Le relatif désintérêt qui entoure Cancun s’explique peut-être par des attentes plus modérées qu’à Copenhague... Un échec à Cancun ferait pourtant peser des conséquences désastreuses sur les négociations internationales face au changement climatique, et pour le bien-être de la planète.
Un sommet pas très « jet set »
Copenhague, c’était tendance, il fallait y être. Cancun, on dirait qu’on en a presque honte. A ce sommet, il y a des techniciens, qui vont mener des négociations approfondies sur chaque détail : on attend donc moins de « grandes déclarations » qu’à Copenhague. En vérité, on en attend moins tout court.
Laissant de côté l’objectif d’un accord large visant à maintenir ou dépasser le protocole de Kyoto au-delà de 2012, l’UE a sans doute raison de préférer une approche par étapes, en se concentrant sur certains points importants pour lesquels des accords semblent encore possibles : aide aux pays en développement pour l’adaptation au changement climatique, transferts de technologie, financement…
Après la débâcle de l’an passé, il faut sauver les meubles : montrer que l’ONU reste une instance appropriée pour les négociations sur le climat, prouver que des accords internationaux acceptables par tous sont possibles, alors que les principaux responsables sont les pays riches et à forte croissance, et les premières victimes des pays pauvres. Une ambition mesurée mais réaliste dont le tribut s’appelle Kyoto.
Mais quelle est la légitimité politique des décisions qui seront prises en catimini, un an après l’échec du très médiatisé sommet de Copenhague ? Quel que soit le verdict final, les négociations menées à Cancun pour tenter d’enrayer et d’affronter collectivement le changement climatique sont d’une importance cruciale et méritent qu’on s’y arrête, ne serait-ce que le temps d’une semaine dans le cadre du Taurillon.
Semaine du Taurillon consacrée au COP16
Il faut d’abord définir les espoirs et enjeux caractérisant ce COP16 à Cancun, dans le contexte de l’échec du COP15 à Copenhague, face au manque de volonté politique de l’Europe et devant l’importance prise par la Chine, plus gros pollueur certes, mais trop souvent perçu de façon réductrice dans son rapport aux enjeux climatiques.
Suivront les positions des Jeunes Européens Fédéralistes, pour que l’UE, qui a fait figure de pionnier dans la lutte contre le changement climatique, ne revoie pas ses ambitions à la baisse avant même le début des négociations à Cancun. Egalement pour que l’UE, qui a inscrit la lutte contre le changement climatique dans la lettre des Traites avec Lisbonne, s’affirme comme un acteur majeur à Cancun en parlant d’une seule voix. Et finalement pour que la Chine et l’UE considèrent l’après Kyoto comme une opportunité : pour la Chine de devenir force de proposition alors que les Etats-Unis sont moins susceptibles de faire avancer les négociations, pour l’UE de jouer un rôle pivot pour l’environnement en devenant un pont entre pays émergeants et pays développés.
Les eurodéputés issus des différentes formations politiques européennes et membres de la délégation officielle du Parlement européen à Cancun auront l’occasion de revenir sur les attentes et les objectifs de l’UE, avec :une interview de Yannick Jadot pour les Europe Ecologie, une interview de Catherine Soullie pour le Parti populaire européen, une interview de Yann Wehrling, porte-parole du Mouvement Démocrate en charge de l’écologie et de l’environnement, et une conférence donnée par Isabelle Durant, la Vice-présidente du Parlement européen issue des Verts.
Finalement, une analyse de la croissance dans le cadre du changement climatique permettra de discuter le postulat selon lequel la pollution c’est la croissance, partant duquel les Etats du globe se disputent un droit et une légitimité à polluer.
Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom
Mené sans tambour ni trompette dans l’ombre de la bruyante Conférence de Copenhague, le COP16 à Cancun laisse donc espérer un résultat plus concret : création d’un Fonds Vert, coopération technologique, protection des forêts… D’éventuels accords contraignants redoreraient le blason de l’ONU, mais également celui de Copenhague en faisant aboutir certaines propositions formulées il y a un an.
Mais l’ambition originelle, le maintien d’un cadre général contraignant pour la réduction des émissions de gaz à effets de serre, semble bel et bien avortée, étouffée dans l’œuf même par l’UE et sans attendre que les négociations commencent !
« Le protocole de Kyoto n’est pas un yaourt, il n’y a pas de date d’expiration », disait un négociateur à Copenhague. L’UE et le reste des pays développés voudraient pourtant y mettre un terme : volonté d’inclure les Etats-Unis et les nouveaux gros pollueurs parmi les pays en développement : Chine, Inde, Brésil… Peut-être aussi désir, pour certains signataires, de sortir du seul cadre environnemental juridiquement contraignant au niveau international…
Quoi qu’il en soit, la volonté n’y est pas : Les signataires actuels – Japon, Russie, Canada en tête – refusent légitimement de s’engager seuls alors que les principaux pollueurs n’ont pas ratifié Kyoto ; ceux-là leur répondent – très justement – que les pays riches sont responsables de l’immense majorité des gaz à effet de serre depuis la Révolution industrielle. « Cela nous donne une bonne base de travail », s’enthousiasme notre Commissaire européenne au Climat, Connie Hedegaard...
Pour espérer avancer tout de même à Cancun et ne pas s’enferrer dans des disputes sur la responsabilité environnementale de chacun, il semble donc bien malheureusement que Kyoto doive être banni des conversations.
Que la Conférence de Cancun se conclue par une échec ou – plus probablement – par un succès très relatif, Le Taurillon souhaite consacrer la semaine qui débute aux questions urgentes et déterminantes qui se jouent au Mexique jusqu’à vendredi. Face à de tels enjeux, de faibles attentes ne peuvent suffire à justifier le désintérêt général.
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