Afrique

Protéger les populations du Darfour !

Par Jacky Mamou, président du Collectif Urgence Darfour

, par Jacky Mamou

Protéger les populations du Darfour !

Une véritable guerre contre les civils se déroule actuellement au Darfour, dans l’ouest du Soudan. Certains parlent déjà du premier génocide du XXIe siècle.

Prenant prétexte de l’existence de rebelles opposés à Khartoum, depuis 2003, l’armée soudanaise et les milices janjawids ont massacré par villages entiers, principalement en raison de leur identité « africaine noire », leurs concitoyens, Four, Massalit, Zaghawa… qui constituent la majorité des six millions d’habitants du Darfour.

Le compteur des Nations unies est bloqué depuis 18 mois à 200 000 morts, d’autres experts évaluent à 400 000 hommes, femmes et enfants le nombre de morts. Des dizaines de milliers de personnes ont été violées, torturées et terrorisées. Plus de deux millions et demi d’autres ont été chassées de chez elles.

La Communauté internationale concernée mais sans réels pouvoirs

L’ONU a qualifié les exactions commises contre les populations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et a saisi la Cour pénale internationale. « Les violations des droits de l’homme se poursuivent de la même manière et pratiquement à la même échelle… Les civils qui se sont réfugiés dans des camps restent la cible d’exactions, notamment les femmes, victimes d’agressions sexuelles », a déclaré le 17 septembre dernier Louise Arbour, la Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU.

L’action humanitaire est intentionnellement entravée par le gouvernement soudanais : des ONG ont été obligées de suspendre leurs programmes, quand elles n’ont pas été tout simplement expulsées, comme récemment le coordinateur de Care. Un million et demi de personnes ont un accès précaire ou impossible aux secours. Cette situation, déstabilise encore plus cette région déjà fragilisée et aggrave d’autres désastres humanitaires. L’envoi d’une force à forte composante européenne dans l’est du Tchad et au nord de la République Centrafricaine, avec un mandat de l’ONU, pour sécuriser cette zone est la seule bonne nouvelle pour la région.

Human Rights Watch, dans un rapport récent intitulé « Darfour : un chaos intentionnel », souligne la responsabilité du gouvernement soudanais dans le climat d’insécurité actuel dans toute la région : opérations aériennes et terrestres menées aveuglément, complicité dans les attaques perpétrées par les Janjawids contre les civils, le fait qu’il ne réclame pas de comptes aux violateurs des droits humains, et son refus de mettre sur pied une force de maintien de l’ordre capable de protéger les civils. Il s’agit par ce chaos organisé, de rendre impossible au Darfour, l’intervention de la force armée ONU-Union Africaine, décidée par le Conseil de Sécurité par les résolutions 1706, puis 1769. Human Rights Watch milite pour que l’ONU impose des sanctions, si Khartoum poursuit ses attaques et sa politique d’obstruction.

Une douzaine de résolutions ont été votées par les Nations unies sans aucun résultat concret auprès du gouvernement de Khartoum. En décembre dernier, au moment de quitter ses fonctions, Kofi Annan reconnaissait que le Darfour était le plus grave échec de l’ONU de ces dernières années.

L’action des pays africains n’a pas non plus réglé le problème du Darfour

La Communauté Européenne est le principal bailleur de l’Union Africaine (U-A), qui a connu un échec retentissant avec sa première intervention au Darfour depuis 2005. Les 7000 hommes de l’U-A n’ont pu protéger les civils. Ils ont échouer à empêcher le déplacement forcé de centaines de milliers de villageois ou à sécuriser l’aide. Des tribus arabes s’affrontent même maintenant pour se partager le butin de guerre des cultivateurs « noirs africains ». Sur les terres abandonnées des Darfouris, s’implantent des étrangers tchadiens, nigériens… tous arabes.

Ce bilan désastreux n’empêche pas Alpha Konaré, président de la Commission de l’U-A, de fanfaronner. Il prétend faire de la résolution 1769 du Conseil de Sécurité, demandant une intervention internationale, une opération de troupes africaines uniquement, alors qu’elles n’ont ni moyens logistiques, ni technologiques pour agir. Cette attitude irresponsable fait le jeu de Khartoum qui, fort de l’appui des pays de la Ligue arabe, présents dans l’U-A, appuie à fond cette position et aurait ainsi les mains libres pour continuer ses exactions au Darfour.

Pire aujourd’hui les chancelleries, y compris européennes, menacent les chefs darfouris de sanctions, s’ils ne participent pas aux « négociations » de Tripoli. Et ce, au lieu d’inciter Khartoum à cesser les atrocités et à déférer les coupables devant la justice. C’est inacceptable ! Les pressions exercées sur les chefs darfouris pour un accord au finish à Abuja en 2006, ont entraîné une nouvelle vague de violences et de divisions. Aucune leçon n’a donc été tirée.

La Lybie peut-elle jouer le rôle d’arbître ?

La difficulté est pour les leaders du Darfour d’accepter de négocier alors que, non pas la guerre, mais les crimes contre l’humanité continuent. Pourquoi permettre que les camps de déplacés soient attaqués, comme celui de Nyala récemment ; pourquoi ne pas broncher quand les soudanais peignent leurs avions de livraison d’armes en blanc pour simuler les couleurs de l’ONU ? Pourquoi ne rien dire aux Chinois et aux Russes qui violent d’une manière évidente l’embargo sur les armes pour le Darfour ?

Le lieu choisi, pour les « négociations », Tripoli, constitue aussi un obstacle. Est-ce vraiment un terrain neutre ? Les diplomates ignorent-ils le rôle de Khadafi dans l’armement des milices arabes du Darfour pendant des décennies, son action de déstabilisation sur le Tchad voisin. Les Darfouris sont-ils vraiment en sécurité et à l’écart de toute « pression amicale » dans ce pays ?

La question des médiateurs est aussi posée. A-t’on pris la peine de consulter les Darfouris avant de les désigner ? Peut-on jouer une partie dont l’arbitre n’est pas considéré comme fiable par une des équipes ? Comment afficher un tel mépris pour des gens qui ont tant souffert et tant été trahis par la communauté internationale ?

Il y a toujours "Urgence (pour le) Darfour"

Les pays démocratiques devraient œuvrer au plus vite pour la protection des civils, leur retour sur les terres dont ils ont été chassés, la défense de leurs droits et le refus de l’impunité de leurs bourreaux, par le déploiement d’une force internationale robuste avec un mandat de protection des populations du Darfour.

Seule une mobilisation puissante de l’opinion internationale, pourrait enfin contraindre les gouvernements à une action plus vigoureuse sur le terrain. Les citoyens peuvent agir et demander à l’instar du Parlement européen, dans sa résolution du 15 février 2007, « aux Nations unies d’agir conformément au principe de la "responsabilité de protéger", en fondant son action sur le fait que le gouvernement soudanais n’assure pas la protection de sa population au Darfour, contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité… Le gouvernement soudanais ne fournit pas d’aide humanitaire à la population et invite les États membres, le Conseil et la Commission à assumer les responsabilités qui leur incombent et à tout mettre en œuvre pour protéger efficacement la population du Darfour contre un désastre humanitaire ».

Le Collectif Urgence Darfour, ( www.urgencedarfour.com ) qui regroupe plus d’une centaine d’associations et de nombreuses personnalités essaie de réveiller l’opinion.

A l’appel d’associations et de personnalités, signez l’europetition d’urgence pour le Darfour : www.europetition-darfour.org

Aidez le Collectif Urgence Darfour, rejoignez-les et soutenez financièrement en envoyant un chèque à Urgence Darfour, maison des associations, BL 15, 54 rue Pigalle – 75009 Paris

Illustration : visuel d’ouverture tiré du site d’Urgence Darfour.

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