Traité de Lisbonne

Pourquoi une ratification parlementaire ?

, par Sophie Gérardin

Pourquoi une ratification parlementaire ?

Signé à Lisbonne le 13 décembre dernier par les vingt-sept État membres de l’Union européenne, le traité européen modificatif devrait être entériné par la voie parlementaire en France les 6 et 7 février et dans la grande majorité des pays européens ces prochains mois. Au terme d’une procédure extrêmement courte, la France sera le quatrième pays, après la Hongrie, la Slovénie et Malte, à ratifier ce traité dit « simplifié ».

Nicolas Sarkozy l’avait annoncé lors de sa campagne : s’il est élu, il choisira la voie parlementaire pour faire entrer en vigueur le traité européen qui remplace la défunte Constitution européenne. Et il l’a fait. En France, les traités européens ont toujours été ratifiés par le Parlement. Seul le traité établissant une Constitution pour l’Europe avait donné lieu à un référendum le 29 mai 2005, avec le résultat que l’on connaît. Le président a donc légitimé sa décision en se référant à la tradition.

Mais pour pouvoir présenter le traité de Lisbonne devant les deux assemblées, la Constitution française doit être modifiée, d’après le Conseil constitutionnel qui s’est exprimé sur le sujet le 20 décembre dernier. En effet, le traité européen élargit les pouvoirs du Parlement français, transfère une partie de la souveraineté nationale et réaménage les modalités d’exercice de compétences déjà transférées (avec l’extension du vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres européens).

Après avoir chacune adopté le projet de loi modifiant la Constitution dans les mêmes conditions en janvier, les deux chambres se réuniront en Congrès à Versailles le 4 février. Pour être adopté, le texte devra obtenir au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés. Si tous les parlementaires sont présents, ce qui n’est pas certain pour l’instant, la majorité des trois cinquièmes s’élève à 545 voix (sur un total de 908 voix). Si c’est le cas, le traité de Lisbonne devrait être définitivement adopté les 6 et 7 février par l’assemblée nationale, puis le sénat.

Une partie serrée pour Nicolas Sarkozy ?

D’après les calculs du sénateur de gauche Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Sarkozy a besoin des voix de l’UMP (480), du Modem et du Nouveau Centre (59) et des non-inscrits (13) pour gagner, au cas où tous les parlementaires seraient présents à Versailles. Le sénateur table sur le fait que les souverainistes, au nombre de 15, voteront contre, tout comme la gauche unie (355 voix). Selon lui, la partie serait donc très serrée pour le président. Mais deux inconnues de taille sur lesquelles il ne dit mot, demeurent : combien de parlementaires seront effectivement présents le 4 février et que fait-il de la division de la gauche sur la question ?

Entre ceux qui prônent le vote contre, ceux qui enjoignent à le boycotter et ceux qui sont favorables à la réforme institutionnelle par la voie parlementaire, bien malin qui peut aujourd’hui déterminer l’issue du scrutin. L’avantage de la droite est d’avoir adopté une position claire sur le sujet. Or lors d’un vote, l’unité est bien plus forte que la division, les mathématiques révélant alors toute leur limite en politique.

Dépasser les clivages droite-gauche

Bref, Jean-Luc Mélenchon laisse l’impression que les parlementaires devraient voter pour ou contre Nicolas Sarkozy, notamment lorsqu’il écrit à son propos : « sa seule marge de sécurité ne peut lui venir que des socialistes qui accepteraient la félonie de lui donner un coup de main ». Cependant, les enjeux sont ailleurs, à un niveau supranational qui devrait dépasser les clivages droite-gauche : souhaitons-nous remettre rapidement l’Europe en marche ? Et plus généralement, quelle Europe voulons-nous pour demain ?

Bien loin de ces calculs, une autre solution était possible : l’organisation d’un référendum pan-européen, le même jour. La question posée aux Européens et la réponse qu’ils auraient apportée, aurait alors véritablement donné toute sa dimension au traité de Lisbonne, au-delà des clivages politiques classiques. Trop risqué pour certains ou trop complexe à organiser pour d’autres ?

Quoi qu’il en soit, le vote par les parlements nationaux est la solution retenue par les gouvernements européens, à l’exception de l’Irlande, dont la Constitution oblige à ratifier les traités européens par référendum. Certains chefs d’État et de gouvernement, comme en Grande-Bretagne, au Danemark et au Pays-Bas, sont actuellement confrontés à la pression de l’opinion publique qui réclame un référendum. Seule certitude au calendrier : le traité modificatif doit être ratifié par l’ensemble des États membres, avant d’entrer en vigueur le 1er janvier 2009.

On peut critiquer le choix du président de la République de la voie parlementaire, mais on ne peut pas réduire l’enjeu du scrutin à une opposition droite-gauche, ni même affirmer que Nicolas Sarkozy confisque aux citoyens le droit de s’exprimer. Le Parlement, élu au suffrage universel direct, représente le peuple. Par-là, il s’exprimera en son nom le 4 février prochain, puis les jours suivants sur le traité européen. Même si elle a montré ses limites par le passé, la démocratie représentative, avec ses pouvoirs et ses contre-pouvoirs, reste le mode de gouvernance le mieux adapté pour un pays de plusieurs dizaines de millions d’habitants.

Illustration : photographie d’une session du Congrès à Versailles, issue du site de l’Assemblée Nationale.

Pour en savoir plus :
 La décision du Conseil Constitutionnel du 20 décembre 2007
 Le communiqué de Presse du CC à ce sujet
 Le point sur le Traité de Lisbonne par nos amis d’Euractiv

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Vos commentaires
  • Le 31 janvier 2008 à 08:08, par Valéry En réponse à : Pourquoi une ratification parlementaire ?

    Il faut actualiser le chapeau de l’article, entre sa rédaction et sa publication, la Slovénie et Malte nous ont grillés :-)

  • Le 31 janvier 2008 à 10:21, par Fabien Cazenave En réponse à : Pourquoi une ratification parlementaire ?

    Yes ! Bien vu, l’actu est super dense en ce moment sur ce traité ! Espérons que la France sera bien le 4ème.

  • Le 31 janvier 2008 à 17:20, par Ronan En réponse à : Pourquoi une ratification parlementaire ?

    Dîtes, les aminches, à partir du moment où le texte ci-dessus est effectivement corrigé, on peut sans doute effacer ces deux commentaires, non ?! (sinon, avouez que ça n’a pas - plus - beaucoup de sens...).

  • Le 31 janvier 2008 à 18:31, par Fabien Cazenave En réponse à : Pourquoi une ratification parlementaire ?

    Ma, c’est aussi pour montrer que nous ne sommes pas infailibles ! Et puis, nous attendons toujours l’oeil des lecteurs qui doit nous permettre de nous améliorer à tout moment...

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