Le Mur côté hongrois

, par Dorothée Hever

Le Mur côté hongrois

Avec une émouvante fierté, les Hongrois aiment (se) rappeller qu’ils ont été les premiers à sectionner les barbelés qui divisaient l’Europe en deux. Pourtant, à Budapest, en cette période d’anniversaire de la chute du communisme, il est délicat mais pas insensé de percevoir une certaine amertume dans les propos et les sentiments des Hongrois. Il faut si peu d’imagination pour se représenter leur enthousiasme lors du changement de régime en 1989, que la désillusion, durant les vingt dernières années, aurait pu être encore plus flagrante et répandue.

C’est l’amertume d’un pays qui a entrevu, il y a vingt ans entre deux briques soviétiques, la promesse d’un futur radicalement différent, voire d’une véritable révolution identitaire, mais qui a trouvé bien difficile de tourner une page si lourde. Peut-être surtout parce qu’elle connaît un socialisme qui ne se cache qu’à peine d’être l’héritier du communisme dont la Hongrie a souffert. Il est toujours étonnant de faire le parallèle entre le désir éminent de changement absolu éprouvé par les Hongrois lors de l’éclatement de l’Empire soviétique, et l’élection, entres autres, de Ferenc Gyurcsány, Premier ministre hongrois du 29 septembre 2004 au 14 avril 2009, qui a entamé sa carrière politique sous le régime totalitaire en tant que secrétaire général de l’organisation des jeunesses communistes.

Son gouvernement a certes été conduit au pouvoir par la démocratie, mais il a sans aucun doute bien plus été servi par l’infortune du gouvernement élu directement après le changement de régime ; ce dernier s’étant trouvé confronté à des difficultés quasi insurmontables. Pour autant, pas de retour massif des Trabants, mais l’impression que concrètement, l’apparition d’une certaine nostalgie mal placée, tournée vers le passé communiste, aurait pu être atténuée par une aide financière semblable à celle du Plan Marshall en 1945, qui aurait facilité la transition entre les deux régimes et que la plupart des citoyens hongrois auraient acueillie les bras ouverts.

L’Europe contre l’amertume ?

C’est l’amertume, encore et toujours, d’avoir été une grande nation et de ne pas –encore ?- réussir à se hisser à la hauteur de son glorieux passé. Marc Lambron écrivait : „Une ville peut ressembler à un état d’âme. Budapest me paraissait flotter ; les attaches qui la reliaient à la gloire de ses rois médiévaux, aux rutilances de la double monarchie, à l’esprit de ses boulevardiers, avaient été rompues comme on sectionne un nerf. ”

Et Budapest flotte encore. Elle a flotté entre sa liberté retrouvée et la confrontation aux grands fléaux du capitalisme : chômage, inflation, crises économiques. Elle flotte encore aujourd’hui entre les eurosceptiques qui ne parviennent pas à voir en l’Union un possible changement de leur sort, et les européens convaincus.

Car l’Europe reste, et il est primordial qu’elle reste, un véritable espoir pour la Hongrie. Il demeure en effet une volonté de reconstruction profonde, économique mais surtout politique, digne de celle que l’Ouest a connu après la deuxième guerre mondiale. L’Europe constitue aujourd’hui la grande chance pour la Hongrie de trouver une aisance, si ce n’est une totale prospérité économique, de développer des commerces, des industries et des savoir-faire de qualité, de préserver un imposant patrimoine culturel, et de trouver une véritable paix avec ses voisins, notamment au sujet des questions concernant les minorités, qui créent encore de déchirants conflits.

C’est cette Europe à laquelle la Hongrie dit oui, une fois, deux fois, mille neuf cents quatre-vingt-neuf fois oui. Qu’un gouvernement hongrois ambitieux, efficace, honnête et moderne soit constitué au printemps 2010, et le Mur tombera peut-être enfin vraiment.

Illustration : photographie d’un drapeau hongrois sur un mur à Budapest. Source : Flickr

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