La Croatie est devenue en juillet 2013 le 28e État de l’Union européenne. Il devient après la Slovénie le deuxième État issu de l’ex-Yougoslavie à rejoindre la communauté.
Pour percevoir les enjeux de l’intégration croate et le caractère impérieux des objectifs diplomatiques européens, il faut se souvenir de la guerre de Yougoslavie pendant laquelle les européens sont restés impuissants face aux drames qui se déroulaient à leurs portes. Ne disposant pas de la force, l’Union européenne essaye aujourd’hui d’utiliser son pouvoir de séduction pour promouvoir ses valeurs grâce à l’intégration par le droit.
La stratégie pacificatrice de l’UE, le processus de stabilisation et d’association comme outil de promotion des valeurs européennes
Élaboré en 1999 [1], le processus de stabilisation et d’association est la stratégie européenne qui s’est fixée plusieurs objectifs dans les Balkans. Il s’agissait d’instituer le cadre nécessaire pour notamment favoriser l’application des principes démocratiques de bases afin de préparer la signature d’accords de stabilisation et d’association.
En ce qui concerne le cas de la Croatie, cet accord a été signé entre elle et l’Europe des quinze le 29 octobre 2001 [2].
Plus concrètement, cette stratégie a pu être mise en œuvre par le biais de programmes comme le programme CARDS [3]. Il s’agissait alors d’une enveloppe de 4 650 millions d’euros à destination d’un ensemble de pays comprenant l’Albanie, la Bosnie-et-Herzégovine, la Croatie, la République fédérale de Yougoslavie (avant qu’elle ne change de nom) et l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Elle était destinée à soutenir notamment la stabilisation de la région, sa reconstruction, le développement d’une économie de marché, l’aide au retour des réfugiés, la démocratie et l’État de droit ou encore la coopération régionale, transnationale, inter-régionale et internationale des pays bénéficiaires.
Conditionner les aides à la réalisations de certains objectifs, une incitation à la stabilisation régionale
A travers les multiples programmes destinés à accroître la prospérité régionale, l’UE a pu exercer son influence en responsabilisant ses partenaires, les perspectives de financement et d’intégration étant soumis à la réalisation de certains objectifs.
Parmi ces derniers on peut évidemment citer la mise en œuvre des réformes démocratiques, la normalisation des relations internationales jusque là tendues ou encore la coopération avec les instances internationales. Ainsi le fait de conditionner l’accès à l’intégration européenne a pu permettre d’atteindre des résultats concrets.
On peut citer l’exemple de l’arrestation du Général Ante Gotovina. L’UE avait décidé de suspendre les négociations d’adhésion avec la Croatie car le Tribunal International pour l’ex-Yougoslavie estimait que Zagreb ne coopérait pas suffisamment pour arrêter celui qui était inculpé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Les négociations ont repris seulement après l’arrestation dudit individu.
Grâce à l’action européenne, la Croatie joue de plus en plus l’apaisement avec ses voisins, notamment la Serbie et la Slovénie. En témoigne l’exemple de l’accord survenu en janvier 2012 entre la Slovénie et la Croatie pour régler leur différend frontalier en faisant intervenir un arbitrage international sous le regard attentif des vingt-six autres États-membres.
La diplomatie européenne et les Balkans, l’expression d’une vision
On accuse souvent et à juste titre la diplomatie européenne de manquer de vision. Mais le cas des Balkans confirme l’existence d’une véritable stratégie, du moins pour ce cas. Il aura certes fallu attendre des événements suffisamment traumatisants pour que les européens se montrent plus actifs dans la gestion des instabilités les concernant directement.
Aussi les actions permises dans cette région révèle le véritable potentiel de la diplomatie européenne qui gagnerait à être renforcée tant sur l’aspect de sa cohérence que sur celui de sa légitimité.
1. Le 12 novembre 2013 à 15:25, par unnepeket En réponse à : L’intégration de la Croatie, bon exemple de diplomatie européenne réussie
Si l’intégration de la Croatie semble réussie, ce n’est pas, loin s’en faut, grâce à la pertinence de la stratégie diplomatique de l’UE, et les deux mauvais exemples que vous proposez en sont bien la preuve : 1) Le général croate Ante Gotovina, jouissant de la double-natilonalité française, a pu mener quatre années de cavale grâce à son réseau de la légion étrangère française, avant d’être retrouvé hors du territoire croate en 2005 puis innocenté en appel par le TPIY en 2012. Le blocage des négociations de l’adhésion de la Croatie par l’UE, sur simple suspicion du TPIY que la Croatie l’ait abrité pendant tout ce temps, a fait perdre un temps précieux à la Croatie, sans aucune contre-partie lorsqu’on s’est aperçu de la bonne foi du gouvernement croate. Cette erreur diplomatique a contribué à un fort euroscepticisme en Croatie, et a fortement ravivé les tensions. (...)
2. Le 12 novembre 2013 à 15:28, par unnepeket En réponse à : L’intégration de la Croatie, bon exemple de diplomatie européenne réussie
(...) 2) Le différend frontalier croate-slovène https://en.wikipedia.org/wiki/Croat... porte, entre autres, sur une demande de la partie slovène, à disposer d’une partie des eaux territoriales et offshore croates violant la convention des Nations Unies sur le droit de la mer https://en.wikipedia.org/wiki/Conve.... La Slovénie a profité à l’époque de son statut de pays membre de l’UE pour faire pression sur la Croatie, alors encore candidate, à accepter un tribunal d’arbitrage, car aux regards de la stricte application de la loi la Slovénie n’aurait eu aucune chance. L’UE est apparue là-encore impuissante à défendre une vision et des valeurs cohérentes menant à une stabilisation de la région.
La réussite des négociations d’adhésion de la Croatie est à ce titre plus le produit d’une refonte profonde de sa législation, mise en adéquation avec le droit européen, qui a demandé un travail acharné de l’administration croate, associée à un excès de zèle des autorités croates vis-à-vis des exigences des autres pays membres, formulées « au nom de l’UE ».
Suivre les commentaires : |