Géopolitique

Quel avenir pour la PESD ? (III et fin)

L’OTAN : de l’allié nécessaire au concurrent gênant

, par Marie Molinié

Quel avenir pour la PESD ? (III et fin)

Dans ce troisième (et dernier) volet de notre série d’articles sur la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), sera ici abordée la question fondamentale des relations entre la PESD - politique extérieure de l’UE - et l’OTAN, alliance militaire traditionnelle pour bon nombre d’Etats membres de l’UE.

L’OTAN assure progressivement les mêmes missions que celles assumées par la PESD. Et ce, sur un espace géographique qui dépasse le continent européen.

OTAN / PESD : une logique concurrentielle

Ce qui faisait jusque là la plus-value de la PESD était qu’elle intervenait certes dans le domaine militaire mais également dans le domaine civil de la gestion de crises. L’OTAN était à la base une organisation strictement militaire. Seulement, suite à la disparition de la menace qui avait obligé sa création, outre l’élargissement de ses membres aux anciens ennemis, l’OTAN a élargi ses missions au domaine civil.

C’est ainsi que l’OTAN est intervenue en Afghanistan pour surveiller le bon déroulement des dernières élections législatives. Elle est également intervenue au Cachemire suite au tremblement de terre. Deux missions qui rentrent totalement dans de cadre des compétences de la PESD. Pareillement, l’on peut se demander si la « Nato Response Force », qui prévoit le déploiement de 63000 hommes entre 7 et 30 jours, n’est pas non plus une pratique concurrente du « Headline Goal » fixé au conseil européen d’Helsinki en décembre 1999.

Ces deux éléments et surtout l’extension des missions des actions de l’OTAN au domaine civil contribuent à vider la PESD de sa substance et surtout de son originalité. Dès lors que la PESD et l’OTAN ont les mêmes missions mais que la première est, en raison de ses lacunes capacitaires, beaucoup moins efficace et autonome que la seconde, on peut se poser la question de son utilité.

Mieux se définir, pour survivre

Certes la PESD dispose d’une autonomie intellectuelle quant à la logique de recours à la force et dans la réponse à apporter aux menaces non militaires. Mais cette autonomie intellectuelle, qu’on l’envisage sous l’angle de l’engagement préventif ou du multilatéralisme efficace, doit être complétée dans sa composante pratique.

La PESD survivra si elle propose au mieux une plus-value, au moins une alternative complémentaire à l’OTAN. La PESD pourrait « innover », se singulariser par exemple en aidant l’Union africaine à mettre en place la Force Africaine en attente ou le « système continental africain d’alerte rapide ».

Une question de volonté politique

L’avenir de la PESD dépendra de l’avenir que les Etats membres voudront lui donner. Tout sera une question, pour changer, de volonté politique et d’impulsion, d’entente entre les Français et les Britanniques. C’est ce courage politique qu’il faut pour mettre en place un marché européen de l’armement et des programmes communs d’armement, pour s’affirmer vis-à-vis de l’OTAN. Sachant néanmoins que ce n’est pas parce que les Etats-Unis accepteront l’existence d’une défense commune européenne que celle-ci verra le jour.

Pour cela, il faut que les Etats européens le veuillent réellement eux-mêmes. Or ils ne le démontrent pas vraiment. Aucun n’est favorable à une armée réellement européenne, certains d’entre eux, la France par exemple, procèderont même à des coupes budgétaires dans le domaine de la défense dès l’année 2007...

Les difficultés rencontrées par la France pour lancer le programme de fabrication en commun d’un porte-avion avec les Britanniques (ces derniers rechignant à partager les travaux de leurs recherches...) attestent des obstacles qui attendent la PESD sur la voie de sa pleine efficacité.

Quelques signes positifs, quelques lueurs d’espoir

Terminer sur une note aussi négative serait toutefois des plus déconcertant, d’autant que quelques signes positifs sont apparus quant à l’avenir de la PESD. Ces lueurs d’espoirs, même s’il ne s’agit que de prémices, ont au moins le mérite d’exister...

La stratégie de sécurité rédigée par Javier Solana et adoptée par les Etats membres en décembre 2003 définit les menaces auxquelles sont confrontés les Etats membres de l’UE. Sur cette base de menaces communes, l’on peut espérer que naîtront des besoins communs et donc des programmes communs d’armement, améliorant l’interopérabilité et donc l’efficacité des équipements européens.

Par ailleurs, les Etats membres ont, en novembre 2005, adopté un « code de bonne conduite » impliquant une ouverture à la concurrence pour les marchés de plus d’un million d’euros. Ceci constitue, quand bien même le code n’est pas contraignant, un début : un premier pas vers un marché européen de l’armement en contrecarrant l’article 296. De même, sans nous prononcer quant à l’avenir du « Traité Constitutionnel Européen », rappelons que son article I-41 impose aussi aux Etats membres de renforcer leurs capacités militaires.

Surtout, n’oublions pas que la PESD est aujourd’hui la seule politique qui permet de faire avancer une Europe moribonde et dépressive depuis les deux « NON » au TCE. Seule la dimension externe de la construction européenne permet de passer outre la ’’décadence’’ interne actuelle, mêlant égoïsmes nationaux et patriotismes archaïques....

Aujourd’hui, la question n’est en fait donc plus de savoir si la PESD a un avenir, mais plutôt d’imaginer quels seraient les moyens concrets de cet avenir.

Se pencher dès maintenant sur le futur de cette politique, c’est concevoir et prévoir l’Union européenne avec un grand « U » : une Union qui ne cédera pas aux dangereuses tentations de repli sur soi et de rupture avec la construction d’une Europe fédérale.

- Illustration :

Photographie du porte-avions « USS Abraham Lincoln » (US Navy) croisant dans le golfe d’Alaska. (Sources : Kittie VandenBosch, Avril 2002, wikimedia).

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Vos commentaires
  • Le 30 novembre 2006 à 19:44, par krokodilo En réponse à : Quel avenir pour la PESD ? (III et fin)

    Trois articles sur l’Europe de la défense et pas une ligne sur le problème de la communication linguistique, pas un mot sur le fait que les état-majors et la chaîne de commandement parlent anglais, et ne pratique pas le multilinguisme dont on nous rebat les oreilles, et sur lequel une énième commission vient tout juste de pondre un énième rapport, tout plein des mêmes clichés sur le developpement souhaitable du multilinguisme. Stop à l’hypocrisie et regardons la réalité en face : une structure supra-nationale ou un nouvel échelon politique ont besoin d’une langue de communication. Cette force militaire ne peut fonctionner comme l’ONU avec des tonnes d’interprètes, et prend plutôt le chemin de l’Otan : l’anglais. Alors disons-le.

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