2008. 2000 personnes étaient interrogées. Selon les conclusions principales de l’enquête, la plupart des Irlandais se montraient favorables à la présence de l’Irlande au sein de l’Union européenne. Pour les partisans du oui, il était important que l’Irlande tienne ses engagements envers l’Union, et qu’elle participe à la construction européenne, en particulier sur le plan économique. Les partisans du non, essentiellement les jeunes, les femmes et les personnes sans emploi montraient par contre du doigt le manque cruel d’information sur le traité. L’absence de compréhension du fonctionnement de l’Union européenne a ainsi conduit beaucoup d’Irlandais à penser que leur pays était voué à perdre son identité, mais aussi sa neutralité.

Les arguments en faveur du vote négatif en 2008

L’intégration politique à laquelle se destine l’Europe n’est pas sans conséquence pour la souveraineté étatique, mais également pour l’identité de chaque pays. La nouvelle étape représentée par le traité de Lisbonne, avec en particulier la nouvelle répartition des compétences entre les institutions, a ainsi créé des peurs irrationnelles, comme celle de la perte des représentants de l’État au sein de l’Union européenne. Ainsi, beaucoup d’Irlandais se sont focalisés en 2008 sur la perte envisagée de leur commissaire.

Il faut également insister, pour comprendre le vote négatif, sur le fait que le rejet du traité constitutionnel de 2005 par la France et les Pays-Bas était souvent basé uniquement sur le mot « constitutionnel ». La rédaction du traité de Lisbonne pouvait apparaître comme une réponse à ce précédent argument : les rédacteurs ont tenté de créer un texte qui reprend clairement la forme du traité constitutionnel, sans pour autant utiliser ce vocable. Mais cela a abouti, comme on le sait, à un traité de Lisbonne à la fois extrêmement compliqué et tordu, manquant ainsi de crédibilité. Il va sans dire que l’Europe a besoin d’une vraie Constitution, même si les conditions pour la mettre en place ne sont peut-être pas encore réunies.

Enfin, on accuse souvent le manque de communication entre l’Europe et ses citoyens, le manque d’explications. Or, on pourrait mettre en avant les efforts faits par les partisans de la construction européenne pour rendre l’Europe compréhensible. Récemment, la Commission a publié un guide, le « Guide to the Lisbon Treaty », un document explicatif et bref sur les objectifs du traité. Mais il ne faut pas non plus que l’information tourne à de la pure pédagogie. Le guide, à sa lecture, se résume souvent à : « Votez oui, vous voyez, l’Europe, c’est magique ! » L’Europe a des défauts et des imperfections, et aujourd’hui, pour rendre le dialogue possible entre les institutions et les citoyens, il faudrait mettre en place un véritable espace public européen, un espace politique et démocratique où chacun aurait la parole et se sentirait utile.

Les points clés du traité : pourquoi les Irlandais ont-ils intérêt à voter oui ?

Si l’on s’attarde sur la lecture du « Guide pour le Traité de Lisbonne », deux angles d’attaque se dessinent. D’une part, on a une volonté de l’Europe de rendre ses activités efficaces par le biais de l’intégration communautaire. Qu’on se proclame ou non fédéraliste, il paraît clair que c’est le meilleur moyen de favoriser une réelle cohésion communautaire et un travail en équipe solide. Cette intégration pourrait passer par un nouveau système de vote à la majorité afin d’éviter les blocages institutionnels, néfastes pour la prise rapide de décision. La promotion de l’Union économique et monétaire reste aussi un des éléments importants, ainsi que l’intégration par l’Europe de la défense.

Vu ces trois arguments en faveur de l’intégration communautaire, on peut souligner qu’il est vrai que la mise en place d’un vote à la majorité aurait pour première conséquence de passer sous silence la voix d’un État qui ne serait pas en accord avec les autres. Mais en réalité, n’est-il pas plus important de pouvoir réagir vite à 27 ? L’Irlande, touchée par la crise économique, essentiellement au niveau de l’emploi, n’aurait-elle pas elle aussi pu bénéficier d’une cohésion plus forte des États membres ? Relevons par ailleurs que les États membres de la zone euro ont été touchés par la crise dans une moindre mesure, protégés par un euro fort et une politique monétaire commune.

Le second axe que l’on peut aborder après la lecture du Guide sur le Traité de Lisbonne est celui de la démocratisation de l’Europe. Ici aussi, trois points peuvent être mis en valeur. D’une part, la mise en place d’une initiative populaire ayant pour but de rendre l’Europe plus proche de ses citoyens. Le Parlement devrait également voir ses prérogatives renforcées, et toujours dans ce même objectif de démocratisation, des hauts représentants de l’Union européenne devraient être nommés, ainsi qu’un président du Conseil. L’objectif poursuivi est celui du dialogue entre les institutions, parfois perçues comme trop lointaines et inaccessibles, et les Européens. Enfin, le dernier point est celui de la politique sociale de l’Union : car ce n’est qu’après l’instauration d’une véritable Europe politique que l’aspect social pourra être abordé.

Ces trois aspects mis en avant, les citoyens européens auront un rôle plus important au sein de l’Union. Certes, le changement ne se fera pas d’un seul coup : c’est une construction qui appelle réflexion et patience. Il ne faudrait pas que les Européens croient que si les Irlandais ratifient le traité, tout va changer au point d’en venir au monde magique évoqué précédemment.

Le rôle des jeunes Irlandais

Il n’en demeure pas moins que les Irlandais, et en particulier les jeunes, devraient se sentir concernés par ce référendum et par la construction européenne. Ce sont peut-être les jeunes qui s’avéreront être la clé du vote : c’est d’ailleurs ce public qui est visé par le Guide du Traité de Lisbonne. Cela amène alors deux remarques. D’une part, nous pouvons souligner le manque cruel de communication entre l’Europe et ses citoyens. Malgré les efforts effectués, l’information reste mince ou réservée à une catégorie de la population qui dispose des connaissances techniques pour comprendre le fonctionnement de l’Union européenne. Il faut rendre l’Union accessible et compréhensible à tous, sans pour autant limiter l’Europe démocratique à une affaire de pédagogie.

La seconde remarque porte sur l’avenir de l’Europe en cas de ratification ou non du traité. Si le oui l’emporte le 2 octobre, une étape sera franchie, qui aura une importance considérable pour le continent européen, mais également pour le monde entier. L’Union européenne aurait en effet le champ libre pour devenir un acteur incontournable sur la scène mondiale, avec un poids et une légitimité renforcés.

En revanche, si les Irlandais rejettent une nouvelle fois le traité, le blocage institutionnel auquel les États membres seront confrontés mettra l’accent sur la nécessité criante de rendre l’Europe plus proche de ses citoyens.

Illustration : photographie d’une affiche en faveur du « oui » au référendum irlandais. Source : Flickr

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