Crépuscule du Berlusconisme

Longue nuit : le début de la fin

, par Antonio Longo, Traduit par Damien Zalio

Crépuscule du Berlusconisme
Magritte, L’empire des Lumières, 1954

Avec sa chanson gagnante au festival de Sanremo, Roberto Vecchioni nous a donné un avant-goût du début de la fin de cette longue nuit, où société et politique sont endormies depuis trop longtemps. Comme cela arrive parfois, les artistes réussissent à anticiper les mutations en cours dans la société avant le politique en décelant les symptômes et en décryptant, avec peu de mots, le besoin de changement qui surgit dans le comportement de millions de personnes.

Ce qui se passe en Italie en ce moment, entre les élections administratives de mai et les référendums, indique, d’une part, que c’est là le terme d’un cycle politique aujourd’hui vieux de 17 ans et dominé par la personnalité de Silvio Berlusconi, et, d’autre part, que la fin de ce cycle s’insère dans un changement d’époque bien plus large. Un changement italien, mais également européen - et méditerranéen.

L’histoire nous montre que la crise d’un pouvoir en place prend fin uniquement lorsqu’émerge un nouveau pouvoir, plus fort que le précédent. Et que, avant d’y arriver, il y a une phase de transition, faite d’agitation sociale importante et de désordre politique, où il est difficile de percevoir les signes du véritable changement de pouvoir. Ainsi, analystes et commentateurs continuent généralement à se servir des schémas de référence et du cadre politique du passé sans voir, dans la mutation en cours, les pièces du « nouvel ordre » qui se construit peu à peu.

En Italie, comme en Espagne, dans les pays du Maghreb et en Europe en général, ce nouveau besoin de participation aux choix politiques se fait jour grâce à une nouvelle génération de jeunes : les indignados. Ils sont privés d’avenir par la précarité de leurs conditions de travail et leur impuissance face à une politique qu’ils ne contrôlent pas et qui se reproduit selon une logique de pur pouvoir, étrangère aux besoins réels de cette société européenne en crise. Une société dont les signes particuliers varient de pays à pays, mais qui regroupe tout le monde en ce sens que l’on assiste à la fin du modèle de développement de l’Après-guerre, et dont la crise se manifeste sous de multiples formes : énergétique, environnementale, financière, économique et sociale.

Cette accumulation de crises s’est alors transposée dans la politique et se manifeste en tant que crise du rapport gouvernés/gouvernants ; soit en tant que crise de cette démocratie ‘nationale’, désormais incapable de répondre aux défis de notre temps. Dépassée par des problèmes européens et mondiaux, celle-ci ne représente plus le cadre à l’intérieur duquel il est possible d’effectuer des choix décisifs pour l’avenir des peuples.

Le cas de l’Italie est emblématique. Comme l’a souligné, à juste titre, l’hebdomadaire anglais The Economist dans un article qui a fait le tour du monde - (The man who screwed an entire country), le déclin politique de Berlusconi n’est pas tant imputable à son propre style de vie ou à ses aventures judiciaires - qui, quoi qu’il en soit, ont un certain poids - qu’au fait que la crise économique qui a envahi le pays est arrivée au point où elle ne peut plus être masquée par un déballage d’optimisme et de sourires bon marchés.

Il faut donc l’envisager pour ce qu’elle est réellement : une crise de la dette et des dépenses publiques. Or, comme le montre de façon éclatante le cas de la Grèce (et, dans sa suite, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne), le problème n’est pas qu’italien mais européen, parce qu’il est lié au fait d’avoir en commun une monnaie et un ensemble d’institutions supranationales. Et parce qu’il concerne aussi les pays considérés comme ‘vertueux’, tels que l’Allemagne, la France ou la Hollande. Ce sont les deux faces de la même monnaie.

Après avoir mis les économies et les démocraties nationales à genoux, cette crise est en train de faire émerger le signe avant-coureur d’un nouvel ordre démocratique : un besoin de participation diffus, de pays à pays, qui veut sortir de cette cage de la peur à l’intérieur de laquelle il se trouvait enfermé depuis trop longtemps. C’est comme si les peuples commençaient à défier leurs propres gouvernements, à ne plus croire à leurs mensonges, à chercher des vérités nouvelles et une lumière nouvelle à la fin de cette longue nuit. Et, si cette crise arrive à conjuguer la solution des problèmes locaux et nationaux avec les problèmes européens et mondiaux, un nouveau besoin plus conscient de participation et de démocratie en naîtra. Voilà le véritable défi que les nouvelles générations devront affronter, de Rome à Madrid, d’Athènes à Paris, d’Helsinki à Berlin : bâtir une « démocratie européenne », qui prenne la forme de cette nouvelle participation politique, nécessaire pour sortir du long tunnel de la crise.

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