Fédéralismes comparés

Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

En quoi l’expérience fédérale canadienne peut-elle nous servir de leçon ?

, par Ronan Blaise

Le Canada : Voyage au pays d'un fédéralisme en crise.

Le Canada contemporain est un grand pays d’Amérique du nord comptant aujourd’hui près de 30 millions d’habitants [1], répartis sur près de 10 millions de km². Officiellement dénommé ’’Confédération’’, cet Etat fonctionne aujourd’hui selon les modalités fédérales bien particulières.

Néanmoins, comme on va le voir dans cet article, cet Etat fédéral - aujourd’hui confronté à divers particularismes locaux identitaires - est actuellement en crise, sinon en voie de ’’dissociation territoriale’’.

Reste donc pour nous à examiner la nature de l’Etat canadien et la nature de la crise politique et identitaire qu’il traverse aujourd’hui pour essayer d’en dégager quelques leçons susceptibles de nous éclairer quant à la poursuite de la construction européenne.

La naissance du Canada moderne : Confédération de l’Amérique du nord britannique

Les territoires qui sont les matrices de l’actuel Canada (i. e : les pays de l’axe laurentin : actuels Ontario et Québec) sont devenus britanniques à l’issue de la ’’guerre de sept ans’’ menée par la Couronne britannique contre la puissance coloniale française (en 1756-1763). Et ils le sont restés à l’issue de la guerre d’indépendance américaine (en 1776-1783), malgré les tentatives des ’’Insurgents’’ étasuniens d’y faire déborder leur soulèvement anticolonial.

Les inquiétudes des ’’Loyalistes’’ canadiens face à la puissance montante des USA ne s’en poursuivront pas moins. Et ce, non seulement après 1783, mais aussi après 1815 et - surtout - après 1865.

Le Parlement canadien, à Ottawa

D’où la nécessité de mieux organiser les territoires britanniques d’Amérique du nord, afin de leur donner un meilleur cadre institutionnel de gouvernance propre à, face aux menaces de guerre civile, leur permettre d’assurer la cohésion de l’Amérique du nord britannique (par delà des tensions entre communautés francophones et anglophones déjà sensibles, notamment lors des rébellions de 1837-1838...) et de résister à une éventuelle agression d’origine extérieure.

Ce qui fut fait notamment à travers la rédaction de la première Constitution (de 1791) unissant alors ’’Haut-Canada’’ anglophone (actuel Ontario) et ’’Bas-Canada’’ francophone (actuel Québec) : Texte par la suite complété et/ou remplacé par divers actes juridiques comme l’ « Act of Union » de 1840 puis le « Constitution Act » de 1867. Lequel est le véritable acte de naissance de l’actuelle Confédération canadienne [2].

En 1867, le Parlement de Londres vote donc l’ « Acte de l’Amérique du nord britannique » qui institue le « Dominion du Canada » [3]. Au départ ce nouveau Dominion du Canada compte quatre provinces : Ontario (ex-Haut-Canada), Québec (ex-Bas-Canada), Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Ecosse (qui avaient manifesté leur intention d’entrer dans la Confédération dès 1866).

Par la suite, le territoire canadien allait connaître une expansion territoriale devant le mener à occuper ses frontières et le cadre territorial d’aujourd’hui jusqu’au Pacifique, « A mari usque ad mare » (i. e : « d’une mer à l’autre », devise officielle de la Confédération).

Notamment avec l’achat des territoires de la Compagnie de la baie d’Hudson (en 1869), avec l’entrée dans la Confédération du Manitoba (en 1870) de la Colombie britannique (en 1871) puis de l’île du Prince Edouard (en 1873), la Saskatchewan et l’Alberta accédant au statut de Provinces en 1905... (Et le dominion de Terre-Neuve n’entrant finalement dans la Confédération qu’en... 1949 !).

Les Institutions du Canada contemporain

La Province de Colombie britannique

Tout d’abord il faut noter que le Canada - Nation souveraine du Commonwealth britannique, devenue depuis lors puissance régionale nord-américaine - est un Pays jeune [4] dont l’indépendance s’est négociée avec le Royaume-Uni de façon progressive.

Et ce avec - en 1919-1920 - sa participation officielle à la conférence de la paix (et son entrée, alors, à la SDN...) jusqu’à la ’’Patriation’’ de 1982 (i. e : le ’’Rapatriement’’ de la Constitution), dernier événement marquant l’accession véritable du Canada à une Indépendance politique pleine et entière.

Une indépendance préparée par de nombreuses étapes symboliques comme la fameuse Conférence impériale de 1926 (ayant déclarée l’autonomie formelle des Dominions...) ou le vote par le Parlement de Londres du « Statute of Westminster » (vote valant alors reconnaissance formelle de la souveraineté du Canada...), en 1931.

Ou encore par le vote (en 1949) du « British North America Act » (supprimant la prééminence des Institutions judiciaires britanniques [5] au bénéfice de la Cour suprême canadienne, fondée dès 1875...).

La Province du Nunavut

Le Canada est une Monarchie constitutionnelle dont le Chef de l’Etat est la Reine britannique, représentée au Canada par un ’’Governor-General’’ (i. e : ’’Gouverneur général’’) ayant rang et statut de vice-roi (lequel est, aujourd’hui, toujours un canadien).

Mais le véritable ’’homme fort’’ du système politique canadien est le Premier Ministre, Chef du gouvernement, responsable devant les deux Chambres du Législatif (et qui n’est autre que le chef de la majorité parlementaire du moment...) [6].

Le Canada est une Démocratie parlementaire, laquelle s’organise dans le cadre d’un système bicaméral qui - tradition oblige - est un ’’copié-collé’’ du système britannique dit ’’de Westminster’’. Avec un Parlement fédéral composé de deux chambres : une Chambre basse (i. e : la ’’Chambre des Communes’’ - ’’House of Commons’’) composée d’élus représentant la population, qui votent les lois et dont les mandats durent cinq ans. Et une Chambre haute (i. e : le Sénat) composée de membres nommés par l’Exécutif [7]. Laquelle a - dans la procédure législative - Droit de veto sur les textes votés à la Chambre des Communes [8].

Aujourd’hui, les principaux partis politiques représentés dans ce cadre sont le « Parti libéral » (parti politique plutôt à gauche, 26% des voix lors du dernier scrutin), le « Parti conservateur » (parti politique plutôt à droite, actuellement au pouvoir, 36% des suffrages lors du dernier scrutin) et de nombreux parti ’’locaux’’ ou d’assise locale : comme le Parti souverainiste québécois « Bloc Québecois » (de sensibilité ’’sociale-démocrate’’) ou le parti de gauche « NPD » (i. e : ’’Nouveau Parti Démocratique’’, parti de la ’’nouvelle gauche’’ de sensibilité ’’sociale-écologiste’’, près de 20% des voix à l’échelle nationale lors du dernier scrutin).

La Province de l’Ontario

Quant au pouvoir judiciaire devant contrôler la validité des lois et leur conformité à la Constitution (ou ’’judical review’’), il était initialement situé en Grande-Bretagne. En l’occurrence toutes questions touchant à la répartition des compétences entre Etat fédéral et Etats fédérés ainsi qu’au contrôle de la constitutionnalité des lois relevait ainsi de la compétence du « Comité judiciaire du Conseil Privé » (Judicial Committee of the Privy Council) britannique.

Une instance auprès de laquelle pouvaient également être menées toutes procédures d’appel. Laquelle sera tout d’abord (en 1875) dédoublée sur place, avant que son autorité en ces matières ne soit finalement (en 1949) officiellement réservée à la seule « Cour suprême » canadienne.

Le Canada est un Etat fédéral de nature composite, aujourd’hui formé de dix Etats fédérés (ou ’’Provinces’’) et de trois ’’Territoires’’ autonomes (i. e : le Territoire du Nord-Ouest, le Territoire du Yukon et - depuis le 1er avril 1999 - le Territoire du Nunavut).

Un pays au peuplement divers comptant des Anglophones, des Francophones, des Immigrés d’origines variées et d’arrivée récente (Hispaniques et Italiens, Haïtiens et Antillais, Hindo-Pakistanais, Soudano-Nigerians, etc) et de très nombreuses Minorités autochtones (i. e : Amérindiens des ’’Premières nations’’, Inuits et Métis).

On retrouve d’ailleurs la nature particulière, composite et culturellement diverse de ce peuplement dans la façon dont fut effectué le choix de sa capitale, dès 1857 (soit dix ans avant même la naissance officielle de la Confédération...) : quand c’est finalement Ottawa qui fut désignée (plutôt que d’avoir à choisir entre Toronto ou Montréal, métropoles de peuplements anglophones et francophones déjà rivaux...).

Une Confédération fédérale en voie de décentralisation

Officiellement le Canada est désigné comme étant une « Confédération » mais les caractères du Texte constitutionnel vont dans un sens totalement différent : celui d’une fédération avec un gouvernement unitaire et initialement fortement centralisé (même si, depuis 1791, elle a effectivement connu une forte évolution vers davantage de décentralisation...).

En effet, pour mieux résister aux menaces étrangères, le Canada a initialement été conçu comme un Etat relativement centralisé (en tout cas initialement beaucoup plus centralisé que l’étaient alors les Etats-Unis voisins...). Ainsi, il était précisé que (contrairement à l’organisation institutionnelle étasunienne voisine...) tous les ’’pouvoirs résiduels’’ étaient de la compétence de l’Etat central (et non de la compétence des Etats fédérés...), Etat central dans lequel résidait la souveraineté étatique.

De même il faut savoir que les gouverneurs provinciaux (i. e : ’’lieutenants-governors’’) nommés par le pouvoir central (et non élus...) disposaient également d’un certain ’’disallowance power’’ (i. e : ’’pouvoir de désaveu’’) qui leur permettait d’invalider et d’annuler (dans l’année) des décisions prises par les Parlements provinciaux si elles étaient en contradiction avec les décisions du ’’pouvoir central’’.

Initialement organisé à partir d’une structure institutionnelle très centralisée, le Canada va néanmoins très vite évoluer sur la voir d’une plus grande décentralisation. Ce sera le cas avec la suppression définitive du ’’disallowance power’’ (en 1943) ou avec mise en place (dès 1906) du système de la « Conférence fédérale » [9] ou encore (à partir de 1957) du ’’Système de péréquation’’ (ou ’’Equalization’’) de redistribution des revenus fiscaux vers les Etats : deux dispositifs fondamentaux et aujourd’hui incontournables, juridiquement reconnus (et constitutionnalisés) en 1982.

Avec ces innovations, on s’orientait dès lors vers la mise en place d’un Fédéralisme inter-étatique ou intergouvernemental dit ’’fédéralisme coopératif’’ entre les Provinces et l’Etat fédéral. Sans même se douter que l’on précipitait là l’actuelle crise de l’Etat fédéral...

La crise actuelle du fédéralisme canadien

L’ancien Premier ministre canadien Mackenzie King (au pouvoir au Canada entre 1920 et 1950 et, en tout particulier, pendant la seconde guerre mondiale...) disait que certains pays avaient trop d’Histoire et que le Canada avait trop de Géographie.

Le Drapeau de l’Alberta.

Et il est vrai que les Canadiens sont aussi différents les uns des autres que puissent l’être des Anglophones de la côte Pacifique et de Terre Neuve (de l’Alberta ou de l’Ontario...), des Métis du Manitoba (ou de la Saskatchewan...), des Amérindiens des rives du Saint-Laurent ou de la Gaspésie, des Inuits du Nunavut et des Québecois francophones, qu’ils soient urbains ou ruraux...

Et ce, sans même parler de ces Immigrés de fraîche date (hispaniques et italiens, indo-pakistanais ou tamouls, congolais ou soudanais, antillais ou haïtiens...) vivants dans les quartiers centraux ou dans les ’’suburbs’’ des grandes villes du pays, venus depuis peu ajouter leur identité particulière au grand ’’melting pot’’ (ou ’’salad bowl’’) canadien.

En effet, le fédéralisme canadien est aujourd’hui un fédéralisme en crise, menacé par l’existence de nombreux mouvements centrifuges (souvent identitaires) qui touchent aujourd’hui le Canada. Lesquels s’expliquent par les trop grandes disparités économiques existant entre les provinces et par le fait que le pouvoir fédéral ne semble plus guère, depuis le milieu des années 1980, être porteur d’un projet d’ensemble vraiment cohérent.

Or les Provinces anglophones de l’ouest du pays (comme l’Alberta du nouveau Premier ministre Stephen Harper...) ont des conceptions de l’union canadienne profondément différentes de celles des provinces fondatrices.

Votant massivement pour les ’’conservateurs’’ (comme on a encore récemment pû le voir lors des élections générales de janvier dernier...), elles sont en particulier beaucoup moins sensibles aux questions liées aux problématiques sociales ainsi qu’à la solidarité devant exister au sein de l’Union (et, plus particulièrement, aux attentes des francophones...). Ainsi la différenciation grandissante entre les Provinces est aujourd’hui devenue une source de tensions politiques. De fait les Provinces se considèrent aujourd’hui comme des entités de plus en plus autonomes et la solidarité entre elles s’est donc considérablement affaiblie...

La Province de l’Alberta

Exemple éloquent, il s’avère aujourd’hui que l’Alberta, province de l’Ouest du pays riche en pétrole (de par ses gisements de sables bitumeux, découverts dans les années 1940...) en a visiblement assez de ’’payer pour’’ les dépenses sociales et les grandes difficultés économiques des provinces maritimes de l’Est et pour l’Etat providence québécois (sans mêmes parler des aspirations à la ’’reconnaissance’’ et des velléités ’’souveraino-séparatistes’’, décidément incomprises, de celui-ci...). Ainsi, la bonne fortune de l’Alberta risque donc d’avoir des effets négatifs sur le reste du pays.

En effet, le système de péréquation existant aujourd’hui entre les provinces est ainsi fait que les Provinces du Canada sont des acteurs fiscaux à part entière dont la dépendance par rapport à l’Etat fédérale est minimale, voire inexistante. Ce qui provoque de forts déséquilibres financiers. Ainsi, il s’avère que l’Alberta n’a pas l’obligation de reverser à l’Etat fédéral les bénéfices consécutifs de l’exploitation de ses ressources pétrolifères...

De ce fait, disposant à son gré de telles rentrées financières, l’Alberta n’a pas (contrairement à certaines autres provinces canadiennes...) de dette publique et enregistre même un excédant budgétaire se chiffrant en milliards de dollars canadiens (i. e : 6 milliards de dollars en 2006). Ce qui lui a récemment permis de réduire radicalement ses taux d’impôts perçus sur le revenu (de seulement 10%) et sur les sociétés : régime fiscal ’’intolérablement attrayant’’ et destabilisateur pour l’ensemble de la fédération et - pour cela même - jugé ’’intolérable’’ par les représentants des autres Provinces du Canada.

Québec & Alberta : deux coucous dans le nid ?

Prospères, plus à droite, plus religieux, plus riches et plus individualistes que leurs compatriotes de l’Est (et riches en pétrole...), les Albertains [10] sont aujourd’hui souvent considérés comme les ’’Texans’’ du Canada.

La Province du Québec

Or l’arrivée au pouvoir récente du Parti conservateur, profondément enraciné dans l’Ouest du Canada (et dont le Leader actuel Stephen Harper, récemment devenu premier ministre fédéral à la suite des élections législatives générales de janvier dernier, est précisément un élu de l’Alberta...) risque - en voulant leur donner satisfaction - de bousculer sans doute certaines des politiques qui fondent, pour beaucoup, l’identité canadienne.

Voire de remettre en cause l’actuel (fragile) système d’état-providence ’’à la canadienne’’ [11] : remise en question substantielle du ’’consensus sociétal’’ et du ’’vouloir vivre ensemble’’ canadien.

L’Alberta acceptera-t-il donc de partager sa rente ’’pétrolifère’’ avec le reste du pays ? Rien n’est moins sûr. Auquel cas ce serait là un coup dur pour le reste du pays, et un coup dur porté à l’unité déjà bien malmenée du Canada.

C’est pourquoi on peut dire qu’aujourd’hui, d’une certaine manière, face aux tensions ’’centrifuges’’ émanant de l’Alberta et du Québec et face au besoins financiers des Provinces maritimes, seule la Province de l’Ontario - province la plus peuplée du Canada, siège de sa capitale et bastion électoral traditionnel du Parti Libéral - demeure aujourd’hui un puissant vecteur de l’idée nationale canadienne. Et il est vrai que ses industries manufacturières et ses firmes de haute technologie semblaient encore, il y a peu, constituer l’avenir du Canada. Mais, aujourd’hui, ces secteurs se portent mal, à nouveau, et les ressources naturelles constituent à nouveau la principale source de revenus à l’exportation du pays... Ce qui ne saurait déplaire, en revanche, à l’Alberta...

Le drapeau du Québec

En effet, la question du Québec - province [12] dont l’indépendance est d’actualité depuis désormais plus de trente ans - reste aujourd’hui centrale. C’est pourquoi, afin de maintenir tout à la fois l’existence du Canada, les intérêts économiques du Québec (et des autres provinces) et les droits des minorités autochtones, l’Etat fédéral tente aujourd’hui de maintenir la cohésion et l’unité du Canada avec un nouveau projet constitutionnel destiné à renouveler le pacte fédéral.

Il s’agirait là d’introduire une plus grande souplesse dans les textes constitutionnels actuellement en vigueur tout en procédant à une reconnaissance formelle de la spécificité culturelle distincte de certaines composantes de la Confédération (comme le Québec et les Autochtones amérindiens). Ainsi, il semble que l’on s’oriente désormais vers une formule de compromis entre les provinces : une sorte de système de ’’souveraineté-association’’ avec un Québec politiquement ’’souverain’’ mais néanmoins économiquement toujours associé à la fédération canadienne.

Menace sur l’unité du Canada...

En outre, une accession du Québec à la souveraineté pourrait éventuellement provoquer l’éclatement de la fédération canadienne. Et entraîner là la plus importante ’’recomposition territoriale’’ de l’Histoire de l’Amérique du nord depuis au moins la grande guerre de sécession ’’étasunienne’’ des années 1860.

« Je me souviens », devise du Québec

Certes, les Etats-Unis n’ont pas caché leur préférence pour le maintien de l’existence d’un Canada uni. Mais ils n’ont cependant pas fait état de leurs éventuelles réactions en cas d’éclatement de la confédération, considérant officiellement cette éventualité comme très hypothétique sinon hautement improbable.

Mais il n’en reste pas moins qu’un tel scénario pourrait alors provoquer une sensible réorganisation des frontières inter-étatiques en Amérique du nord : faisant ainsi, à terme, très probablement entrer les provinces anglophones du Canada dans la fédération des Etats-Unis. Soit précisément le scénario alors tant redouté par les élites britanniques et francophones du Canada dans les années 1790 puis 1860 : quand furent conclus les premiers pactes fédéraux canadiens...

Un Pays en crise d’identité

En tout cas, le Canada semble aujourd’hui connaître une grave crise d’identité. Un récent sondage ayant souligné, il y a peu, une inquiétante baisse de près de 20 points depuis 1985 (i. e : de 80 à 60%...) du pourcentage de Canadiens se disant encore aujourd’hui ’’être fiers’’ de leur appartenance nationale.

Et il semblerait bel et bien que, d’un océan à l’autre, on vibre aujourd’hui de moins en moins à l’idée d’être canadien. Et que, symbole évident d’une désaffection certaine des Canadiens à l’égard de leur pays et d’un affaiblissement indéniable du projet national des ’’Pères fondateurs’’, le drapeau ’’unifolié’’ à feuille d’érable n’ait aujourd’hui décidément plus franchement la côte chez lui...

Un paradoxe alors qu’à l’étranger l’image du Canada n’a sans doute jamais été aussi bonne : Canada, pays pacifique et humaniste, pays préoccupé de justice sociale et généreux, ’’pays le plus cool du monde’’, pays sensible aux problématiques écologiques et environnementales...

Le Canada : pays ouvert à l’immigration et terre d’accueil et d’asile par excellence, pays grand donateur de l’aide internationale au Tiers monde et grand fournisseur en ’’Casques bleus’’, pays tolérant favorable au mariage homosexuel et acceptant l’euthanasie. Le Canada : société métissée, ouverte et accueillante...

D’où la nécessité, pour les citoyens de la fédération et pour les hommes politiques canadiens, de se réapproprier ce qui a fait le succès de la ’’Confédération’’ : de réinvestir la sphère du symbolique, de renouveler leurs discours sur le pays, de reconstruire leur ’’vouloir vivre ensemble’’ sur des bases rénovées pour réinventer - et retrouver ainsi - la ’’marque’’ et le ’’projet Canada’’, Etat fédéral en devenir...

- Illustrations :

Tous les documents utilisés pour illustrer cet article sont tirés de l’Encyclopédie en ligne wikipédia.

- Sources :

 « Atlas des Peuples d’Amérique » (par Jean Sellier), Document publié aux Editions de la Découverte à Paris en 2006 (210 pages, ici : pages 87-88-89 et 120 à 125).

 « Fédéralisme et Antifédéralisme » (par François Vergniolle de Chantal), QSJ n°3751 publié aux Editions PUF (Paris) en 2005 (130 pages, ici : pages 62 à 78).

 Pareillement ont été utilisés pour construire cet article de nombreux documents tirés de la presse canadiennes (i. e : hebdomadaires et quotidiens « Le Devoir » et « La Presse » de Montréal, le « Toronto Star », etc).

Tous articles reproduits dans l’hebdomadaire français « Courrier International » (ici : numéros 748, 795 et 799 des 3 mars 2005, 26 janvier et 23 février 2006).

Mots-clés
Notes

[1Chiffres tirés du recensement de 2001.

[2Principaux rédacteurs : le réformiste anglophone Georges Brown, le Canadien français Georges-Etienne Cartier et le libéral-conservateur John Macdonald (Homme politique canadien, PM au pouvoir de 1867 à 1873 puis de 1878 à 1891).

[3Dominion du Canada dont le statut a été élaboré au cours des conférences de Charlottetown (île du Prince-Edouard) puis de Québec qui se sont tenues en 1864.

[4Dont le drapeau actuel, frappé de la feuille d’érable rouge à onze pointes, n’a été officiellement adopté qu’en octobre 1964 (à la suite d’un concours disputé par près de quatre mille projets...).

[5Ici, le « Judicial Committee of the Privy Council » - « Comité judiciaire du Conseil privé ».

[6Actuellement il s’agit du Conservateur Stephen Harper - Elu de l’Alberta, juriste de formation - depuis sa victoire électorale lors des élections générales du 23 janvier dernier (36% des voix et 129 députés) face aux Libéraux du PM sortant : le francophone Paul Martin (30% des votes et 103 élus).

[7Initialement nommés à vie, les membres du Sénat doivent, depuis une loi adoptée en 1965, prendre leur retraite à 75 ans.

[8A noter que dans un tel dispositif le Sénat (Chambre haute canadienne), n’est pas vraiment une ’’Chambre des Etats’’ mais seulement une institution législative émanation de l’Exécutif puisque issue - par patronage - de celui-ci, sur le modèle britannique.

[9Système instauré, en 1906, par le PM libéral (francophone) Wilfred Laurier. Système réunissant les PM des Provinces avec le PM fédéral qui joue aujourd’hui le rôle d’un Sénat ’’territorial’’ de la Confédération et à travers lequel l’Etat fédéral négocie les modalités de la vie commune avec les Provinces.

[10Albertains qui représentent seulement 3 des 32 millions d’habitants que compte aujourd’hui le pays (soit environ 10% du total de la population candadienne...).

[11Ainsi, durant la dernière campagne électorale de ce début 2006, le Parti conservateur s’était prononcé pour une privatisation partielle du système de santé publique et pour une remise en question du mariage gay (légalisé en 2005).

[12Le Québec - ou ’’Belle province’’ - est la plus grande des dix provinces canadiennes avec 1,5 millions de km² et 7 millions d’habitants.

Vos commentaires
  • Le 2 décembre 2006 à 14:47, par Ronan Blaise En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    A cet article, je me permets de rajouter ce petit complément d’information, dans la mesure où - en cette fin novembre 2006 - les choses semblent avoir considérablement bougées dans les relations entre l’Etat fédéral ’’Canada’’ et sa belle-province ’’rebelle’’ et francophone : le Québec.

    En effet ce mercredi 22 novembre dernier, lors d’un discours prononcé devant la Chambre des Communes, le Premier Ministre canadien Stephen Harper (Conservateur) a officiellement reconnu (grande première...) l’existence du Québec en tant que ’’Nation’’ (sic) et ’’composante spécifique du Canada’’ et ’’au sein d’un Canada uni’’ (sic). Cela ayant, par la suite (ce lundi 27 novembre), donné lieu à l’adoption par le parlement canadien (à une grande majorité) d’une résolution allant dans ce sens.

    Une ’’grande première’’ symbolique qui a alors été interprétée comme une manoeuvre gouvernementale de l’actuelle majorité parlementaire conservatrice dans le cadre d’une stratégie politique visant à ’’couper l’herbe sous le pied’’ aux souverainistes (indépendantistes) québécois. Une résolution présentée en tout cas par le PM comme ’’non pas un texte à portée juridique, mais un geste de réconciliation’’ à destination des Québécois.

    En tout cas, la tenue de ces propos et le vote de cette résolution auront au moins provoqué la démission du ministre chargé des Affaires intergouvernementales, poste clef au sein du gouvernement fédéral (en l’occurrence : M. Michael Chong). Toujours est-il que les Québécois tiennent sans doute là ce qu’ils attendaient depuis des années, sinon des décennies : la reconnaissance de la spécificité originale de leur ’’société distincte’’ en seuls termes de culture, de langue et d’identité...

    A ce propos, on lira l’excellent dossier publié, en date du 9 novembre dernier, par le non moins excellent hebdomadaire « Courrier International » (n°836, pages 10-11-12-13).

  • Le 23 janvier 2007 à 13:01, par Ronan En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle française du printemps 2007, a suscité ces dernières heures une intense polémique « franco-canadienne » en évoquant le sujet d’une éventuelle future indépendance du Québec, après un entretien d’une quinzaine de minutes (au siège du PS - ce lundi 22 janvier 2007 - rue de Solferino, à Paris) avec le chef du Parti québécois (PQ, souverainiste) André Boisclair, venu en visite à Paris.

    Interrogée par des journalistes québécois pour savoir quelles étaient ses « affinités » avec le Québec, Ségolène Royal avait alors répondu : « Elles sont conformes aux valeurs qui nous sont communes, c’est-à-dire la souveraineté et la liberté du Québec », affirmant par ailleurs sa sympathie pour la « souveraineté et la liberté du Québec » (sic). « Je pense que le rayonnement du Québec et la place qu’il occupe dans le coeur des Français vont dans ce sens », a-t-elle ajouté.

    A Ottawa, le Premier ministre canadien Stephen Harper avait alors aussitôt réagi de manière assez virulente. « L’expérience enseigne qu’il est tout à fait inapproprié pour un leader étranger de se mêler des affaires démocratiques d’un autre pays », avait-il déclaré dans un communiqué. « Nous nous attendons à ce que le prochain président (français) comprenne l’histoire que nous partageons et le respect qu’un tel partenariat important exige à l’égard du Canada et de la population canadienne », avait poursuivi le Premier ministre canadien.

    Face aux réactions des autorités fédérales canadiennes survenues depuis ses déclarations de ce lundi, Ségolène Royal a depuis lors souligné (sur Europe 1, ce mardi) qu’ « à aucun moment elle n’avait évoqué quelques réformes institutionnelles ». Assurant n’avoir « fait preuve ni d’ingérence ni d’indifférence » à l’égard du Québec et du Canada. « Ce que j’ai dit et que je confirme c’est que, comme dans toute démocratie, le peuple qui vote est souverain et libre : les Québécois décideront librement de leur destin le moment venu s’ils en sont saisis », a-t-elle expliqué. « Ce n’est pas à la France de dicter ni aux Québécois ni aux Canadiens ce qu’ils doivent faire » a ajouté Ségolène Royal.

  • Le 23 janvier 2007 à 19:01, par Ali Baba En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Le souverainisme québecois est sans rapport avec le souverainisme qu’on connaît en Europe. À mon sens, les véritables fédéralistes canadiens c’est eux, ou du moins on les trouve là-bas (parce qu’il faut certes reconnaître que dans les souverainistes québecois on trouve aussi des gens qui veulent vraiment une indépendance totale sur des critères ethniques, mais ce n’est pas là la position officielle du PQ ni de la province du Québec).

    Le PQ, à la suite de René Lévesque, défend l’idée de souveraineté-association, c’est-à-dire la création d’une entité supranationale associant deux parties égales en tous points. Aujourd’hui le Québec est plutôt soumis à l’État canadien, qui lui concède à son gré les domaines de souveraineté qu’il désire. L’exemple du Chef de l’État est à ce titre symbolique : c’est toujours la Reine Élizabeth. Que les anglophones souhaitent rester une monarchie avec le chef de la maison Windsor à leur tête, libre à eux, mais actuellement ils l’imposent aussi contre leur gré aux québecois. Idem pour la question, plus essentielle, de la Constitution, unilatéralement rapatriée par les anglophones malgré l’opposition des francophones.

    Bref, les fédéralistes ne sont pas forcément où l’on croit, et ceux qui se nomment fédéralistes au Canada sont bien plutôt des jacobins que des vrais fédéralistes.

  • Le 23 janvier 2007 à 23:11, par Ronan En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Voilà des constats que je trouve pour ma part assez contestables puisque ne reflétant que de façon très partielle (et de manière singulièrement atténuée) l’ensemble du problème québecois. A ce titre, on se reportera aux propos très clairs tenus à ce sujet par Bernard Landry (ancien PM de la province et ancien président "péquiste") donnée le 29 octobre 2005 dans le quotidien français "Libération" (page 11).

    Des propos très nettement indépendantistes et séparatistes. A savoir : "le Québec est une nation, une nation dominée" (sic). "Or une nation doit être libre et contrôler son destin. Car il est imprudent de laisser son destin à la majorité d’une autre nation, même si celle-ci n’est pas hostile" (Nb : il parle du Canada). Et il précise : "pour ma part je ne me sens pas du tout Canadien, sans ressentiment. Je me sens Québecois mais sans animosité". Or, "jusqu’à présent il était difficile pour les Québecois de quitter le Canada (sic), parce que dans leur esprit ils avaient fondé ce pays" (etc).

    De même, la formule ’’indépendance-association’’ qui pourrait éventuellement réconcilier Canada et Québec sous la forme d’une confédération renouvelée est vraiment très loin de faire l’unanimité dans l’opinion québécoise (ainsi que dans les rangs mêmes du PQ). Puisque certains y voient la création d’un niveau de gouvernement supplémentaire inutilement coûteux sur le plan administratif et fiscal (avec juste un petit peu de bureaucratie envahissante en plus...).

    Bref, nous avons là au Québec une "société distincte" qui veut surtout être traitée comme une nation indépendante tout simplement parce qu’elle se ressent comme telle : "une Nation consciente de son existence qui ne comprend pas tout à fait pourquoi elle vit dans la maison de son voisin" (Cf. Jean-François Lisée, Professeur de l’Université de Montréal et ancien conseiller PQ : in « Courrier International » n°836 du 9 novembre 2006, également page 11).

    Sans parler de ceux qui - au Québec - aspirent, sans plus de précaution oratoire, à une séparation pure et simple d’avec ce qui restera alors du Canada. Pour le reste, il est clair que le Québec se veut être une société modèle multiculturelle où les propos de Jacques Parizeau (i. e : PM du Québec ayant - lors du référendum d’octobre 1995 - attribué la défaite des ’’souverainistes’’ au ’’vote ethnique’’, sic) avaient alors fait scandale...

    Encore que : est-il vraiment utile de souligner que ces options politiques en faveur de l’indépendance pure et simple et/ou pour l’autonomie renforcée voire pour l’indépendance-association, ne recueillent pas nécessairement l’assentiment de la majorité d’une population québécoise dont le comportement électoral est très souvent dicté par bien d’autres considérations politiques (Nb : Au Québec même, le PQ n’est-il pas actuellement dans l’opposition depuis au moins 2003 ?!).

    En tout cas, à Ottawa et dans l’ouest anglophone du Canada, on se réjouit aujourd’hui discrètement de voir le Québec d’aujourd’hui perdre de sa superbe : spéculant sur le fait qu’un Québec moins riche, économiquement en perte de vitesse, de plus en plus minoritaire sur le plan démographique et politiquement de plus en plus faible oubliera alors ses rêves "insensés" de sécession. Pas sûr...

    En tout cas il est très clair que le fédéralisme canadien est aujourd’hui un système de répartition des compétences basé sur un "contrat" dont toutes les parties présentes ont - à l’heure actuelle - décidément bien du mal à se reconnaître dans les clauses initiales...

  • Le 27 janvier 2007 à 01:20, par Ali Baba En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    En tout cas, le rêve de René Lévesque était bien la souveraineté-association, et les référenda qui ont été tenus au Québec se plaçaient dans cette perspective.

  • Le 27 janvier 2007 à 12:22, par Ronan En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Certes, mais cette ’’souveraineté-association’’ manque de substance institutionnelle claire (sinon la perspective d’un niveau administratif supplémentaire...).

    En fait il semblerait surtout qu’il s’agisse là d’un slogan marketing et d’un ’’oxymore électoral’’ visant (un peu comme la ’’fédération d’Etats-nations’’ de Delors) à essayer de concilier des contraires irréductibles et inconciliables, via une ’’belle formule’’ (et ratisser large...).

    Objectif de cette démarche (’’publicitaire’’ plus que ’’politique’’) : convaincre les fédéralistes canadiens qu’ainsi on ne touchera pas davantage à l’intégrité du Canada (’’plus belle invention de l’Histoire’’) et persuader de même les souverainistes québécois qu’accepter cette formule est le chemin qui mènera le plus sûrement, un jour, à l’indépendance pleine et entière...

    Bref, il ne s’agit pas ici de résoudre quelque problème que ce soit, il s’agit de faire plaisir à tout le monde et à ne - surtout - pas effrayer l’opinion publique (quitte à tordre les mots dans tous les sens, pour ce faire). Bref : c’est de la politique...

  • Le 22 mai 2007 à 21:01, par ? En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    La « souveraineté-association » était bien la solution envisagée par René Levesque. Cependant il s’agissait et il s’agit toujours d’une position ouvertement nationaliste qui n’a rien à voir avec le fédéralisme européen. Contrairement à ce qu’Ali Baba suppose, le Parti québécois n’a jamais envisagé la mise en place d’institutions supranationales communes au Québec et au Reste du Canada (ROC) pour la simple raison qu’elles existent déjà (le parlement d’Ottawa, le gouvernement du Canada et la Cour suprême). Au contraire, le projet de souveraineté-association préconise la sortie du Québec de la fédération pour entamer une coopération strictement intergouvernementale entre le Canada restant et le Québec indépendant. Le type de relation qui subsisterait entre les deux pays ressemblerait ainsi plutôt à celle que la Suisse ou la Norvège entretiennent avec l’Union plutôt qu’à celle qui existe entre les États-membres de l’UE.

    Ceci dit, il est difficile de comparer la réalité canadienne à la réalité européenne, parce que l’homogéneité linguistique et culturelle entre les provinces anglophones n’a pas d’égal en Europe et le déséquilibre entre les deux groupes linguistiques est souvent cité comme la principale raison du nationalisme québécois. Il serait ainsi complètement déplacé de prendre position sur le fédéralisme canadien avec des paramètres européens.

    La question nationale au Canada est apparue après la seconde guerre mondiale lorsque les Canadiens ont commencé à s’identifier non plus comme Britanniques d’Amérique du Nord ou Catholiques d’ascendance française, mais comme Canadiens voire Québécois.

    Pierre Trudeau, premier ministre libéral du Canada, s’inspire des principes républicains de laïcité et universalisme pour préconiser un pays avec deux langues officielles où chaque Canadien peut vivre où il veut dans sa langue. Sans remettre en question la fédération, sa conception du fédéralisme se justifie néanmoins par un souci de proximité que d’un instrument de protection de la diversité. Son modèle institutionnel est sous plusieurs aspect la fédération américaine, alors que son modèle social se trouve plutôt dans les systèmes d’État-providence européens.

    René Lévesque, ministre libéral et par la suite premier ministre souverainiste du Québec, voit dans sa province l’espace idéal pour l’émancipation de la population d’origine française. Il oppose au multiculturalisme libéral une politique d’assimilation tout d’abord par la langue. Par l’accession à la souveraineté la communauté francophone se trouverait majoritaire et dans une association paritaire entre le Québec et le Canada, les Québécois francophones parleraient d’égal à égal aux Canadiens anglophones.

    L’aversion parfois farouche des Canadiens anglophones à l’indépendance du Québec s’explique entre autre par le fait que le nationalisme bilingue et le multiculturel se fonde par opposition aux politiques d’assimilation américaines serait remis en question. En même temps, l’octroi du droit de véto à une province devenu État n’est pas considéré une solution envisageable.

    Au-delà du cadre institutionnel proposé, au sein du Parti québécois il esxiste encore une forte composante qui préconise un nationalisme identitaire fondé sur le lien entre la province et la communauté francophone issue de la colonisation française. Par conséquent, malgré sa plate-forme « sociale démocrate », le soutien au PQ est généralement limité à la communauté « québécoise de souche ». Non seulement les Anglophones mais également la presque-totalité des communautées issues de l’immigration - même francophone - voient le nationalisme québécois non comme inclusif, mais comme exclusif. Jacques Parizeau, premier ministre du Québec au moment du second référendum sur la souveraineté en 1995, voyait dans l’« argent et le vote ethnique » les causes de l’échec.

    S’il est légitime de remettre en question le modèle fédéral canadien, il faut être conscient que le Parti québécois est un parti nationaliste déclaré, dont la raison d’être est la fondation d’un État-nation souverain pour une nation qui serait caractérisé par la langue française et l’héritage historique de la Nouvelle-France. Au-delà de l’opinion qu’on peut avoir sur l’avenir de la fédération canadienne, il me paraît évident que le Parti québécois ne reflète dans aucune façon les idéaux qui animent le Mouvement européen.

    La publicité de la bière montréalaise Molson a connu un énorme succès au Canada (surtout anglophone) pour avoir défini les caractéristiques de l’identité nationale du pays : http://www.youtube.com/watch?v=pnpVH7kIb_8

  • Le 25 mai 2007 à 10:40, par Ronan En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Suis d’accord sur à peu près tout, à une objection près. J’ai encore le souvenir très clair qu’au moment du dernier référendum d’autodétermination au Québec (en 1995), il était alors question :

     1- Que le Québec prenne sa souveraineté et son indépendance en sortant du Canada et en prenant tous les attributs d’un Etat pleinement souverain (i. e : siège aux Nations unies, passeport propre, politique étrangère propre, frontières et douanes, défense intérieure, etc).

     2- Qu’à côté de ce Québec indépendant serait néanmoins conservé un Etat canadien regroupant - sur un mode fédéral - le ’’RoC’’.

     3- Mais qu’il serait également alors créé entre ces deux nouvelles entités un nouveau niveau de gouvernement (confédéral ?) - et pas seulement un seul ’’système de coopération strictement intergouvernementale’’ (sic) - associant ’’avec souplesse’’ (notamment pour les questions économiques et douannières) les deux nouvelles entités : Québec indépendant et fédération du ’’Nouveau Canada’’ (anciennement RoC). (Sans même parler de certaines questions de défense déjà gérées en commun avec les Etats-Unis, notamment dans le cas du NORAD).

    L’un des arguments alors développé par les opposants à l’indépendance étant précisément la perspective de voir se créer là - au dessus des Etats fédérés canadiens et de l’actuelle fédération canadienne - un nouveau et troisième niveau de gouvernement évidemment dispendieux (i. e : une nouvelle bureaucratie et de nouveaux surcoûts administratifs pour le contribuable...).

    Sans parler de l’incohérence qui consisterait finalement à quitter le Canada - actuelle ’’architecture fédérale’’ - pour finalement en recréer un autre derrière, ’’nouvelle formule’’ (même réformé...). (Nb : Transformer l’actuelle système fédéral ’’canadien’’ en un nouveau système confédéral ’’canado-québecois’’, n’est-ce pas finalement le voeux secret des souverainistes québecois ?!)

    Quoi qu’il en soit, le type de relation qui subsisterait alors entre les deux nouvelles entités ressemblerait ainsi plutôt à quelque ’’partenariat privilégié’’ administrativement géré par une structure gouvernementale et bureaucratique ’’ad hoc’’ qu’aux relations bilatérales que la Suisse ou la Norvège entretiennent aujourd’hui, de manière bilatérale et chacune de leur côté, avec l’Union européenne.

  • Le 31 mai 2007 à 00:57, par H. Dufort En réponse à : La révolte des Patriotes de 1837-1838 : motivations républicaines et non linguistiques !

    Contrairement à ce que l’on lit dans cet article, la révolte des Patriotes de 1837-1838 n’était pas le reflet d’antagonismes linguistiques. En fait, à la suite de demandes répétées pour que la « responsabilité ministérielle » soit octroyée au Canada par Londres, la population (dirigée par Papineau, Nelson et d’autres intellectuels) a tenté de mener une véritable révolution républicaine. Qui fut réprimée par le sang, et qui aboutit à un durcissement temporaire du régime colonial britannique (Acte d’Union de 1840, incendie de dizaines de villages au Québec par les troupes de Colborne, rapport Durham, instauration d’un déficit démocratique, etc).

    L’épisode républicain des Patriotes ne fut pas confiné au Bas-Canada (Québec, francophone). Une révolte a eu lieu simultanément au Haut-Canada (Ontario, anglophone), mais celle-ci fut de faible ampleur. Notons au passage que de nombreux Irlandais (anglophones) et d’autres sympathisants, dont des huguenots français, ont combattu aux côtés des populations francophones, surtout pendant les événements de 1837. En 1838, la révolte est républicaine mais limitée à certaines régions du Québec et les combattants sont presque tous francophones.

    Le mouvement souverainiste (indépendantiste) québécois moderne, incarné par le Parti Québécois (PQ), se réclame parfois de la mémoire des Patriotes ; on voit souvent le drapeau Patriote vert-blanc-rouge aux côtés du fleurelysé national, lors de manifestations. Depuis près de 40 ans, ce mouvement marque le retour des idéaux progressistes, libéraux et républicains du parti Patriote. Le PQ se positionne au centre-droite dans l’axe politique et se définit comme social-démocrate.

    Ces nationalisme d’ouverture, libéral et indépendantiste, avait été occulté pendant plus de 150 ans au profit d’un nationalisme de fermeture, porté par des partis au programme plutôt conservateur et généralement autonomiste (Parti Conservateur, défunt ; Union Nationale, défunte ; « duplessisme »). Après une longue intermission, le flambeau conservateur-autonomiste est repris par l’ADQ et marque le retour d’un certain conservatisme dans la société québécoise. La position autonomiste de l’ADQ est l’oeuvre de Jean Allaire, qui a énoncé 22 demandes pour le Québec.

    On est en droit de se demander lequel de ces deux modèles, indépendantiste-libéral ou autonomiste-conservateur, gagnera ce combat à finir pour l’avenir du Québec. Une chose est certaine, le parti Libéral (PLQ, qui fut le parti de Papineau et des Patriotes) n’a plus rien à voir avec son idéologie libérale et « affirmationniste » d’autrefois (voir Claude Ryan et son « Livre beige »), tout enfermé qu’il est dans son soutien inconditionnel du fédéralisme canadien et dans le déni obstiné de toute particularité québécoise. C’est surtout ce parti, qui n’a plus rien à offrir à la nation Québécoise, qui pourrait disparaître.

  • Le 31 mai 2007 à 22:16, par H. Dufort En réponse à : La révolte des Patriotes de 1837-1838 : motivations républicaines et non linguistiques !

    Une petite correction. J’ai écrit : « Le PQ se positionne au centre-droite dans l’axe politique et se définit comme social-démocrate. »

    Mais en fait je voulais écrire : « Le PQ se positionne au centre-GAUCHE dans l’axe politique et se définit comme social-démocrate. »

  • Le 31 mai 2007 à 22:27, par H. Dufort En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    C’est pourtant très simple.

    Souveraineté : avoir sa propre constitution, sa propre cour suprême et sa propre politique internationale (ambassades, ONU), lever ses impôts, faire son budget librement. Tant que nous sommes soumis à la constitution canadienne, nous ne pouvons pas prétendre être souverains.

    Association : partage de compétences dont la monnaie, les forces armées, certains organismes normatifs, la sécurité. Payer pour les services communs à l’aide de financement commun ou de versements d’état à état. Le Canada a tout intérêt à accepter ces partages, advenant la souveraineté du Québec, afin de maintenir un bloc économique et stratégique.

    Puisque l’autorité canadienne fédérale ne s’appliquerait plus au Québec, il n’y aurait pas 3 paliers de gouvernements ! Il y aurait en fait un seul palier (Québécois), plus des organismes et ministères pour la coopération bilatérale. Tout cela est clairement défini et a été documenté. N’allez pas dire que le projet flou... il n’est flou que pour celui qui ne s’est pas renseigné.

  • Le 1er juin 2007 à 12:49, par Ronan En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Je ne veux pas polémiquer ni jouer avec les mots mais les fameux ’’organismes et ministères pour la coopération bilatérale’’, c’est peut-être ça le fameux ’’troisième niveau de gouvernement’’ dont certains ont par ailleurs parlé.

  • Le 2 juin 2007 à 10:47, par H. Dufort En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Tout dépend. Est-ce que tu considère que le « Ministère des affaires étrangères » de France forme un palier de gouvernement à part entière ?

    Un Québec (hypothétiquement) souverain n’étant plus subordonné au gouvernement fédéral canadien, on pourrait à la limite considérer que ces « organismes et ministères pour la coopération bilatérale » forment un second palier de gouvernement (« perpendiculaire » au gouvernement de l’état québécois). Mais certainement pas un troisième ! Et certainement pas un niveau supérieur (puisque nous serions alors dans un modèle républicain plutôt que dans une monarchie constitutionnelle).

    Pour jouer un peu avec les mots, on pourrait à la rigueur qualifier ce ministère de « chambre », dans le cadre d’un régime n-caméral où les pouvoirs sont répartis de manière originale.

    Considérons la France dans l’Union européenne. Combien de niveaux de gouvernement y a-t-il, sur un mode purement constitutionnel ? Actuellement, on pourrait répondre : un et demi (puisqu’il y a les députés et les eurodéputés... mais pas encore de constitution au niveau européen). Or, un Québec souverain (et non seulement autonome) n’enverrait certainement pas de « canado-députés » à Ottawa, alors...

    En passant, je te remercie de l’intérêt que tu portes envers la politique constitutionnelle québécoise. C’est un sujet plutôt pointu !

  • Le 2 juin 2007 à 13:32, par Ronan En réponse à : Le Canada : Voyage au pays d’un fédéralisme en crise.

    Bah, quant à l’Union européenne : il me semble qu’il s’agisse bien là, de facto - Constitution ou pas, d’ailleurs - d’un ’’niveau de gouvernement’’ de plus : avec un ’’chef d’Etat collectif’’ (i. e : le ’’Conseil européen’’, en sa configuration ’’chefs d’Etat et de gouvernement’’), avec un ’’gouvernement’’ qui ne dit effectivement pas son nom (i. e : la Commission européenne), avec un Parlement supranational (représentant le ’’Peuple européen’’) (qui investit la Commission et peut, éventuellement, la censurer) et avec un ’’Sénat’’ représentant les Etats (i. e : le ’’Conseil européen’’, en sa configuration ’’Conseil des Ministres’’) et - surtout - avec un ’’règlement’’ (aujourd’hui, faute de Constitution, ce sont les traités actuellement en vigueur) qui précise bien la répartition des compétences entre le ’’tout’’ et ses différentes ’’parties’’.

    D’ailleurs, l’essentiel dans tout cela (puisque, finalement, on n’est vraiment ’’indépendant’’ et ’’souverain’’ que de façon très relative : dans l’interdépendance mutuelle...) c’est surtout que les différents ’’niveaux de gouvernements’’ (i. e : exerçant des compétences...) soient - surtout - démocratiquement contrôlés.

    Donc, si jamais quelque nouveau Québec ’’souverain’’ et/ou ’’indépendant’’ devait - dans quelque hypothétique futur - exercer quelques ’’compétences partagées’’ avec le ’’RoC’’ (de défense commune, par exemple, comme c’est déjà le cas - avec les USA - à travers l’actuel NORAD...) dans le cadre de je ne sais trop quelle nouvelle architecture bureaucratique (même, effectivement, strictement intergouvernementale...), si j’étais Québécois ou Canadien, je m’inquiéterais sans doute davantage du contrôle démocratique direct (par les citoyens ou par leurs représentants directement élus) de l’exercice concret de ces fameuses compétences gouvernementales que de l’illusoire ’’souveraineté’’ théorique exercée (ou pas, d’ailleurs...) en l’occurrence par des ’’partenaires’’ (Québec, RoC...) tout de même bel et bien associés d’une manière ou d’une autre. Et ce, avec les disciplines et les responsabilités négociées et communément acceptées que cela suggère, implique (et que l’on imagine...).

    Il ne vous étonnera donc pas de savoir que - dans ce même esprit de ’’contrôle démocratique de tous niveaux de gouvernement’’ - les fédéralistes ’’mondialistes’’ oeuvrent également aujourd’hui pour la mise en place - à terme - d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies pouvant enfin contrôler démocratiquement (et de manière plus impartiale que l’Assemblée générale, refuge des souverainetés nationales...) le travail du Conseil de sécurité (aujourd’hui paralysé par le droit de véto des cinq ’’grands’’) et du secrétariat général.

    Nb, petit détail : Dans son architecture institutionnelle actuelle (il est vrai actuellement bien imparfaite...), l’Union européenne comprend aujourd’hui aussi bien des Monarchies que des Républiques : et cela n’influe en rien sur le régime de supranationalité ici partiellement mis en oeuvre... Et certaines de ces républiques et/ou monarchies se dôtent régulièrement - par un simple régime d’alternance politique - de gouvernements européistes ou eurosceptiques (voyez l’Espagne, voyez les Pays-bas, voyez la Suède...) sans qu’il soit franchement possible d’établir un lien rationnel entre ’’forme du régime’’ (monarchie, république...), européisme, euroscepticisme ou accord formel (ou pas) des populations à l’égard de l’idée de supranationalité liée à la construction européenne.

    Bref pour un pays : avoir un régime républicain n’interdit nullement la mise en place et l’acceptation d’un niveau de gouvernement supérieur. Et pour une Monarchie nationale non plus, d’ailleurs (exemples : alors que la Belgique et le Luxembourg mènent des politiques plutôt européistes, le Royaume-Uni et le Danemark - eux - mènent des politiques plutôt eurosceptiques...).

    L’essentiel étant - surtout - que le ’’niveau supérieur de gouvernement’’ en question (et quel qu’il soit) soit effectivement démocratiquement contrôlé. D’où l’intérêt d’un bon ’’réglement interieur’’ (appelons-le ’’Constitution’’ si vous voulez) précisant bien les responsabilités et obligations, droits et devoirs contractés par les uns et les autres. N’est-ce pas là l’essentiel ?!

    Et je comprends fort bien que le Québec veuille aujourd’hui réviser le contrat qui le lie aujourd’hui au reste du Canada actuel. Mais je suis très sceptique quant à toute démarche qui chercherait à imposer une telle ’’modification du contrat’’ de manière complètement unilatérale et sans la négociation préalable de quelque accord ’’positif’’ et ’’consensuel’’ avec les autres provinces du Canada. Pour faire un beau mariage harmonieux, faut être au moins deux, de bonne volonté et de bonne foi. Pour faire un beau divorce réussi (et vraiment profitable aux deux parties...), aussi.

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