TSCG : un mauvais traité pour un pari gagnant

, par Ben, Sauvons l’Europe

TSCG : un mauvais traité pour un pari gagnant
European Fiscal Compact ratification - IgnisFatuus sur Wikipedia - CC

Sarkozy nous a laissé un beau cadeau en partant. Un engagement à signer un traité voulu et souhaité par la droite. Ce traité est économiquement mauvais, car viser 0,5% seulement de déficit structurel interdit de s’endetter pour s’investir. Socialement, il conduit à une redistribution à l’envers : de tous vers les détenteurs de la dette publique via les intérêts de la dette. Ainsi, pour la Grèce, l’objectif est un excédent primaire de 4,5%. Chaque année, un vingtième de la richesse produite en Grèce doit être prélevé sur l’ensemble des citoyens pour rembourser les créanciers privés. Enfin, cet objectif pose une difficulté mathématique, car le calcul du déficit structurel repose sur des hypothèses de croissance de long terme.

La logique voudrait donc que l’on s’y oppose, comme le prônent la gauche de la gauche et certains syndicats. Une autre solution pourrait être en s’abstenant de laisser la droite le voter, pour montrer notre absence de soutien.

Malheureusement pour les tenants du « non », un autre élément que la seule analyse du traité rentre en ligne de compte : la dynamique.

La dynamique nécessite de voter « Oui ». Car les risques d’un « Non » sont très élevés (blocage de l’Allemagne, incertitude, absence de plan B). Dans le même temps, la dynamique pour une Europe politique et sociale, suite à un « Oui », est bien supérieure à celle observée après Maastricht.

Souvenons-nous, c’était l’un des arguments majeurs pour voter à Maastricht ! « Rassurez-vous après, on s’occupe de l’Europe sociale ». Sauf qu’on sait ce qu’il est en advenu.

Bref, la question est la suivante : L’argument qui s’est avéré totalement erroné, faux et mensonger après Maastricht, pourrait être vérifié pour la suite de ce traité ?

Tout d’abord, commençons par un rêve Européen. Que se passe-t-il à la suite de la signature de ce traité et de la réduction du déficit structurel français ? Le déficit public atteint 3,4% fin 2013, car naturellement l’impact de l’austérité sur la croissance a été plus fort que prévu. Néanmoins, la Commission Européenne a accepté d’analyser l’évolution du déficit structurel et non le seul déficit public nominal pour valider la trajectoire de dépenses publiques des Etats. La France n’a donc pas été obligée de redonner un tour de vis supplémentaire aux 30 milliards du budget initial de 2013, et le déficit structurel français est ainsi proche de 1,5%. L’effort devient alors très réduit pour les deux années qui viennent : il suffira alors de stabiliser la dépense en volume, tandis que les recettes progresseront comme la croissance pour atteindre l’objectif d’un déficit structurel de 0,5%.

Face à la bonne volonté française, c’est au tour de l’Allemagne de faire acte de compromis. Les exigences posées à l’Espagne et l’Italie sont réduites. Ces deux pays acceptent de faire appel officiellement aux exigences du FESF : la BCE peut intervenir pour limiter leur charge d’intérêt. Aux dernières nouvelles, on en prend le chemin pour l’Espagne !

Ensuite, une fois le problème du risque souverain résolu, la discussion repart sur des choses autrement plus sérieuses : la démocratie, les écarts de compétitivité entre les pays et, surtout, la mise en place d’un modèle social européen. Le candidat de gauche aux élections européennes fait campagne sur l’harmonisation fiscale (mise en place effective de la taxe sur les transactions financières, Impôt sur les sociétés) et sur l’harmonisation sociale avec une montée en puissance du pouvoir des syndicats au niveau européen. Il prône enfin une relance du budget européen, pour avoir une vraie politique d’investissement.

La droite n’est pas en reste. Elle suit sur la nécessaire démocratisation, et rappelle son exigence sur la taxe sur les transactions financières – pour ne pas apparaître comme la droite des rentiers. En revanche, elle est plus réservée sur l’augmentation du budget européen. Elle considère toujours que la croissance doit venir de l’initiative privée, mais, elle prône une politique de Recherche et Développement plus active. Surtout, elle réclame une réorientation de la politique de la concurrence qui ne devra plus empêcher la constitution de champion industriel européen.

Les chefs d’Etat sont obligés d’accompagner. C’est Jean-Marc Ayrault qui affirme sa volonté d’avancer dans les réformes institutionnelles dans un entretien à Mediapart : « on ne fera pas une avancée de plus sans démocratie supplémentaire ». Dès 2014, l’Europe institutionnelle est rénovée. Entre 2012 et 2014, l’austérité crée du chômage, du ressentiment contre « cette Europe ». Mais, comme l’ont montré les différentes élections (aux Pays-Bas, en Espagne), les citoyens acceptent la réduction des déficits tant que ce n’est pas fait au profit des responsables de la crise.

Dans ce chemin, la politique de François Hollande signifie dans un contexte de croissance anémique une augmentation du chômage en 2013, mais le retour de la croissance s’observe dès 2014. Surtout, l’Europe se remet à fonctionner dans le bon sens : c’est la fin d’une Europe basée sur la concurrence des normes, le dumping fiscal. On commence à harmoniser.

Évidemment, un autre chemin négatif est possible suite à la signature de ce traité. D’abord, la Commission reste obtuse et dogmatique : 3%, c’est 3% ! Quelle que soit la croissance, il faut atteindre ce totem ! Vu l’impact de l’austérité sur une croissance faible, Hollande est donc obligé d’augmenter de 10 milliards la politique d’austérité dès le mois de juin 2013 dans une loi de finance rectificative. Les embauches dans l’éducation nationale sont naturellement remises à plus tard. Confrontées à une telle raideur de la part de la Commission Européenne, l’Espagne et l’Italie continuent de refuser une mise sous tutelle de la troika et ne font toujours pas appel au FESF. En effet, l’Espagne refuse de faire appel au FESF, craignant que ces exigences dépassent les enjeux de déficits publics, pour concerner également le marché du travail. L’une des conditions posées par la BCE pour les soutenir n’est pas satisfaite et les taux d’intérêts pour ces deux pays restent élevés. L’Euro est toujours sous pression, il apparaît alors difficile d’envisager le moindre compromis institutionnel. Les élections européennes sont un concours de populisme, face à cette Europe qui donne le bâton pour se faire battre. Sur cette voie, les écarts de compétitivité ne se résolvent que dans l’austérité sans fin ; l L’Euro se désagrège. Les leçons et constats de Jacques Sapir sur quinze années de monnaie unique se vérifient entièrement. Un élément semble cependant réduire la probabilité de ce scénario : l’Europe commence à accorder un peu plus de temps aux différents pour réduire leur déficit.

Maintenant, que se passerait-il réellement en cas de Non ?

La version positive repose sur un postulat simple : le signal « stop à l’austérité sans choix démocratique » entraîne un début de bras de fer avec les conservateurs. Ces derniers sont alors obligés de faire des compromis à leur tour et une vraie négociation incluant le Parlement européen est alors instituée. Mais aujourd’hui, le Parlement est à droite et d’ailleurs, les règlements (six packs) instituent des règles très proches du TSCG. Le compromis nouveau pourrait donc être quasi-identique à l’actuel.

La version négative est une catastrophe : l’Allemagne, pour qui la diminution des déficits est un impératif, s’enferme dans son refus du compromis. Les marchés agités par l’incertitude reprennent leur attaque contre la France et surtout contre l’Espagne et l’Italie, la crise de l’Euro repart. Il faut non seulement toujours réduire les déficits, mais désormais avec des taux d’intérêts plus élevés.

Il y a, enfin, la version souverainiste, gaulliste. Dans cette vision, le vote « Non » au TSCG n’est que la première étape de la sortie de la monnaie unique pour revenir à une monnaie commune.

La version positive du rejet ne se produira pas. Il n’existait pas de plan B après le référendum sur le bancal Traité Constitutionnel. Il n’existe pas non plus de plan B de court terme après ce traité. Ensuite, la version souverainiste du rejet est minoritaire dans l’opinion. On critique l’Euro sans pour autant vouloir en sortir. Surtout, ce chemin de « sortie de l’euro » acte une forme de chacun pour soi, alors même que l’opinion a compris que les défis du futur sont collectifs. Le chemin négatif suite à un « Non » semble donc le plus probable au regard du précédent de 2005. Alors, les partisans du « Oui » avaient, certes, du mal à défendre la qualité du texte mais ils avaient raison sur deux points essentiels. Effectivement, « il n’y avait pas de plan B ». Le plan B s’est révélé être quasiment le même texte en moins bien. Deuxièmement, les partisans du Oui affirmaient : « Cela va bloquer l’Europe et réduire la voix de la France en Europe ». De fait, comment ne pas voir que les cinq années supplémentaires passées à discuter du Traité de Lisbonne n’ont pu être consacrées à traiter des vrais sujets ? Comment ne pas voir que ce « Non » a, aussi, contribué à amoindrir le poids du PS français au sein du groupe socialiste européen ?

La version négative en cas de signature du traité semble s’éloigner, avec le moindre dogmatisme de la Commission sur les objectifs de déficit. Pour autant, la version positive est, évidemment, loin d’être une certitude.

La question est de savoir quelle différence fondamentale existe avec Maastricht, qui permet de s’assurer qu’en cas de Oui au TSCG le chemin positif est plus probable que celui de la spirale négative de l’austérité sans fin. Cette différence est essentielle et double.

Après Maastricht, la France était l’un des seuls, voire l’unique pays, à promettre « l’Europe sociale ». Aujourd’hui, aucun pays n’est satisfait de la situation actuelle. Une grande majorité d’entre eux souhaite avancer sur la démocratie, sur l’harmonisation fiscale, etc. Après Maastricht, les promesses étaient des paris hasardeux lancés pour obtenir l’assentiment populaire. Aujourd’hui, alors que les discussions sur la suite sont concrètement en route avec les propositions du groupe Westerwelle, ne nous isolons pas en disant « Non » et travaillons avec les autres pays, le Parlement européen et les parlements nationaux pour retrouver le chemin de la coopération européenne.

Deuxième différence, en 1990, l’idéologie dominante était au libéralisme, à la financiarisation de l’économie. Cette idéologie avait gagné les partis sociaux—démocrates, et le PS au premier rang : faut-il rappeler les baisses d’impôts sur le revenu et les stocks options y compris pour les banques sous Jospin, la dérégulation financière ou encore le scandale du Crédit Lyonnais, symbole des paris financiers hasardeux, sous le second mandat de Mitterrand ?

On peut aujourd’hui critiquer, pour leur modestie ou leur mauvaise direction, les choix de François Hollande. Il apparaît cependant impossible de considérer que la taxation marginale à 75%, que l’alignement de l’impôt du capital sur celui du travail, que la séparation des banques de dépôts et d’investissements, que la taxe sur la transaction sur les financières sont le symbole d’un PS gagné par l’idéologie néo-libérale. Au moment de Maastricht, la promesse d’une Europe sociale n’aurait jamais pu être tenue, tout simplement parce que le PS ne s’est en réalité jamais battu pour. En revanche, aujourd’hui, François Hollande, avec le soutien du Parti Socialiste Européen, des verts européens, du GUE et de certains membres du centre souhaite vraiment se battre pour une réorientation de l’Europe. Les objectifs européens de certains conservateurs, comme Bruno Lemaire, permettraient d’aider à la réalisation d’un compromis ambitieux.

Un mauvais traité, mais un pari gagnant ? Mon choix est fait. Je demande au parlement français de voter ce traité le plus rapidement possible pour passer aux vrais sujets : diminution des inégalités, réformes bancaires, réformes fiscales, diminution des émissions de CO2, lutte contre la précarité du travail et lutte pour un compromis ambitieux sur l’Europe démocratique et sociale dès demain !

La rédaction du Taurillon tient à remercier Sauvons l’Europe pour son autorisation à reproduire cet article dans nos colonnes.

Sauvons l’Europe est une association pro-européenne et progressiste qui s’engage dans la construction d’une Europe à vocation sociale et soucieuse du développement humain, espace démocratique et des droits de l’Homme, acteur écologique dans le concert mondial.

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