A la veille des élections européennes, tout semblait devoir se dérouler le plus simplement du monde pour José Manuel Barroso. Sans rival, il pensait rempiler pour un second mandat dès juillet, désigné par le Conseil européen et approuvé par une large majorité au Parlement européen.
La campagne « Anyone but Barroso » ne l’inquiétait probablement guère plus que le contexte économique pourtant difficile pour les libéraux : le « caméléon », ancien leader maoïste, a prouvé depuis bien longtemps ses exceptionnelles capacités d’adaptation.
C’était il y a seulement trois mois. Un trimestre qui a dû sembler particulièrement long à José Manuel Barroso qui a passé un été pénible, à mesure que sa marche triomphale vers le Berlaymont, siège de l’Exécutif européen, se transformait en chemin de croix.
Soutien tiède du Conseil européen
La première désillusion est venue des chefs d’Etat et de gouvernement, réunis à Bruxelles les 18 et 19 juin dernier. Ayant pris soin de leur adresser au préalable une courte lettre dans laquelle il détaillait les grandes lignes de son programme, le candidat Portugais espérait obtenir une nomination formelle.
Hélas : soutien du bout des lèvres de certains dirigeants conservateurs, divergences parmi les sociaux-démocrates... malgré toutes ses promesses, il n’a finalement pas pu obtenir mieux qu’une déclaration de soutien politique sans effet juridique. La décision formelle du Conseil européen n’est arrivée que le 9 juillet, à l’issue de la procédure écrite, soulignant l’enthousiasme mesuré de certains chefs d’Etat et de gouvernement à l’égard de la candidature de Barroso.
Libéraux et sociaux-démocrates fixent leurs conditions
Finalement adoubé par les Etats membres, celui-ci pouvait, malgré ce contretemps, espérer voir sa nomination entérinée par le Parlement européen lors de la séance plénière constitutive organisée à Strasbourg mi-juillet.
C’était sans compter sur la ténacité des Verts, en pleine confiance après leur percée électorale aux Européennes, et sur les hésitations des groupes libéraux et sociaux-démocrates. Leurs présidents respectifs, Guy Verhofstadt et Martin Schulz, ont en effet fait savoir à la mi-juillet qu’ils conditionnaient leur soutien au candidat portugais au respect de leurs principales exigences, résumées en deux listes de recommandations (à lire ici et là).
La date du vote : une question cruciale
Ces réticences ont conduit les Présidents des groupes politiques à repousser le vote d’approbation du Président de la Commission sine die. José Manuel Barroso devait ainsi mener une nouvelle bataille, celle de la date du vote, avec un objectif : se faire introniser avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Celui-ci fixe en effet une majorité plus difficile à atteindre pour l’élection de Président de la Commission que la majorité simple actuellement en vigueur.
Face à l’opposition du groupe Verts/ALE, à laquelle se sont ralliés, bon an mal an, les sociaux-démocrates, José Manuel Barroso a dû déployer une véritable offensive de charme. La semaine dernière, il a ainsi rencontré chacun des groupes politiques auxquels il a présenté son programme détaillé.
Ces « orientations politiques pour la prochaine Commission » tentent de concilier les exigences des différentes familles politiques : afin de contenter tout le monde, il promet à la fois de « soutenir la demande et enrayer le montée du chômage » et de poursuivre l’ouverture à la concurrence internationale, « essentielle pour la compétitivité future de l’Europe »...
La nécessité d’une Commission forte
Un coup à gauche, un coup à droite : le résultat est un patchwork, certes intéressant, mais loin de constituer le programme politique que l’on est en droit d’attendre d’un candidat à la tête de l’Exécutif européen.
Malgré cette avalanche de contretemps, de difficultés et de complications, le bout du tunnel n’est peut être plus très loin pour José Manuel Barroso qui a obtenu que le vote d’approbation ait lieu ce mercredi à Strasbourg. Quelle que soit l’issue de ce vote, il est déjà possible de tirer quelques enseignements de ce processus chaotique.
Les Etats membres ont profité de la procédure de nomination pour rappeler avec insistance à José Manuel Barroso que sa présence à la tête de la commission européenne dépendait avant tout de leur bon vouloir, en faisant sciemment traîner la désignation du candidat du Conseil durant de nombreuses semaines.
Dans leur sillage, le Parlement européen, institution conquérante par excellence, a également saisi cette opportunité pour rappeler au Président de la Commission l’étendue de ses pouvoirs de contrôle.
Il est à craindre aujourd’hui que cette affirmation simultanée du Conseil et des eurodéputés ait fait une seule victime : la Commission européenne. Cet affaiblissement est d’autant plus regrettable qu’au moment où l’Union européenne fait face à des défis écologiques et économiques d’une ampleur inédite, une Commission forte et ambitieuse semble plus nécessaire que jamais.
1. Le 16 septembre 2009 à 17:16, par rosa En réponse à : Réélection de Barroso : la Commission affaiblie
Très bon article - j’ai trouvé un dossier spécial sur www.touteleurope.fr qui est très intéressant aussi avec les réactions des députés qui ont voté contre Barroso.
2. Le 16 septembre 2009 à 19:05, par Guillaume Amigues En réponse à : Réélection de Barroso : la Commission affaiblie
Merci Rosa pour ce lien, leur petit dossier avec la bio de Barroso et les réactions des MEPs est vraiment pratique.
3. Le 16 septembre 2009 à 22:55, par Ronan En réponse à : Réélection de Barroso : la Commission affaiblie
L’été a t-il vraiment été si difficile que ça pour Barroso ?!
C’est surtout pour les militants de l’Europe qu’il y là un chemin de croix, non ?! (i.e : à supporter ce genre de Commission).
Sinon, si on « déroule la pelote », juste remonter aux racines des problèmes : le grand n’importe quoi des années 2004-2005-2007 (TCE, référendums ratés, Lisbonne, etc), une campagne électorale des dernières européennes sans enjeux clairs, une abstention massive (surtout à Gauche), une victoire (par défaut) de la Droite, une mainmise des Etats européens sur la désignation de la Commission, la foire des « ententes préalables » entre groupes parlementaires...
Bilan : un président de la Commission réélu les doigts dans le nez, mais à l’autorité d’autant plus entamée qu’il ne doit son accession qu’à la nomination des Etats et aux concessions faites aux groupes parlementaires pour « acheter » leur soutien ponctuel. Bilan : une Commission affaiblie, un Parlement dénigré. Seuls vainqueurs : les Etats. Plus que jamais douchés : les citoyens. Grande perdante : l’Union.
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