Le Printemps Fédéral

, par Jean-Baptiste Houdart

Le Printemps Fédéral
Auteur : infomatique

Au cours des derniers mois, l’Europe a pu constater une extraordinaire prise de position de la part de la Commission européenne envers les Etats-Membres de l’Union. Si cette nouvelle position est surprenante et même affligeante pour certains Etats-Nations, elle n’est peut-être pas aussi innocente qu’elle n’y paraît.

La crise

L’Europe se rend compte que la situation dans laquelle elle se trouve ne peut plus durer. Les mesures d’austérités introduites dans tous les Etats de l’Union ont des conséquences aussi bien néfastes que terrifiantes. La Grèce n’est qu’un avant goût de ce à quoi la France et le reste de l’Europe doivent s’attendre : montée de mouvements populistes extrémistes, augmentation du nombre de décisions gouvernementales qui se jouent des limites démocratiques, rassemblement d’une majorité de jeunes sans emploi, et la liste est encore longue. Si elle ne fait rien pour contrer cette situation, l’Europe risque fort de devenir la dernière en liste des révolutions dites du monde arabe.

Plus effrayant encore est le ressentiment envers l’Allemagne. Le blâme constant de l’Allemagne pour tous les maux de l’Europe représente une mentalité allant totalement à l’encontre du projet européen de paix perpétuelle, mais il reflète également le risque croissant de plonger à nouveau l’Europe dans un siècle de conflits. En effet, il est raisonnablement concevable que de la chute de l’Union s’en suivrait un retour aux Etats-Nations qui, à en croire les sondages actuels, seraient gouvernés par des leaders extrémistes n’hésitant à abattre les fondations de la libre circulation, ou même, caressant l’idée d’imposer des réparations aux prétendus bourreaux de l’Euro. Cela ne vous rappelle rien ? Il suffit de peu d’imagination afin de prédire que la chute de l’Union représenterait la fin d’une paix européenne de plus de cinquante ans.

La solution

C’est dans l’optique de prévenir un tel désastre que les institutions européennes agissent. Ainsi, il est concevable que l’Union se prépare à un coup de force en deux temps, et dont l’effet devrait être visible pas plus tard que mai 2014. Le premier temps consiste en une vaste réforme du rôle du parlement européen dans le système institutionnel de l’union. Mise en application avant les élections européennes de 2014, cette réforme permettrait de tourner la page Barroso, et de repartir sur une base bien plus représentative et démocratique que les précédents mandats de la Commission européenne. En effet, des élections européennes amenant à la nomination transparente et démocratique du Président de la Commission représenterait une avancée démocratique telle que, même sous un parlement et un gouvernement européen majoritairement euro-sceptique, l’Union ne pourrait être que reconnue comme légitimement établie. Peu importe quel groupe politique sort gagnant des élections de 2014, si elle parvient à attirer l’électeur, l’Union se sera finalement affirmée et fermement établie dans l’esprit collectif européen, ouvrant ainsi la porte vers une union plus unie et plus légitime. Sa mission suivante pourra, alors, être de rendre son image plus positive aux yeux de ces citoyens.

Le second temps du coup de force de l’Union s’attaque quant à lui aux Etats-Membres de l’Union. Historiquement, les institutions européennes se sont souvent vues pieds et mains liés à la volonté de ses membres étatiques. Effectivement, le processus législatif européen met tout en place pour que les Etats-Membres aient le dernier mot sur la majorité des politiques de l’Union. Cette mentalité était acceptée par tous sur base de l’idée que l’Union n’est pas un Etat souverain, et que seul les Etats-Nations possèdent l’autorité nécessaire afin d’appliquer des lois à leurs citoyens. Seulement, la complexité des institutions européennes s’est accrue, et il existe maintenant un écart grandissant entre les responsabilités de l’Union et sa capacité à agir sans que un ou plusieurs Etats-Membres ne la bloque. Paralysée et impuissante, l’Union ne peut que être blâmée pour ne pas accomplir se à quoi elle aspire.

Afin de contrer ce phénomène, les institutions européennes se sont lancées dans un affrontement face à face avec ses Etats-Membres. C’est ainsi que, en mai dernier, la Commission européenne s’est permise d’imposer ses conditions à la France en échange d’un délai supplémentaire pour que cette dernière puisse remédier à son déficit budgétaire, ou encore, en juin dernier, de critiquer l’attitude de la France vis-à-vis de l’exception culturelle lors des négociations du traité de libre échange avec les Etats-Unis. Par là, l’Union espère créer un précédent de son autorité à critiquer ouvertement et à imposer ses règles à ses Etats-Membres pour la prochaine réforme des traités européens dont beaucoup parlent déjà. Alors que le ton particulièrement fort qu’a utilisé la Commission témoigne de la prise de position des institutions supranationales, ces dernières se doivent d’être prudentes quant à leurs destinataires. En effet, si l’Union ne se s’attaque pas de manière égale à l’Allemagne et tout autre Etat-Membre, cela ne pourrait qu’envenimer la situation politique, en renforçant, par exemple, le sentiment d’une Allemagne toute puissante aux rênes de l’Union.

Conclusion

Aussi impressionnant que soit ce double combat, il semble que l’Union joue un jeu particulièrement dangereux en préparant une réforme institutionnelle affectant aussi bien les citoyens européens que les Etats-Nations, car la moindre erreur de jugement ou de communication peut engendrer l’effondrement total de l’Union. Les institutions supranationales doivent donc faire preuve de stratégie et d’une grande dextérité afin de mener à bien sa campagne fédéraliste pour les élections de 2014.

Vos commentaires
  • Le 16 juin 2015 à 23:29, par Lame En réponse à : Le Printemps Fédéral

    Imaginons que l’UE change de modèle et deviennent une confédération, démocratique et défiscalisée.

    a. Confédération

    Les institutions communautaires n’exercent que des compétences d’appui, de complément et de coordination à l’exclusion de toute compétence normative contraignante et seulement sur requête des Etats ou avec leur accord. La politique communautaire est expurgée de toute mesure vexatoire aux yeux de la majorité des Européens.

    b. Démocratie

    Les institutions communautaires sont élues et tempérées par la démocratie référendaire (cfr la Suisse). La légitimité de la politique communautaire n’est plus remise en cause pour cause d’autoritarisme.

    c. Défiscalisation

    Les institutions communautaires sont financés par un fond souverain et tout moyen non contributif. Les cotisations qui séparent le Etats membres en perdants (contributeurs nets au budget européen) et en gagnants disparaissent. Aucun impôt n’est institué pour ne pas alimenter les contestations d’ordre financier, comme celle du Royaume uni.

    Finalité : A partir du moment où les institutions européennes peuvent se rendre utiles en parant à tout critique, elle contribue non seulement à développer la coopération et la force commune des Etats européens mais aussi à développer progressivement un esprit fédéral par des réalisations concrètes. Les actions communes répétées entraînent la perception d’intérêts communs. Les intérêts communs entraînent la naissance d’un esprit fédéral. L’esprit fédéral entraîne l’aspiration à une capacité d’action commune efficace : l’Etat fédéral. Et plus tard, si le peuple multinational de la fédération se mue en une nation multicommunautaire, on peut éventuellement passer à une forme d’Etat plus unitaire.

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