Union Européenne / Second semestre 2006.

Quelles priorités pour la présidence finlandaise ?

Relancer et redynamiser l’Union.

, par Nicolas Cadène

Quelles priorités pour la présidence finlandaise ?

Depuis ce 1er juillet 2006, la Finlande assure la présidence de l’Union européenne pour les six mois à venir du second semestre 2006. Ce sera là, après 1999, la seconde fois que la Finlande exercera la présidence de l’UE. Quelles sont donc les priorités de la présidence finlandaise ?

Pour sa seconde présidence de l’UE après celle de 1999, Helsinki s’est fixé plusieurs priorités [1] qui s’inscrivent dans la continuité du programme autrichien.

A savoir : Futur de l’Union (Traité constitutionnel, élargissement), transparence des institutions communautaires, promotion de la compétitivité, défense de l’environnement, la justice et affaires internes de l’Union et les relations extérieures, notamment.

Ce ne sont pas les dossiers qui manquent et le Premier ministre finlandais Matti Vanhanen devra bien savoir s’orienter dans ce dédale européen. L’impasse ne pourra être faite sur la question du Traité constitutionnel un peu plus d’un an après le double non français et néerlandais. Et pour montrer l’exemple, la Finlande sera cet automne le 16ème Etat à ratifier la Constitution.

Le pays nordique devra aussi poursuivre les difficiles négociations d’adhésion avec la Turquie. Le chef de la diplomatie finlandaise, Erkki Tuomioja, considère que "tout le monde dans l’Union attend que la Turquie ratifie le protocole additionnel". Si ce n’est pas fait, prévient-il, "il y aura des conséquences, ce n’est pas une menace."

La Finlande a évoqué vendredi une éventuelle suspension des pourparlers avec la Turquie si Ankara ne se pliait pas aux exigences requises pour l’adhésion à l’Union. "Il est toujours possible d’arrêter les négociations. Je suis certain que la Turquie ne l’ignore pas", a dit devant des journalistes le Premier ministre Matti Vanhanen. Ankara refuse toujours d’ouvrir ses ports aux navires chypriotes conformément à un protocole d’accord douanier dont les Vingt-Cinq doivent évaluer l’application avant la fin de l’année.

Les objectifs de la présidence finlandaise :

Plus précisément, pendant les six mois à venir, la Finlande présidera les réunions du Conseil européen, dont plus de 3000 se tiendront à Bruxelles et environ 130 sur son sol. Il convient de citer trois réunions d’envergure, celle des chefs d’État et de gouvernement, à caractère informelle, qui aura lieu à Lahti le 20 octobre, celle du Conseil européen à Bruxelles, en décembre, et le Sommet Asem (Asie-Europe), attendu à Helsinki au mois de septembre.

Pendant sa Présidence, la Finlande se fixera comme première mission de s’attaquer au problème crucial de l’Union, à savoir, celui de son déficit de légitimité auprès de ses citoyens. Pour la Finlande, ce n’est qu’en s’investissant pleinement dans le travail législatif et en s’acquittant avec efficacité des autres tâches qui lui incombent que l’on pourra(it) démontrer le bien-fondé de l’existence de l’Union. C’est pourquoi la Finlande mettra tout d’abord l’accent sur une action transparente et efficace. Cette transparence accrue caractérisant les activités de l’Union se concrétisera en forme d’ouverture des sessions plénières pour le public grâce à l’internet.

La Finlande s’efforcera d’améliorer également la qualité des actions menées en matière de législation. Cela impliquera des analyses portant sur les répercussions des décrets ainsi que l’exigence d’une plus grande clarté. La Finlande mettra fin aux délibérations passives portant sur le projet de Constitution et engagera, cependant, des débats actifs au sujet du futur de ce dernier en concertation avec les États membres et les organes de l’UE. Parallèlement, des démarches seront menées en vue de fomenter les activités de l’Union là où le permettront les traités actuellement en vigueur.

M. Matti Vanhanen, premier ministre de Finlande.

L’élargissement fera l’objet d’un débat au mois de décembre. L’objectif sera de parvenir à une nouvelle entente consensuelle en matière d’élargissement. Pendant la Présidence finlandaise, l’agenda intégrera les délais pour l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, les négociations relatives à l’adhésion menées avec la Turquie et la Croatie ainsi que toute la situation dans les Balkans de l’ouest.

Les initiatives finlandaises viseront tout particulièrement la fomentation de la compétitivité de l’Union. La politique en matière d’innovation et d’énergie, en particulier, sera promue. La Finlande mènera des initiatives pendant sa Présidence en vue de mettre en œuvre des innovations de manière efficace. Dans le domaine de la politique énergétique, elle s’efforcera d’engager un débat portant sur les moyens de profiter des relations extérieures pour la réussite des buts communs en matière d’énergie.

Pour les relations extérieures, la Finlande préconisera la consolidation du rôle international de l’Union européenne et le renforcement des actions cohérentes. Un axe particulier portera sur les relations avec la Russie et, parallèlement à cela, la dimension septentrionale. Des efforts seront déployés pour que la Russie s’engage de plus en plus étroitement vis-à-vis de la coopération européenne. Les autres axes des relations extérieures seront les relations transatlantiques et asiatiques.

Dans le domaine de la justice et des affaires internes de l’Union, la Finlande s’efforcera d’élucider les possibilités de rendre plus efficace le processus du pouvoir décisionnel dans le cadre de la coopération judiciaire et policière. Cela permettra de répondre aux attentes des citoyens en matière d’actions menées par l’Union en vue de la prévention de la criminalité internationale, du commerce d’êtres humains et du terrorisme.

Analyse :

La Finlande, un des meilleurs élèves de la classe européenne, entend montrer l’exemple sur tous les plans -économique, institutionnel et politique- lors de sa présidence de l’Union. Cet immense pays peuplé d’à peine cinq millions d’habitants, qui a adhéré à l’UE en 1995, a parfaitement réussi son intégration et sa précédente présidence, en 1999, reste dans toutes les mémoires comme l’une des meilleures de l’histoire.

Marquée par le sens de l’humour jamais démenti des Finlandais, elle avait été complètement tournée vers la défense des intérêts européens et avait permis d’accorder à la Turquie le statut de candidat à l’adhésion après un long suspense. Le ministre finlandais des Affaires étrangères Erkki Tuomioja, entend visiblement répéter l’opération, même si la Finlande assumera cette présidence dans un tout autre contexte. « C’est une Union européenne très différente de celle d’il y a sept ans », a-t-il dit lors d’une conférence de presse organisée pour présenter le programme de ces six prochains mois.

Helsinki refuse tout d’abord de laisser les « non » français et néerlandais à la Constitution européenne peser sur son semestre et, comme un signe de défiance, la Finlande sera le 16e Etat membre de l’UE à ratifier cet texte en septembre prochain. « Nous ne prenons pas la présidence dans une période de crise », a dit Tuomioja, qui a prédit une « large majorité » de 80 ou 90% des députés lors de ce vote. « L’euroscepticisme a grandi mais cela n’affectera en rien notre action ».

Pour la Finlande, il s’agit de montrer que le « traité constitutionnel est vivant », les dirigeants européens ayant décidé lors de leur dernier sommet de prendre avant la fin de 2008 une décision sur le sort à réserver à ce texte. « Nous ne voyons pas les choses en noir et blanc, nous reconnaissons les vues divergentes », a expliqué le chef de la diplomatie finlandaise, qui s’attend à voir le terme « Constitution » passer à la trappe tout en changeant le moins possible la substance du texte, sous peine de voir l’équilibre d’ensemble « s’effondrer » si l’on commence à y toucher.

MM Eikka Kosonen et Erkki Tuomioja, ministres finlandais.

« Nous espérons avoir un nouveau traité en 2008 », a-t-il ajouté en expliquant que la Finlande préparerait le terrain avec les Etats membres. « Même si ce n’est pas exactement le même traité, nous espérons que ce sera le plus proche possible ». Cela ne doit pas empêcher l’Union européenne d’améliorer son fonctionnement sur la base des traités actuels, par exemple en faisant sauter le verrou de l’unanimité sur la coopération policière et judiciaire et en créant une politique commune de l’énergie avec l’implication du voisin russe de la Finlande.

Comme déjà évoqué, l’autre grand dossier de la présidence finlandaise sera l’élargissement de l’UE, dont elle est une fervente avocate. Tuomioja veut surtout éviter que l’euroscepticisme ambiant ne donne un coup d’arrêt à ce processus, même si les dirigeants européens doivent définir pendant les six prochains moins ce qu’est la « capacité d’absorption » de l’Union. « Nous espérons mener ce débat sans envoyer le mauvais signal aux pays candidats ou potentiels », a-t-il dit en évoquant les Balkans, qui ont selon lui besoin de l’objectif européen.

Le moment le plus difficile de la présidence finlandaise concernera les négociations d’adhésion de la Turquie, qui risquent de connaître une véritable crise fin 2006. L’UE exige avec de plus en plus de force qu’Ankara accepte que les navires et les avions de la république de Chypre, un Etat membre de l’UE dont la Turquie occupe une partie du territoire, aient accès aux ports et aéroports turcs. Mais les Turcs lient ce problème à un accord sur l’avenir des relations entre les deux parties de Chypre. « Il y a des dossiers liés à la Turquie qui peuvent devenir problématiques », a expliqué le ministre finlandais, qui veut tout faire pour « éviter une situation dramatique » que serait la suspension des négociations d’adhésion de la Turquie. « Ce serait un fiasco pour l’UE et un fiasco pour la Turquie, nous allons essayer d’éviter cela », a-t-il poursuivi.

Enfin, pour une fois immodeste, la Finlande entend se poser en modèle sur le plan économique, puisqu’elle a brillamment réussi à concilier compétitivité, préservation de la sécurité sociale et fonctionnement des services publics. « Sur beaucoup de points, nous avons fait mieux que beaucoup d’autres », a-t-il estimé. « On peut s’en inspirer ».

- Illustration :

 Le visuel d’ouverture de cet article est le logo officiel de la présidence finlandaise du Conseil de l’Union pour ce second semestre 2006.

 Les deux photographies utilisées dans cet article (prises à l’occasion de la présentation du programme de la présidence finlandaise, à Bruxelles, ces 29 et 30 juin derniers) sont tirées du site officiel de la présidence finlandaise de l’UE.

Notes

[1Sources : Dépêche de l’agence de presse « Associated Press » du 30 juin 2006 (10h18)

Vos commentaires
  • Le 13 juillet 2006 à 19:41, par Ronan Blaise En réponse à : Quelles priorités pour la présidence finlandaise ?

    Nous ne le rappelons sans doute pas assez (comme si les mécanismes communautaires étaient acquis pour tout le monde...) :

    Petit rappel pédagogique très succinct : lorsque -comme c’est le cas de la Finlande durant ce second semestre 2006- un État membre assure la ’’présidence’’ semestrielle de l’UE...

     Son chef d’État ou de gouvernement préside le ’’Conseil européen’’ (qui se réunit au moins deux fois par an pour fixer les grandes orientations et donner les grandes impulsions politiques...)

     Ses ministres président le ’’Conseil de l’Union européenne’’ qui se réunit plusieurs fois par mois (et réunit les 25 ministres concernés par le sujet à l’ordre du jour...) pour prendre ensemble les décisions communes qui engagent tous les États membres.

    Et, au début de chaque semestre, le pays qui a la charge de cette présidence détermine les priorités à faire valoir durant cette présidence semestrielle...

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