Ce printemps, certains États-membres ont voulu utiliser la clause de sauvegarde de l’espace Schengen qui permet de rétablir de façon temporaire les contrôles aux frontières intérieures de l’Union. Ce moment a été l’occasion de mettre en avant de nombreuses critiques contre le fonctionnement de l’espace de libre-circulation notamment les difficultés de certains États de contrôler les frontières extérieures (Grèce et Italie). La France et l’Italie ont demandé à la Commission de faire des propositions pour remédier à ces problèmes. La proposition de la Commission rendue publique le 16 septembre présente deux aspects, un renforcement de l’évaluation commune et un encadrement de la clause de sauvegarde. Elle prenait en compte l’intérêt européen commun c’est-à-dire ce dont les États avaient besoin pour se faire confiance dans la gestion commune des frontières extérieures et la protection de l’Acquis de l’espace Schengen. Le débat au Conseil qui a eu lieu le 13 décembre traduit un climat difficile en termes de confiance envers les institutions supranationales et entre les États.
D’une « communautarisation » à un retour au contrôle des États
D’une part, un système d’évaluation commun pourrait être mise en place afin de vérifier que l’acquis Schengen est appliqué correctement par tout le monde. Le débat entre le Conseil et la Commission porte sur la méthode pour prendre la décision soit le Conseil et le Parlement décident des mesures d’application selon la procédure législative ordinaire (article 77 du traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne), soit le Conseil prend la décision avec un simple avis du Parlement (article 70 TFUE). Le Conseil des Affaires Intérieures a confirmé lors de sa réunion du 13 décembre 2011, un large soutien à la deuxième solution. Ce débat est loin d’être purement institutionnel, il conditionne la teneur des décisions qui vont être prises. Si le Conseil décide seul avec un simple avis du Parlement, non seulement les citoyens à travers leurs représentants n’auront pas d’impact sur la décision, mais en plus on peut gager qu’ils resteront très peu informés des décisions qui seront prises.
D’une « communautarisation » à une illisibilité de la responsabilité
D’autre part, la Commission proposait que la clause de sauvegarde qui permet de ré-établir des contrôles aux frontières intérieures soit encadrée plus strictement. En effet, lors d’évènements prévisibles (comme une coupe de monde de football), les États membres devront demander à la Commission qui pourra soumettre ou non un avis favorable à un comité d’experts nationaux qui tranchera à la majorité qualifiée. Cette chaine de décision est assez longue et difficilement lisible, et place les États sous le contrôle les uns des autres. Elle laisse en fait une large place à la comitologie, cette habitude de laisser des comités composés de représentants des États membres et de la Commission prendre les décisions techniques. Dans le cadre d’évènements imprévisibles, comme ce qui s’est passé au printemps, la proposition réduit la durée de rétablissement des contrôles aux frontières de 30 à 5 jours. Cette proposition qui a été très attaquée par les ministres de l’Intérieur de la France, de l’Allemagne et l’Espagne en septembre, ne semble pas avoir fait l’objet de débat lors du dernier Conseil, reportant la décision pour le prochain qui aura lieu sous présidence danoise.
Quelle réforme de l’espace Schengen ?
Face à la proposition de la Commission qui visait à mettre en commun les outils d’évaluation et d’encadrer les règles d’évitement afin de permettre une application large et respectueuse de l’Acquis Schengen, les États membres ont renforcé les aspects qui rendaient ces mesures illisibles pour les citoyens notamment l’utilisation des procédures de comitologie. Face à cela, nous, Jeunes Européens, devons rester vigilants quant à la réforme en cours. Il s’agirait de mettre en place un mécanisme de solidarité intra-européen plutôt que des clauses de sauvegarde pour soutenir les pays d’arrivée lors de crise telle que celle du printemps 2011. Le Sénat français s’est lui aussi opposé au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen dans un communiqué de presse du 20 décembre 2011. Ce mécanisme doit échapper au potentiel verrou des États et pour cela être mis en œuvre dans le cadre de la procédure législative ordinaire. De plus, l’établissement d’un mécanisme de contrôle et d’évaluation des méthodes et des instruments utilisés dans le contrôle des frontières extérieures de l’espace Schengen, l’agence FRONTEX et les autres outils (EUROSUR, RABIT) doivent rendre des comptes aux citoyens qui les financent. Enfin, l’adoption d’une politique d’asile commune qui fera de l’Union Européenne un véritable espace commun aux yeux du monde et qui devrait permettre à l’Union d’assumer sa responsabilité.
Pour conclure, il faudrait ouvrir le débat sur une politique commune et cohérente d’immigration au sein d’un espace uni. Mais, l’immigration fut-elle clandestine ne peut être abordée seulement sous l’angle de la sécurité. Le paradigme avec lequel l’Union européenne et ses États membres envisagent l’immigration accentue le phénomène de peur des citoyens européens par rapport à l’autre et les poussent vers une forme de xénophobie passive où l’autre est perçu comme un danger. Ce paradigme fait partie d’un choix politique qui doit être amendé. Ce n’est pas cette Europe-forteresse à tendance xénophobe que nous voulons, nous voulons une Europe qui regarde l’autre, l’étranger comme un défi à relever face aux différences, comme le sujet de notre responsabilité solidaire dans le monde.
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