Les nominations des commissaires européens
Les auditions des commissaires européens devant les parlementaires s’animent depuis le passage de Rumiana Jeleva, candidate bulgare au portefeuille de la « coopération internationale, aide humanitaire et réponse à la crise. » Outre les soupçons sur les liens de son mari avec la mafia russe, la méconnaissance de plusieurs dossiers clés dans l’action internationale et humanitaire de l’Union ont conduit un certain nombre de députés à exprimer de sérieuses réserves sur sa nomination. La délégation socialiste bulgare n’y est pas allée avec le dos de la cuillère dans l’appréciation de leur compatriote, estimant que « les exigences requises pour le poste de commissaire européen dépassent largement les capacités de Mme. Jeleva ». Le constat est partagé par l’ensemble du groupe socialiste dont le président, Martin Schulz, a alerté José Manuel Barroso sur les lacunes de la candidate bulgare.
La majorité PPE du Parlement a rapidement réagi en attaquant le candidat socialiste slovaque, Maroš Šefčovič, lui attribuant des propos xénophobes à l’égard des populations Roms lors d’une conférence de l’OSCE…il y a cinq ans. L’intéressé a démenti dans un communiqué à l’agence de presse tchèque ČTK. Son audition lundi 18 janvier s’annonce sportive, contrairement à celle de Michel Barnier, candidat au portefeuille crucial du marché intérieur. Auditionné mercredi 14, sa prestation a été saluée par la majorité PPE dont il est issu. On pouvait s’attendre à ce que les députés britanniques ou nordiques, les plus libéraux, chahutent un candidat jugé trop interventionniste, mais c’est le consensus qui l’a emporté, et ce malgré la volonté affichée par M. Barnier d’avancer sur le dossier de la régulation financière.
Un Parlement européen en rodage
Six mois après la nomination de Barroso, et dans le nouveau contexte institutionnel du traité de Lisbonne entré en vigueur en décembre dernier, la plupart des observateurs s’attendaient à des auditions assez calmes, venant valider de longues et opaques négociations entre États membres et groupes politiques.
Que signifient alors ces chamailleries entre majorité et opposition à l’occasion de l’audition des commissaires ? Pour une partie des socialistes et des verts qui n’ont toujours pas digéré la reconduction de Barroso, les auditions des commissaires sont l’occasion de déplacer le débat sur la légitimité du Président en épargnant aucun faux pas aux candidats. Au niveau de l’ensemble des forces d’opposition, il s’agit également de marquer son territoire vis à vis de la majorité de droite en ce début de législature, afin d’installer un rapport de force à la veille des premières discussions sur le budget de l’Union.
Les commissions parlementaires qui auditionnent les candidats à la Commission européenne sont également en période de rodage. Après les élections de juin 2009, il a fallu élire les présidents et vice-présidents de chaque commission parlementaire. Les auditions des futurs membres de la Commission Barroso II constituent la première épreuve politique pour ces écosystèmes politiques que sont les commissions parlementaires, et dans lesquels de fortes personnalités peuvent influencer les décisions au delà des équilibres partisans.
Mais la problématique est différente si l’on élargit la focale, pour passer des commissions parlementaires aux relations entre le Parlement européen et les autres institutions. L’ouverture est brève pour le Parlement et les enjeux de ces auditions sont conséquents. Avec le trait de Lisbonne, les parlementaires disposent d’un pouvoir de contrôle de l’action de la Commission étendu, mais encore faut-il que les députés se saisissent de leurs nouvelles prérogatives. En cela, les rapports établis avec les commissaires européens lors des auditions et dans les premiers mois de la Commission Barroso II, risquent d’être déterminants pour le reste de la législature. Cette tension est bien perçue par les présidents des groupes politiques et les personnalités influentes des commissions parlementaires.
Les limites du système de proposition du commissaire par chaque État
Mais au delà des relations interinstitutionnelles, ces auditions des commissaires nous rappellent que le péché originel réside dans la nomination de fait des commissaires par les États membres. Chaque État propose au président de la Commission une personnalité généralement issue de la majorité au pouvoir. Rien n’oblige, dans le traité de Lisbonne comme avant lui dans le traité de Nice, le président de la Commission à accepter cette proposition. Mais avant l’adoption de Lisbonne, le président de la Commission ayant été nommé par les États membres, se trouvait dans une position de faiblesse au moment de négocier les membres de sa future commission, lui même tirant sa légitimité des États membres.
Le résultat est une répartition des portefeuilles qui tient davantage compte de marchandages entre États membres que du souci de trouver le meilleur pour chaque poste. La question se pose alors de l’indépendance de commissaires qui ne tiennent leur légitimité que du bon vouloir du parti au pouvoir dans leur pays, au lieu de devoir leur mandat à leur parcours politique, à leur compétence, et à leur engagement européen. Comment s’assurer, pour ces commissaires, de leur dévouement à l’intérêt général européen, de leur souci d’être responsable devant les élus des peuples d’Europe, lorsqu’ils n’ont pas de compte à rendre ? Espérons que grâce au traité de Lisbonne, nous n’ayons pas à nous poser ces questions dans cinq ans.
Suivre les commentaires : |