Quel fédéralisme pour l’Union européenne ?

, par Arnaud Huc

Quel fédéralisme pour l'Union européenne ?
Soleil levant Auteur : nmsd - Creative Commons CC-by-nc-nd

La difficulté du fédéralisme européen c’est qu’il devra composer avec une situation politique inédite. L’Europe n’est pas les Etats-Unis, elle n’est pas l’Inde non plus. Les Etats qui composent aujourd’hui l’Union européenne sont pour la plupart indépendants depuis longtemps. Nous ne sommes pas comme ce fut le cas en Amérique, sur une terre « vierge » où tout est à construire. L’Europe, devra se construire non pas en partant de rien, ni même en faisant table rase du passé, mais en arrivant à concilier l’histoire européenne avec une fédéralisation du continent.

Qu’est ce que le fédéralisme ?

Certains diront que le fédéralisme est un type d’Etat. En effet, ne dit-on pas que tel Etat est un Etat fédéral, tel autre est un Etat unitaire. Néanmoins, restreindre le fédéralisme à une simple structure institutionnelle c’est lui faire injure. Le fédéralisme c’est une philosophie politique, c’est la philosophie de la subsidiarité. Est fédérale la société qui attribue le pouvoir de décision pour une question donnée à l’échelon le plus efficace pour répondre à cette question. Derrière cette phrase anodine se trouve la source de la dichotomie entre Etat-nation et Etat fédéral.

En effet, là où l’Etat-nation a pour but la centralisation du processus de décision à l’échelon le plus élevé (le gouvernement et le parlement), la fédération transfère le pouvoir de décision à l’échelon le plus efficace pour y répondre. Ainsi, si la diplomatie et l’armée sont plus efficacement traitées par l’échelon le plus élevé, ce n’est pas le cas des infrastructures, de l’éducation, voire même des questions locales. L’idéal-type fédéral est donc une cohabitation de plusieurs Etats situés à plusieurs échelons différents et devant gérer des problèmes différents.

Ces deux termes, Etat et Fédération, sont des idéaux-types, c’est à dire qu’aucun Etat ne correspond totalement à l’un ou totalement à l’autre. La France par exemple penche plus vers le premier, bien que l’échelon local et régional a un pouvoir de plus en plus important. Les Etats-Unis, eux, penchent plus vers « La fédération », car ils ont transféré un grand nombre de pouvoirs à des échelons intermédiaires (Etats fédérés et comtés).

Le fédéralisme c’est donc cela, c’est une philosophie qui veut que le pouvoir appartienne à la structure politique la plus capable de l’exercer efficacement plutôt qu’à l’échelon le plus élevé et donc le plus éloigné des citoyens.

Sur quels échelons doit se baser l’Europe fédérale

L’Europe, c’est les Etats-nations, et l’Union européenne doit composer avec cela. L’Etat-nation apparaît tellement légitime aujourd’hui que ce sont eux qui font l’Europe plutôt que les citoyens qui les composent. Pourtant, pour construire une Europe fédérale il faut dépasser l’Etat-nation car l’Etat-nation de par sa finalité est incompatible avec une structure fédérale.

L’Etat-nation, de plus est aujourd’hui dépassé par la mondialisation. Il est trop petit pour organiser une politique économique efficace (c’est-à-dire qui soit viable et qui ne souffre pas de la concurrence à la baisse de ses voisins) et trop grand pour gérer efficacement les projets locaux (en effet, la France délègue de plus en plus de pouvoirs aux échelons régionaux et municipaux). De ce fait, même si il est difficile de penser dépasser l’Etat-nation (qui a marqué toute notre histoire contemporaine) une Europe fédérale ne pourra s’imposer qu’en le faisant.

L’Europe en effet, en tant que projet politique, ce n’est pas une union d’Etats-nations, mais une union de citoyens, d’Européens. Il serait absurde de rester trop attaché à des Etats qui ne sont pas des finalités en soi. Nous ne devons pas oublier que l’Etat-nation est un moyen de la vie en société et non une fin, par conséquent si une autre forme est plus efficace que lui pour organiser la société, alors c’est vers elle que nous devons nous tourner.

Or si l’Europe ne doit pas, in fine, s’appuyer sur l’Etat-nation, elle devra d’une part ne pas le négliger dans un premier temps, et d’autre part trouver un échelon territorial qui soit efficace dans la gestion des intérêts locaux. Des régions centrées autour de métropoles semblent être pertinentes comme échelon local. En effet, il semblerait que des régions type Bavière soient à la fois suffisamment proches des citoyens et suffisamment grandes pour trouver leurs moyens de financement au travers de l’impôt.

Dans tous les cas de par sa philosophie même, le fédéralisme ne doit pas imposer d’échelons intermédiaires, c’est aux citoyens de choisir quels échelons locaux leurs conviennent le mieux, cela pouvant aller de la ville suivant le modèle de la cité-Etat antique, à la région économique comme la Padanie.

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Vos commentaires
  • Le 7 décembre 2012 à 13:28, par Xavier Chambolle En réponse à : Quel fédéralisme pour l’Union européenne ?

    Bravo. :)

    Merci d’avoir si bien expliqué le principe de subsidiarité, base du fédéralisme. :)

  • Le 8 décembre 2012 à 10:16, par Ronan En réponse à : Quel fédéralisme pour l’Union européenne ?

    « L’Europe en effet, en tant que projet politique, ce n’est pas une union d’Etats-nations »

    Et, en tout cas, ça serait de moins en moins possible.

    Dans la mesure où si l’Europe actuelle compte effectivement un certain nombre d’Etats, au sens strictement administratif et juridique du terme (27 Etats membres de l’UE, 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, etc) ...

    ... elle ne compte décidément pas que des « Etats-Nations » au sens idéologique du terme (puisque l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni n’en sont pas...).

    Et dans la mesure où l’Europe compte également au moins une petite quarantaine de « Nations sans Etat » (Catalans, Ecossais, Flamands ... mais aussi Bretons, Corses, Basques ... Cachoubes, Silésiens, Sorabes, Moraves ... etc) ne disposant très souvent pas d’un cadre étatique véritablement digne de ce nom où elles pourraient exprimer quelques volontés particulières.

    L’essence même du projet fédéral étant de dépasser ces contradictions en rendant possible tout à la fois une gouvernance efficace (par une répartition en effet autant que possible « intelligente » des compétences entre des « niveaux de gouvernance » complémentaires...), et l’unité politique dans le respect des diversités.

    Et, tout ça, dans le respect de la Démocratie, bien entendu.

  • Le 1er avril 2014 à 19:45, par PIEL En réponse à : Quel fédéralisme pour l’Union européenne ?

    Bonjour, déjà merci pour cette définition, ensuite j’aimerais bien savoir si quelqu’un sait-il quel parti français (pour les européennes) est le plus fédéraliste ? Merci d’avance, leurs programmes politiques sont tous troubles et assommants ..

  • Le 1er avril 2014 à 19:55, par Aurélien Brouillet En réponse à : Quel fédéralisme pour l’Union européenne ?

    Un examen des programmes politiques est en cours ! Vous pouvez déjà avoir une idée avec les différentes interview réalisées (d’autres sont en cours). Rubrique élection, sous rubrique : candidat.

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