Sombres perspectives pour les programmes européens de mobilité

« Donnons une voix au Parlement européen »

, par Lothar Bisky, eurodéputé, traduit par Jean-Mathieu Duchêne

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Sombres perspectives pour les programmes européens de mobilité
Lothar Bisky, eurodéputé © Services audiovisuels du Parlement européen

Depuis 1987, 2,5 millions d’étudiants ont pu étudier dans un institut d’études supérieures d’un autre État membre, avec le soutien des Communautés européennes et, ensuite, de l’Union européenne. Le programme d’échange ERASMUS, financé par l’Union, est sans doute l’avantage le plus apprécié et le plus concret que le processus d’intégration européenne a engendré. Mais ce qui a été considéré au cours de ces 25 dernières années comme un pilier majeur de la compréhension interculturelle (malgré son sous-financement) est aujourd’hui menacé par des politiques d’austérité aveugles et des égoïsmes nationaux.

Qui demande « plus d’Union », doit donner de l’argent en conséquence Le Conseil des chefs d’États et de gouvernements vient juste de proposer un accord budgétaire dont le montant est, pour la toute première fois, inférieur à celui de la période précédente (2007 – 2013). En lien avec les moyens considérés comme nécessaires par la Commission, des coupes budgétaires sont entre autres à prévoir dans l’installation du haut débit, dans les programmes de mobilité (ex. Erasmus) et dans les projets d’infrastructures de transport. Des emplois seront également supprimés.

L’Espagne a déjà diminué ses bourses Erasmus. De plus, politiques d’austérité et États membres semblent malheureusement aller de pair dans l’Union. Il est vrai que la bourse maximale de 800 € que pouvaient obtenir les étudiants espagnols était bien plus motivante que les maigres 200 € que les étudiants allemands reçoivent en moyenne. On attend toujours des jeunes — comme des moins jeunes — plus de mobilité, d’apprentissage pour la vie, de possibilités d’engagement diverses, etc. Il y a donc un manque de logique dans cette histoire, vu que l’on réduit l’aide à la formation et à l’acquisition d’expériences.

Qu’adviendra-t-il des subventions européennes dès 2014 ?

Le Parlement européen s’était mis d’accord fin 2012 sur un paquet de 18 milliards d’euros pour le nouveau programme de mobilité « YES EUROPE 2014-2020 », ce qui représentait une augmentation du budget. Cependant, avec la proposition du Conseil, c’est-à-dire avec la proposition des gouvernements des 27 États membres (908,4 milliards d’euros à titre de paiements et 960 milliards d’euros en crédits d’engagement), mettre ces moyens à disposition du programme relève de l’impossible.

Le programme Erasmus n’est qu’un exemple d’une série de programmes politiques pertinents qui ont évolué pour et avec la population de l’Union et qui sont désormais menacés. En temps de crise économique et sociale, on pourrait croire que la raison voudrait que l’on conseille plutôt plus que moins de coopération. Le Président du Parlement l’a très clairement exprimé le 7 février lors de la réunion du Conseil : « Ce n’est que lorsque les conséquences sociales de la crise financière, les taux de chômage élevés, la pauvreté croissante et les dettes des États seront surmontés que la crise pourra vraiment se terminer. »

La majeure partie des eurodéputés voient les choses sous cet angle. De manière pratique, cela signifie qu’il s’agit d’investir suffisamment d’argent dans les programmes de cohésion européenne et de promotion de la culture, dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, dans une offre d’enseignement plus large et plus adaptée ainsi que dans la formation et la création de nouveaux emplois sûrs et rémunérés à un juste prix.

Malheureusement, les 27 gouvernements semblent plutôt privilégier leurs intérêts nationaux. Certes, avec le traité de Lisbonne, ils ont délégué plus de compétences à l’Union et ils sont nombreux à parler de « plus d’Europe » et même de plus de démocratie. Cependant, les États les plus forts économiquement, tels que l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou la Suède, ne sont pas prêts à financer suffisamment cet objectif et rejettent la création, de plus en plus nécessaire et urgente, de sources de financement pour l’Union telles que par exemple la taxe sur les transactions financières. La culture et l’éducation ne sont ni des marchandises, ni des « réserves économiques »

Revenons-en à l’éducation et à la culture. Toutes deux font raisonnablement partie de notre avenir et ne peuvent donc pas être traitées selon des lois économiques. Les coupes dans les budgets publics, communaux, régionaux, nationaux, européens et dans la culture relèvent du manque de discernement et nuisent à long terme à la société dans son ensemble.

L’accès à la culture, à l’éducation et à l’information est l’une des plus importantes questions sociales du 21e siècle. En effet, cet accès décide des chances d’évolution et de participation des citoyens et des sociétés. Il s’agit ici autant de la sécurité sociale que de l’aspiration à une cohabitation pacifique basée sur la coopération et la démocratie. Je cite la Présidente de la Commission Culture du Parlement qui, même si elle est loin d’appartenir à mon parti et à mon groupe politique, partage mon point de vue : « Si l’on n’investit pas dans la formation et dans les jeunes, alors nous pouvons oublier l’Union européenne. ».

Dans une Europe qui grandit, la connaissance des langues, des structures politiques et des possibilités de participation sont aussi importantes que l’échange direct avec des enseignants et des étudiants d’autres pays, quel que soit le parcours de formation individuel. Le dialogue est-ouest et le dialogue entre différentes conceptions religieuses et philosophiques en font tout autant partie, tout comme la culture du souvenir et de la tolérance qui reste présente et vivante dans l’histoire variée de notre passé, de notre présent et de notre avenir.

La coopération en Europe n’a d’avenir à long terme que si elle (re)devient le projet central des citoyens à l’Est, à l’Ouest, au Nord et au Sud, que si un espace public européen et une identité européenne permettent d’enrichir les identités existantes. C’est pourquoi la politique en matière de culture et formation n’est pas un petit bonus, mais est d’une importance capitale pour la réussite du projet européen.

Le Parlement européen serait-il le rectificateur décisif ?

Oui et non. Oui, parce que la culture et la formation ne dépendent plus uniquement du ressort des États depuis longtemps. Naturellement, de nombreuses décisions concrètes dans ces domaines sont prises sur le terrain, ce qui est logique. Mais les lois définissant les structures et le budget de programmes tels qu’Erasmus (désormais appelé « YES Europe »), la promotion de la culture et des films (MEDIA, par exemple) ou les aides régionales, sont définies par le Parlement européen dans une procédure commune avec le Conseil. Tout budget important doit être approuvé in fine par la majorité parlementaire. Il faut espérer que celle-ci continuera à disposer des moyens adaptés aux investissements nécessaires.

Souvent, dans son travail législatif, le Parlement adopte une approche plus « moderne », plus européenne et même plus sociale que les représentants des gouvernements nationaux. Cela est peut-être lié au fait que nous, les eurodéputés, vivons notre quotidien dans un environnement de travail relativement « européen ». Cependant, les différences politiques entre les groupes parlementaires existent toujours au Parlement. Par exemple, contrairement à la majorité du Parlement, je pense que la réforme de Bologne ou cette politique culturelle qui mise toujours plus sur l’utilisation économique de la culture et des offres culturelles ne vont pas dans le bon sens.

Seul celui qui participe peut avoir voix au chapitre

C’est pourquoi, tout comme les députés des parlements nationaux, qui exercent un pouvoir de contrôle sur leur gouvernement, les eurodéputés contrôlent le Conseil et la Commission. Mais les citoyens devraient régulièrement vérifier ce que les eurodéputés qu’ils ont élus font, et ce pas seulement juste avant les élections. 2013, Année européenne des citoyens, offre une bonne occasion d’encourager les citoyens à mieux suivre la politique européenne et à s’engager dans le processus de prise de décision politique.

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