Il a toujours été normal d’associer l’initiative législative, c’est à dire le droit de proposer une loi, au travail des parlements. Dans tous les États démocratiques les différentes assemblées ont en effet un tel droit leur permettant d’être acteur de la vie politique et non pas une simple chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales. Dans certains pays, seul le parlement est doté de l’initiative législative, c’est le cas des États-Unis, dans d’autres, ce pouvoir est partagé entre le parlement et le gouvernement, c’est le cas de la France.
Le cas européen est en ce sens à la fois atypique et scandaleux. Le Parlement européen, cœur du pouvoir législatif européen et assemblée du peuple puisque les députés sont élus par les citoyens européens, n’a pas le pouvoir d’initiative législative. Ceci est d’autant plus scandaleux que ce pouvoir d’initiative législative est détenu par la seule Commission européenne, organe non directement élu par les européens.
Pourquoi cette initiative législative n’existe pas
La plupart des hommes politiques nationaux et des ministres semblent s’accommoder de cette situation ubuesque qu’est l’absence de pouvoir d’initiative législative. Un Parlement européen doté de l’initiative législative serait pour eux un Parlement dangereux tant il prendrait des initiatives ambitieuses pour faire de l’Europe un espace non seulement économique mais également politique et social. Ils se souviennent en effet de l’initiative audacieuse de la première législature du Parlement européen (en 1979) qui avait proposé un projet de constitution pour l’Europe.
Les députés européens, par contre, pestent contre ce pouvoir pourtant intrinsèque à tout parlement qui leur a été retiré au profit d’une commission qui certes dans les années 1990 était ambitieuse mais qui aujourd’hui en plus d’être totalement effacée au profit du duopole Hollande-Merkel ne semble s’occuper que du bienfait des marchés et non du bienfait des citoyens.
Cette absence d’initiative législative est un des vestiges d’une Europe qui se voulait interétatique et non politiquement intégrée. Elle a eu pour conséquence deux choses. D’une part, l’Union européenne est devenue totalement inefficace car non dotée d’un processus législatif opérationnel et légitime. D’autre part, et voyant cette inefficacité, les Etats européens ont décidé de faire l’Europe entre Etats, et non à partir des représentants européens, c’est à dire du Parlement européen. Il aurait été tellement plus facile de réviser les traités européens en créant une fois pour toute un texte constitutionnel modifiable par le Parlement européen, quitte à y associer les parlements nationaux, plutôt que de signer traité sur traité entre les 27 Etats européens.
En 2014, réclamons un vrai Parlement !
Le rôle d’un parlement n’est pas de faire plaisir à tel ou tel gouvernant ou à tel ou tel exécutif. Il est de voter la loi en fonction des intérêts du peuple. Comment un Parlement européen qui se veut représentant des citoyens européens pourrait remplir ce rôle de représentation si il ne peut pas de sa propre initiative proposer et voter des lois au nom des Européens ? Tous les fédéralistes, et plus généralement tous les europhiles sont aujourd’hui en faveur d’un droit d’initiative législative accordé au Parlement européen.
Il faut également insister sur le fait qu’une telle mesure, un tel pouvoir accordé au parlement européen serait un grand pas vers une démocratie européenne. On a souvent critiqué l’union pour son caractère anti-démocratique, cette critique en serait balayée si les représentants des européens avaient le pouvoir d’écrire la loi. Peut être qu’une telle mesure renforcerait également l’intérêt aujourd’hui faible que les hommes politiques nationaux portent à cette assemblée européenne. Un homme politique serait plus motivé à se présenter aux européennes si il savait qu’il a un réel pouvoir dans ce parlement.
Le problème est que les élections européennes de 2014 risquent d’être aussi scandaleuses que celles de 2009, c’est à dire que les partis nationaux qui vont se présenter vont dans leur grande majorité ne pas avoir de programme et être élus (ou non élus) sur le bilan de François Hollande. Si ce bilan est bon en 2014 on pourra s’attendre à une majorité de gauche, si il est mauvais, la droite sera en tête. Dans tous les cas, le débat sur l’Europe et plus spécifiquement cette mesure démocratique sera oubliée.
Il est grand temps de faire cesser cette mascarade, pour 2014, réclamons des programmes politiques et réclamons un Parlement européen doté de l’initiative législative !
1. Le 13 février 2013 à 09:22, par Letaulier En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
Faut arrêter de mettre la charrue avant les bœufs. On ne va pas recommencer la même erreur qu’avec l’euro. La crise de la zone euro a montré qu’avant de faire une monnaie unique il fallait atteindre l’objectif de zone optimale économique et pas l’inverse.
L’Assemblée de Strasbourg (qu’on nomme abusivement parlement) ne doit devenir un parlement avec initiative législative que le jour où le sentiment d’appartenance à l’Union sera plus fort que les sentiments nationaux. Cela prendra du temps mais Rome ne s’est pas faire en un jour.
Cette assemblée a par ailleurs un gros problème de légitimité à cause de la surreprésentation des petits pays. Comment admettre qu’un député luxembourgeois représente 100.000 habitants quand son homologue allemand pèse 900.000 voix ?
NB. Le parlement européen avec initiative législative c’est Strasbourg qui déménage à Bruxelles et c’est la remise en cause de la PAC.
2. Le 13 février 2013 à 12:10, par jean guy giraud En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
La Commission a, depuis l’origne, le monopole de l’initiative legislative . Toutefois tant le PE que le ’peuple’ (ICE) peuvent lui soumettre des propositions qu’elle doit examiner et dont elle doit justifier le rejet eventuel. La Commission exerce ainsi son role de gardienne des Traites, de l’interet general de l’Union et de la protection des minorites. Elle peut d’ailleurs retirer une proposition si elle estime que les amemdements de l’autorite legislative menacent l’une de ces trois regles. Attribuer un droit plenier d’initiative au PE - et donc aussi au Conseil - serait possible a deux conditions : exiger une majorite renforcee et laisser a la Commission la possibilite d’exercer un droit de veto motive. C’est une des reformes a envisager pour la prochaine revision des Traites. JGG
3. Le 14 février 2013 à 09:43, par Jonathan Leveugle En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@letaulier : C’est votre droit de vous opposer à des avancées démocratiques. Mais en tant que citoyen européen je préfère que les députés que j’ai élu aient un minimum de pouvoir.
4. Le 14 février 2013 à 18:17, par Letaulier En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@Leveugle
l’initiative législative pour le parlement européen ne sera pas une avancé démocratique mais une guerre de tranchée entre pays.
Le super problème que tu ne vois pas c’est qu’il ne peut pas y avoir deux parlements distincts (Europe et nationaux) avec le pouvoir d’initiative législative. Si l’un émerger l’autre devra s’effacer voir disparaitre. Et ne me parle pas des pseudoo-parlements régionaux qu’on a en France, il ne décident de pas grand chose.
5. Le 15 février 2013 à 00:27, par Stephanell En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
Letaulier pense comme vous : lui aussi veut que les eurodéputés aient juste un minimum de pouvoir
6. Le 15 février 2013 à 10:53, par Fabien Cazenave En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@taulier : votre raisonnement est bizarre sur les parlements : l’Assemblée nationale n’empêche pas qu’il y ait un « parlement » du Conseil régional ou de la ville de Paris... Si on vous suit, tout devrait être centralisé. En tant que fédéralistes, nous pensons le contraire.
7. Le 15 février 2013 à 12:00, par Letaulier En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@Cazenave
Ce que je veux dire c’est que deux assemblées ne peuvent pas faire le même boulot et si on veut donner plus de pouvoir au parlement européen il faut réduire celui des parlements nationaux.
Par ailleurs il existe un autre problème qui est qu’un député de Bretagne quand il est élu à l’assemblée nationale devient un député de la nation alors qu’un député italien quand il va à Strasbourg ne devient pas un député européen dans l’âme mais reste toujours un député italien. On va donc assister à des guerres Nord vs Sud ou Est-Ouest ou pays industrialisés avec pays non-industrialisés.
8. Le 15 février 2013 à 13:00, par Fabien Cazenave En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@taulier : désolé mais ce que vous dîtes n’a aucun sens, on le voit au travers des exemples des députés savoyards, encore mis en avant lors des dernières questions au gouvernement... Ce qui est possible pour un député français ne l’est pas pour un député européen et vice-versa selon vos propos. Bizarre comme concept.
Et oui, il faut de la subsidiarité et des compétences claires entre les différentes assemblées. Mais ça, c’est une évidence.
9. Le 15 février 2013 à 13:28, par Valéry En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
L’initiative législative du Parlement européen ne peut intervenir que dans le cadre des domaines de compétences de l’Union européenne. À ce titre le questionnement de @Letaulier est hors sujet : quand les compétences ne se chevauchent pas il n’y a pas concurrence.
Par ailleurs en France on n’a pas de « pseudo-parlements » régionaux puisque la constitution jacobine de la France n’autorise malheureusement pas de loi régionales.
10. Le 15 février 2013 à 13:40, par Letaulier En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@Cazenave
C’est pas parce que tu n’es pas d’accord avec moi que ce que je dis n’a aucun sens.
Les députés savoyards sont très sensibles à l’intérêt de leur région, c’est une évidence, mais ils sont aussi sensible à ce qui se passe à Florange car ils ont une conscience nationale. Alors que le député européen français verra d’un bon oeil la fermeture d’une usine auto en Espagne en se disant que cela conforte la position de Citroën Rennes ou de l’usine Peugeot de Sochaux.
11. Le 15 février 2013 à 14:34, par Fabien Cazenave En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@letaulier : ce n’est pas ce que j’entends des eurodéputés que j’ai eus la chance d’interviewer. Le Parlement européen vote souvent avec une « conscience européenne ». C’est d’ailleurs de ce point de vue qu’il faut interpréter le dernier communiqué des présidents des 4 grands groupes politiques européens après le dernier sommet sur le budget. C’est pour cela que je dis que ce que vous assénez est un non-sens : on ne peut pas faire un procès d’intention aux eurodéputés et absoudre les députés nationaux sur le même sujet. Ce sont les mêmes questions qui se posent pour les deux assemblées.
12. Le 15 février 2013 à 19:37, par un eurofédéraliste En réponse à : Pour un Parlement européen doté de l’initiative législative
@Letaulier
) La France s’est constituée sans que tous ses citoyens aient un sentiment d’appartenance nationale, loin de là (l’idée de Nation venait tout juste de naître, d’ailleurs). Elle s’est même constituée de manière beaucoup plus brutale, violente et anti-démocratique que l’Union Européenne. Qu’on demande à chaque peuple d’Europe s’il souhaite appartenir à une fédération européenne le jour venu, bien sûr ; mais attendre que le sentiment d’appartenance à l’Union soit plus fort que le sentiment d’appartenance nationale seulement pour donner au Parlement européen le droit d’initiative législative, c’est trop exigeant.
) En fait, pourquoi même hiérarchiser ces deux sentiments d’appartenance ? On peut se sentir plus Français qu’Européen, et quand même vouloir que le Parlement européen ait le pouvoir de faire son travail.
) Le Parlement européen s’appelle le Parlement européen. Il n’a pas tous les pouvoirs que nous aimerions qu’il ait, mais il ne s’agit pas d’une assemblée, et il ne s’appelle pas l’assemblée de Strasbourg.
) Entièrement d’accord avec le problème de sur-représentation des petits. Le Conseil européen et le Conseil des ministres devraient évoluer et fusionner en une sorte de sénat des nations/Etats où la règle serait une nation, une voix. Et le Parlement européen devrait également évoluer de sorte que la règle un citoyen européen, une voix s’applique. Ainsi, égalité des citoyens, égalité des nations/Etats
) Si pour la majorité des citoyens européens (mais ça reste à prouver), le Parlement devrait changer de siège et la PAC être remise en cause, qu’il en soit ainsi. Le but de l’Europe, c’est de faire émerger l’intérêt général européen, pas de défendre la << grandeur >> de la France
) Il ne faut pas exagérer, les eurodéputés sont bien plus raisonnables et beaucoup moins nationalo-centrés que nos leaders nationaux, Merkel, Cameron et compagnie. Ils se répartissent par affinité politique, non par délégation nationale, et sont beaucoup plus soucieux de l’intérêt général européen que nos leaders nationaux. Non, ce qu’il faudrait, c’est changer leur mode d’élection pour qu’ils soient élus non plus pays par pays, mais par absolument tous les Européens ensemble, et là on est sûr qu’il n’y aurait vraiment jamais de guerre des tranchées entre pays au Parlement européen.
) Bien sûr que si des parlements à différents niveaux peuvent tous avoir le droit d’initiative législative. Il suffit que leurs compétences soient distinctes, ou au moins partagées. Par exemple : défense et affaires étrangères au niveau fédéral ; affaires familiales et culture au niveau national ; urbanisme et permis de construction au niveau régional/local ; avec les impôts, la police et la justice partagées à chaque niveau. Chacun gère au plus efficace ce qui le concerne, et personne ne se marche sur les pieds
) Oui, bien sûr, si on veut construire une fédération et qu’elle soit efficace, il faut qu’à terme des pouvoirs soient transférés du niveau national au fédéral, ne serait-ce que pour la défense et les affaires étrangères.
) Entièrement d’accord, là aussi : le découpage de l’Assemblée Nationale en 577 députés nationaux venant de 577 circonscriptions permet peut-être d’obtenir des majorités, mais il transforme surtout chaque député en un défenseur de sa circonscription avant tout. Ainsi, certains font des propositions de lois contre l’intérêt national mais pour l’intérêt de leur circonscription. A scrution national, circonscription nationale. A scrutin européen (fédéral), circonscription européenne (fédérale). Ainsi, plus de Nord contre Sud, plus d’Est contre Ouest, plus de riches contre pauvres. Des Européens pour tous les Européens.
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