Suite à l’élection de Viktor Yanoukovitch à la présidence le 7 février 2010, de nombreuses voix se sont élevées pour déplorer la remise en cause des acquis de la révolution. Cependant, une telle affirmation semble un peu hâtive, car à peine deux mois se sont écoulés depuis la validation des résultats électoraux, ce qui n’est évidemment pas suffisant pour mesurer les effets des réformes de la nouvelle administration. De plus, les premières déclarations, nominations ou décisions du nouveau président nous conduisent à penser que la politique de Yanoukovitch s’inscrira finalement dans la politique du pendule, telle que pratiquée depuis l’indépendance de la République en 1991, bien qu’avec certaines atténuations par rapport à son prédécesseur.
Dès son élection, Yanoukovitch s’est rendu officiellement en visite aussi bien à Bruxelles qu’à Moscou, ce qui apparaît en contradiction avec sa campagne pro-russe. Si « l’Union européenne reste toujours la principale priorité de Kiev », « tous les chemins mènent à Moscou » semble ainsi s’excuser Yanoukovitch d’être allé en premier à Bruxelles et non pas chez le grand voisin russe. En outre, nombreux sont ceux qui affirment que l’Ukraine ne fera de plus amples concessions envers la Russie que si sa situation financière se détériore. L’actuel gouvernement sous l’autorité Mykola Azarov, une poupée dans les mains du président, se dépêche de reprendre les négociations avec le FMI à cause de l’état du budget. Le président s’est également empressé de préciser que, d’un côté, il ne maintiendra qu’une position d’allié avec l’OTAN en vertu de « ses intérêts nationaux » et que, d’un autre côté, son pays n’adhérera pas à l’Union douanière entre la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan, préférant entrer à l’OMC seul, ce qui a beaucoup irrité le Premier Ministre russe.
Cependant, d’autres choix démontrent un changement par rapport à la politique de Youchtchenko. La composition du nouveau gouvernement de coalition met fin à la cohabitation longtemps source de graves problèmes en Ukraine, et comprend une majorité pro-russe, issue notamment du retour d’exil en Russie de plusieurs personnalités pourchassées par le régime de Youchtchenko. Si le ministre de l’Education, le russophile Dmytro Tabachnyk nouvellement désignée, pourrait aligner l’histoire nationale sur les visions moscovites, d’autres nominations assureront toutefois un contre-balancement dans la prise de décisions. De plus, le problème résidera peut-être davantage dans l’incapacité de l’opposition à poursuivre un but commun. On peut également constater que l’Occident ne se montre pas si pessimiste face aux dernières élections, qui constituent pour l’OSCE une marque de la consolidation de la démocratie en Ukraine. Par ailleurs, l’Union européenne apprécie que le nouveau président ait déjà entamé des négociations pour revoir l’accord sur le gaz conclu par Timochenko, ce qui devrait assurer plus de stabilité et de sécurité dans les relations énergétiques avec la Russie. Quant à l’établissement de la langue russe comme langue officielle au même titre que l’ukrainien, Youchtchenko a déjà précisé que cela serait uniquement le cas dans les régions à majorité russe.
Enfin, si l’on se demande aujourd’hui « quo vadis Ukraïna » cela ne doit pas conduire à une réponse définitive mais laisser à la présidence actuelle le temps de faire ses preuves, espérant, comme le confie un journaliste italien, que « « la politique étrangère de Yanoukovitch ne sera pas aussi mauvaise qu’on ne le craint. ».
Suivre les commentaires : |