Non, les parlements nationaux ne combleront pas le déficit démocratique de l’Union européenne !

, par Michel Gelly

Non, les parlements nationaux ne combleront pas le déficit démocratique de l'Union européenne !
Congrès de la JEF, Milan 1981 Union des Européens Fédéralistes

Depuis que le débat sur la réforme institutionnelle de l’Europe a été relancé, nos dirigeants semblent avoir compris que l’Union ainsi que dans la zone euro manquaient de légitimité démocratique. Cependant, si le problème est largement admis, il faut se méfier des fausses bonnes idées. Parmi elles, une plus forte implication des parlements nationaux, défendue ça et là, est souvent évoquée.

Le parlement national et l’Europe, une idylle permise par la crise

Le 17 septembre, interrogée par des journalistes sur sa vision de l’Europe de demain, Angela Merkel a mentionné une participation accrue des parlements nationaux afin de légitimer démocratiquement la zone euro.

L’idée ne sort pas de nulle part. Elle est même mise en pratique depuis le début de la mal-nommée « crise de l’euro ». En effet, les parlements nationaux se sont affirmés face à leur gouvernement et ont demandé leur mot à dire. Que cette idée vienne d’Allemagne n’est pas non plus une surprise, le Bundestag étant devenu, en la matière, un cas d’école. La Chancelière doit désormais négocier les positions de son pays avec lui avant chaque sommet européen.

Dans une moindre mesure, en France, l’Assemblée nationale a suivi le même mouvement, l’opposition réclamant désormais des débats avec le Premier Ministre avant chaque Conseil.

Qu’un parlement veuille contrôler son gouvernement, c’est la normalité même. Les bougonnements de certains Chefs de Gouvernement abasourdis n’y changeront rien.

Or, si la gestion intergouvernementale de la crise a permis de régler dans l’urgence les problèmes de solvabilité de certains Etats membres de la zone euro, elle ne constitue pas, en soi, une véritable solution.

Malgré les apparents signes de bonne volonté, ne nous trompons pas, ce n’est pas avec d’obscurs conclaves de nos -quelques- dirigeants que l’on va s’attaquer au fameux déficit démocratique européen -pointé, pour la petite histoire, pour la première fois par les Jeunes Européens Fédéralistes en 1977. L’aval des parlements nationaux ne sera, en la matière, que d’un maigre secours. Sommets européens et Parlements nationaux ne sont que les deux faces d’une même pièce, l’intergouvernementalisme.

Le parlement national et l’Europe, un recours, pas une solution

Les parlements nationaux font l’orgueil de nos démocraties. L’enjeu ici n’est pas de minimiser leurs contributions nécessaires à nos systèmes politiques. Seulement, dans la configuration actuelle, le pouvoir qui leur est accordé excède de loin leur représentativité. Leurs décisions ont des conséquences sur des citoyens qui n’ont jamais été consultés quant à leur composition. Les habitants de l’Eurozone sont contraints à observer, impuissants, leur destinée tranchée dix-sept fois dans autant d’assemblées, alors qu’ils n’en ont élu qu’une sur dix-sept. Le sentiment d’appartenance à l’Europe est nul, celui d’un diktat probable. Ce système divise les Européens plutôt que de les unir. Il est antinomique à la construction européenne.

Cela n’est pas tout, pareil système fait rentrer dangereusement la politique européenne dans le prisme de la politique nationale. Cela a deux fâcheuses conséquences.

La première est qu’elle fait concevoir l’Europe comme une lutte où son Etat doit maximiser sa participation. L’idée de res publica européenne ne peut pas être portée dans des chambres qui doivent leur existence à la Nation et à la défense de ses intérêts.

La seconde est qu’elle place le destin de l’Europe dans un cadre qui n’est pas à sa hauteur. Il est insupportable de voir que la politique macroéconomique de notre union monétaire soit contingente de tel ou tel partenaire de coalition dans un Etat membre où nous n’avons pas le droit de vote. Il est insoutenable de voir l’Europe traitée comme n’importe quel autre sujet de politique nationale, chez des voisins, lorsque l’enjeu est, in fine, notre pension de retraite ou nos heures de travail.

Les parlements nationaux sont un recours pour légitimer, un temps, les décisions prises par les Chefs d’Etat et de gouvernement. Seulement, ils ne sont efficaces qu’à court terme. Ils ne sont pas assez représentatifs et, vue la hauteur des enjeux qu’ils prétendent traiter, le sentiment d’injustice des citoyens d’Europe risquent d’aller croissant. C’est pourquoi, même si elle peut parfois être présentée comme telle, l’idée de les impliquer davantage dans le jeu institutionnel européen ne comblera pas durablement le déficit démocratique de l’Union.

La crise concernant désormais les Européens dans leur ensemble, la logique voudrait qu’ils la résolvent ensemble, dans une sorte de gouvernement commun, trouvant sa légitimité dans un Parlement commun. Les problèmes de légitimité démocratique ne peuvent pas être réglés dans le cadre intergouvernemental, même si celui-ci fait intervenir les Parlements nationaux. Il entraîne un sentiment d’injustice et d’impuissance. Il divise les Européens. Il contingente l’Europe au jeu politique national quand ceux-ci ne devraient pas se mélanger.

Une meilleure séparation des pouvoirs au sein de l’Union, un rôle accru pour le Parlement européen ainsi qu’une élection universelle de son exécutif semblent être les meilleures pistes à explorer afin de combler le déficit démocratique de l’Europe.

Aussi, toute déclaration impliquant que les parlements nationaux puissent contribuer à le réduire permet de maintenir le système intergouvernemental actuel qui sert l’intérêt des Etats face à celui des peuples.

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