Nicolas Sarkozy et François Hollande : pour une politique agricole compétitive
Sur les 19 milliards d’euros que la France verse au budget européen, les retours sur son sol s’élèvent à plus de 13 milliards, dont 72% sont consacrés à la politique agricole. Or, la réforme de la PAC prévoit de redistribuer une plus grande partie des fonds européens aux nouveaux membres de l’Union, dont certains réclament un taux de répartition unique. En juin prochain, au lendemain des élections présidentielles, démarrera le processus d’adoption du budget européen, sous la forme d’une proposition de la Commission qui sera ensuite votée par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen.
Nicolas Sarkozy comme François Hollande ont prévenu leurs partenaires européens : la France ne renoncera pas à l’enveloppe budgétaire allouée à ses agriculteurs. On peut se demander comment un Président de la République pourrait imposer ses choix, dans la mesure où la décision finale revient au Parlement européen, qui peut aller à l’encontre d’un refus du Conseil, en votant le budget à la majorité de ses membres et des 3/5 des suffrages exprimés. Assistera-t-on alors à une nouvelle politique de la chaise vide ou à un « I want my money back » français ?
Pour le candidat de l’UMP, comme pour celui du Parti socialiste, le maintien du budget est d’autant plus important que l’agriculture est un des piliers de la « France forte » pour le premier et du « redressement de la France » selon le second. Dans ce contexte, tous deux envisagent cette question au prisme de la compétitivité. Ils partagent également une mesure-phare, consistant dans la révision du mode de répartition de la valeur ajoutée entre agriculteurs, intermédiaires et grande distribution. Un rapport publié en juin 2011 par l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires a en effet révélé que les marges brutes de la grande distribution sur les produits issus de l’agriculture française varient entre 30 et 50%, et augmentent au détriment de celles des producteurs.
Si ce dispositif est en faveur de la création d’emploi et du maintien des exploitations, il semble insuffisant pour pallier la concurrence intra-européenne, et particulièrement celle des produits espagnols. Sur ce point, chaque candidat a sa méthode : François Bayrou privilégie la compétitivité-qualité, avec la mise en valeur du « made in France » ; François Hollande axe son programme sur la modernisation des techniques agricoles et le soutien de l’État ; Nicolas Sarkozy a certainement l’approche la plus tournée vers l’Europe et le marché, avec la recherche d’une harmonisation des politiques fiscales et sociales, ayant pour objectif principal l’allègement des charges patronales – ou salariales – en France.
Le concept de souveraineté agricole chez les extrêmes
Si les candidats de l’UMP, du Parti socialiste et du Modem proposent une politique agricole en corrélation avec celle de l’Union européenne, les candidats du Front national et du Front de gauche adoptent une attitude résolument souverainiste. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon s’inscrivent ainsi en rupture avec les mécanismes préexistants – du marché pour l’un et de la supranationalité pour l’autre, qui manifeste leur rejet de la mondialisation. Une victoire d’un de ces deux candidats marquerait également une inflexion majeure de la France dans la PAC.
Dans son programme, Marine Le Pen annonce la renationalisation de la politique agricole, et l’abandon pur et simple de la PAC au profit de la PAF, compensé par la réduction de la contribution française au budget de l’Union européenne.
Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, ne préconise pas le retrait de la France de la Politique Agricole Commune, mais suggère la mise en place de mesures protectionnistes allant plus loin que le concept initial de « préférence communautaire », avec l’ « adoption d’une nouvelle politique fondée sur l’objectif de souveraineté alimentaire et centrant la production sur les besoins intérieurs ». En d’autres termes, le candidat du Front de gauche remet en question les accords internationaux de Marrakech (1994), qui régulent les échanges commerciaux et les droits de douanes à l’échelle internationale et ont marqué la fin de l’ « exception agricole » européenne.
Le Front national, dans la même ligne, dénonce « l’OMC, organisme poussant à la libéralisation totale des échanges, qui ne reconnaît pas les enjeux spécifiques de l’agriculture, souvent arbitrés en faveur d’intérêts purement financiers.
Le protectionnisme alimentaire est également un thème-phare du programme d’Europe-Écologie-les-Verts, qui soutient « la souveraineté, par une protection efficace à l’importation », pour favoriser les productions locales ; Nicolas Dupont-Aignan (Debout le République), préconise l’ « encadrement des importations, pour protéger notre production » et ainsi relocaliser l’emploi ; Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) dénonce l’ « anarchie de l’économie capitaliste et la course au profit » et suggère de se recentrer sur les besoins alimentaires réels ; cet anti-capitalisme se retrouve chez Philippe Poutou, qui s’élève contre la « spéculation croissante, au détriment de la profession, et des consommateurs » ; Jacques Cheminade, également, propose d’« organiser les marchés contre la mondialisation prédatrice ».
En somme, deux modèles de politique agricole s’opposent dans le débat politique français : la régulation et le protectionnisme d’un côté, et une agriculture orientée sur le marché et la compétitivité d’un autre. Dans ce contexte, les parlementaires français et allemands semblent avoir trouvé une voie intermédiaire entre les deux courants de pensée : une politique axée sur les marchés mais assortie d’une régulation, le « verdissement » de l’agriculture mais avec un assouplissement des normes, ou encore le maintien de la dotation budgétaire, dont la France et l’Allemagne sont les deux premiers bénéficiaires. Les enjeux de la réforme de la PAC restent en effet, pour tous les candidats, malgré des méthodes différentes, la capacité des Européens à nourrir une population grandissante, la qualité et la sécurité alimentaires, l’emploi dans les filières agricoles ou encore les prix à la consommation.
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