Avant la guerre, environ 8000 Roms vivaient dans un quartier de la périphérie de Mitrovica, appelé « Roma Mahalla ». Leurs habitations détruites et victimes de persécutions pendant les conflits, ils durent pour la plupart fuir à l’étranger. Toutefois, un millier de Roms sont restés dans la région et ont été contraints de s’installer, au début des années 2000, dans différents camps de fortune : Cesmin Lug, Žitkovac, et Kablar.
Mitrovica et sa région tirent, historiquement, une grande partie de leur développement économique du complexe minier de Trepča. Cependant, les émissions de plomb, d’arsenic et de cadmium qui en sont issues ont provoqué, au fil des années, une très forte pollution des terres et de l’air. C’est pourtant à quelques centaines de mètres de ce complexe que se sont bâtis deux des trois camps roms.
Les conséquences sont dramatiques. Le plomb, très toxique, pénètre rapidement dans le sang, les muscles, et en cas de longue exposition, dans les os et les dents. Dans ce cas, l’organisme peut mettre jusqu’à trente ans pour l’éliminer. Il engendre des séquelles cérébrales, touche les systèmes nerveux et reproducteur, provoque, chez l’enfant, des retards de développement physiques et mentaux. Les enfants sont particulièrement touchés, absorbant de fortes quantités de plomb par les jeux en plein air, une alimentation contaminée, et par l’allaitement. Dans ces camps, le taux de mortalité est bien plus élevé que la normale.
Les Roms du Kosovo dans une crise sanitaire
Ce n’est qu’en 2004 que les camps de Žitkovac et de Kablar furent fermés par les autorités kosovares et les Nations Unies. Les habitants ont été transférés, l’année suivante, dans un autre camp, jugé « plus sain », à Osterode. Toutefois, celui-ci est situé à proximité de Cesmin Lug et présente les mêmes risques pour la santé. La population rom reste, dans les deux camps, toujours exposée au plomb, à l’arsenic et au cadmium. De plus, aucun contrôle ni traitement global n’ont été opérés dans ces camps. Ce n’est qu’aujourd’hui que le cri d’alarme, lancé par le tissu associatif kosovar et international depuis plusieurs années déjà, commence à être entendu par la classe politique. Un vaste projet européen et américain prévoit la reconstruction du quartier historique « Roma Mahalla » et la fermeture progressive des camps.
La situation sanitaire désastreuse de la communauté rom doit être comprise dans le cadre global de leur intégration dans la société kosovare. Si certes leurs droits sociaux et politiques sont reconnus par la Constitution de 2008 en tant que « minorité nationale », ils sont, en réalité, largement marginalisés et victimes de fortes discriminations à tous les niveaux de la société (éducation, emploi, etc.) S’ajoute à cela la partition de facto du pays : la région de Mitrovica, où se trouvent les camps, reste sous le contrôle informel de Belgrade. La République de Serbie soutient, par des allocations, la communauté rom, qui n’a pas, aujourd’hui, les mêmes garanties de Pristina. La population rom se trouve, une nouvelle fois, victime collatérale du jeu politique kosovar.
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