La citoyenneté européenne défie les populismes

, par Gilles Le Bail

La citoyenneté européenne défie les populismes
Gilles Le Bail Tous droits réservés

Président du CNAJEP (Comité National des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire), de 2009 à 2011, Gilles Le Bail vient de sortir un livre questionnant les enjeux européens. A cette occasion, il livre une tribune au Taurillon pour défendre la mise en place d’une réelle citoyenneté européenne.

Le Traité de Maastricht institue une citoyenneté de l’Union européenne. « Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre ». Les droits et les devoirs sont garantis par les traités et par la Charte des droits fondamentaux. La citoyenneté repose sur des principes démocratiques et des valeurs comme le pluralisme, le respect de la dignité humaine et la prééminence du Droit. Elle se situe entre une réalité tangible et un idéal à atteindre. C’est un processus historique, par nature toujours inachevé, d’extension des droits à ceux qui n’en ont pas. Penser la citoyenneté revient à réfléchir à l’articulation entre le national et le supranational que symbolise l’Union européenne.

Alors que la revendication identitaire exprimée par les nationalistes et les populistes, de droite et de gauche, progresse en Europe, la notion d’État-nation, construction jadis hermétiquement close, est devenue poreuse. Elle appartient de plus en plus au passé. Dans l’avenir, les Européens ne devront-ils pas faire référence à des valeurs partagées plutôt qu’à un territoire ? Durant les deux derniers siècles, la citoyenneté s’est enracinée en s’incarnant traditionnellement dans la nationalité. Elle s’identifie à une patrie, se reliant au père et au patrimoine. Aujourd’hui, les Européens vivent quotidiennement, et particulièrement les jeunes, l’absurdité des frontières. La monnaie unique banalise le partage de la souveraineté. L’engagement et la construction de projets communs montrent chaque jour les limites des États. Le défi est de trouver un nouvel équilibre tenant compte des personnes et de leurs relations avec leur(s) groupe(s) d’appartenance. Il doit régir une citoyenneté affirmant la primauté du politique sur les appartenances naturelles. Sans cela, il est à craindre que réapparaissent les conflits locaux entre communautés amenant à des affrontements civils et à la violence politique sur fond de questionnements ethniques, sociaux ou religieux.

Le traitement institutionnel de la citoyenneté au niveau européen reflète les réticences des États membres à l’égard d’une plus forte intégration politique. En créant une citoyenneté européenne, les chefs d’État et de Gouvernement ont mobilisé un symbole qui consacre une appartenance politique supranationale. Mais le refus d’empiéter sur les compétences d’attribution de la nationalité impose une citoyenneté de « superposition » peu compréhensible et peu opérationnelle. Dans l’avenir, ne faudra-t-il pas dépasser la nationalité comme critère d’attribution et ne pourrait-elle pas se faire à partir de la durée de résidence dans un État membre par exemple ?

Faute d’avoir fait la promotion des atouts de la construction européenne, les gouvernements sont paralysés par une opinion publique sceptique. Pourtant, bon nombre de citoyens se sentent européens, dans une Union qui n’a ni une réalité géographique, ni réalité historique. Ce sentiment d’appartenance à une communauté de pensée vise l’universel et prétend construire l’avenir autour des Droits de l’Homme, malgré les peurs et le repli sur soi. Parler de citoyenneté européenne, c’est concevoir un patrimoine sans père et une citoyenneté au delà des nationalités et sans frontières. La construction européenne, son approfondissement, le maintien et le renforcement de la paix, passe par l’appropriation de l’Union comme une vraie patrie. Recroquevillés sur des souverainetés et des protectionnismes reposant souvent sur des illusions, les pays membres ne peuvent plus se satisfaire de réduire la personne à un simple consommateur, à un producteur, à un client, à une personne assistée ou même à un objet de décision. Cette mise à distance favorise l’incompréhension et la peur. « L’Homme européen » est aussi un acteur politique. Le projet d’Union doit se construire hors des craintes et des doutes.

L’histoire de la citoyenneté montre la difficulté à faire les liens entre les différentes cultures. En quoi les multiples langues, en quoi la richesse des idées, en quoi les hommes qui ont produit ces idées, contribuent-ils à asseoir une culture qui soit le propre de l’Europe ? Peut-on imaginer que les idées, les langues et les hommes, les arts, les techniques, les sciences se rassemblent dans une culture dont les européens pourraient dire qu’elle est la leur et qui se distinguerait des autres  ? Il faut dépasser l’idée que la cohésion du lien social dans un groupe, une région ou une nation est fatalement proportionnelle à l’incapacité à accueillir la différence et la diversité. Les dirigeants européens sont tous élus sur une base nationale. Ils doivent satisfaire des électorats nationaux alors qu’ils gèrent, en réalité, des politiques et une économie qui sont supranationales. La crise ne se terminera pas au terme d’un ultime montage financier mais lorsqu’une Constitution européenne ajustera les institutions politiques à la réalité politique, économique et identitaire qui façonne la vie quotidienne des Européens.

L’éducation à la citoyenneté et l’émancipation des personnes doivent être la priorité pour poursuivre l’intégration européenne.

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Vos commentaires
  • Le 12 novembre 2012 à 13:31, par froment En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    je partage entièrement ce qui est dans dans cette tribune. Elle mérite une diffusion très large.

  • Le 12 novembre 2012 à 13:53, par gachot En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    je voudrais étendre la conclusion de l’article « L’éducation à la citoyenneté et l’émancipation des personnes doivent être la priorité pour poursuivre l’intégration européenne. » en ajoutant pour poursuivre l’intégration de l’individu à tous les niveaux communautaires : communes, régions, pays, Europe et Monde.

  • Le 12 novembre 2012 à 14:27, par grague En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    la citoyenneté européenne peut nous aider à lutter contre les nationalismes. Moins de souverainté nationale et plus de souveraineté européenne

  • Le 12 novembre 2012 à 14:42, par thierry lajoie En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    Nous élus nationaux devraient faire plus de pédagogie pour valoriser les atouts de l’Union Européenne. Barvo pour cette tribune.

  • Le 13 novembre 2012 à 08:36, par Pierre Dieumegard En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    Il paraît que 2013 sera l’année européenne des citoyens (voir http://ec.europa.eu/citizenship/european-year-of-citizens-2013/index_fr.htm). C’est une bonne idée, mais la présentation qui en est faite sur le site de la Commission Européenne est affligeante : il n’est question que du droit de circuler à travers l’Europe, et de pouvoir faire ses achats dans les divers pays. C’est vraiment une vision réductrice (et mercantile ?) de la citoyenneté. Heureusement, l’article de Gilles Le Bail vole plus haut. Pour qu’il y ait vraiment une Union Européenne démocratique, il reste un gros problème : comment faire exister un débat démocratique entre des peuples qui parlent des langues différentes ? Les Grecs se plaignent des Allemands, les Allemands se plaignent des Grecs, mais ils n’ont pas l’occasion d’en débattre directement. Chaque peuple se replie sur son bon droit... Ce problème politique des langues est occulté par toutes les structures européennes (en dehors de Europe Démocratie Espéranto ?). Que faire ?

  • Le 13 novembre 2012 à 09:01, par magali ghone En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    La citoyenneté est un droit, mais aussi un devoir. Plusieurs conceptions de la citoyenneté en Europe existent, dont la conception républicaine française et la conception anglo-saxonne. Comment faire un mixte ?

  • Le 13 novembre 2012 à 09:12, par manon pierre En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    Organisez vous bientot une conférence ?

  • Le 13 novembre 2012 à 10:16, par Antonin En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    C’est bien mais l’article ne dit pas comment on va faire un euro européen et non un euro allemand. C’est la le principal problème politique qui pousse aux replis nationaux.

  • Le 14 novembre 2012 à 09:28, par Veronique Decornick En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    Je partage la question des langues et des difficultés que cela entraine. Je viens de recevoir le livre de Gilles Le Bail. Il propose que l’élection européenne de 2014 se fasse globalement, c’est une idée pour réunir les peuples au delà de leur diversité

  • Le 16 novembre 2012 à 14:05, par Piédron En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    houlala, cet article, quelle bouillie. On y comprend rien sinon une énumération de poncifs, de la pensée toute faite, éculée, déjà écrite tant de fois. Il n’y a pas d’inspiration, de souffle. Cela est un copier/coller de pensées d’Attali, du verbiage de Rocard, assaisonné de platitudes de Domenach ou de Duhamel (choisissez le prénom qui vous convient. Un simple recyclage de pensées molles. Pas de perspective politique, pas d’ambition et, malgré la prétention, pas d’enthousiasme. Mais qui est Gilles Le Bail ?... réellement...

  • Le 20 novembre 2012 à 12:06, par Piron En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    merci pour cette tribune. Je pense que la citoyenneté européenne existe dans les textes aujourd’hui. La difficulté de sa mise en oeuvre est liée aux réticences des gouvernements et leur peur de perdre du pouvoir et la relation aux citoyens. Les jeunes doivent faire pression pour leur avenir.

  • Le 20 novembre 2012 à 12:11, par agnès despres En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    Bonjour,

    L’Europe s’est construite sur des questions economiques et financières. Je pense qu’il est vital de confirmer la dimension politique de l’Union européenne. Pour cela la citoyenneté est une bonne clé d’entrée. Je reve de pouvoir voter demain au niveau européenn pour choisir le président de la commission européenne. Voter ainsi formaliserait l’appartenance européenne.

  • Le 20 novembre 2012 à 12:14, par philippe david En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    je ne crois pas à la citoyenneté européenne. les marchés sont les plus forts malheureusement. ce n’est que dans le rapport de force que nous pourrons avancer dans une europe politique.

  • Le 20 novembre 2012 à 12:40, par carole epron En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    le debat doit être posé. Les jeunes du mouvement européen doivent le porter. C’est aussi cela qui donne du sens à notre action. Les pierres au débat sont toutes importantes.

  • Le 20 novembre 2012 à 13:12, par vanessa protassief En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    Une tribune qui me fait réfléchir. C’est une question d’actualité. Comment réagissent les jeunes des autres pays de l’Union Européenne ? La citoyenneté leur parait-elle importante ? Comment envisagent-ils le développement de l’Union politique ?

  • Le 23 novembre 2012 à 20:11, par Pierre En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    « L’Europe s’est construite sur des questions economiques et financières. Je pense qu’il est vital de confirmer la dimension politique de l’Union européenne. Pour cela la citoyenneté est une bonne clé d’entrée. Je reve de pouvoir voter demain au niveau européenn pour choisir le président de la commission européenne. Voter ainsi formaliserait l’appartenance européenne. »

    Moi aussi je fais le même rêve. Mais concernant sur une construction basée sur des questions économiques et financières, il ne faut pas oublier par exemple le contexte de la guerre froide qui est plus une question d’idéologie, et le fait que les fondateurs pensaient aussi à concrétiser notre civilisation commune pluri-séculaire.

  • Le 24 novembre 2012 à 17:33, par Bal En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    Je sais pourquoi je suis citoyen français : des institutions fortes comme l’éducation nationale, la sécurité sociale, etc... pour TOUS. Mais la citoyenneté européenne n’existe que sur le papier. Je ne vois concrètement aucune institution aussi forte en Europe, faite pour TOUS. Même Erasmus ne s’adresse en fait qu’à une élite. Il faut aller plus loin : l’éducation pour TOUS en Europe sur des bases communes : pourquoi pas une Année scolaire gratuite, laïque et obligatoire en dehors du pays d’origine pour TOUS les jeunes européens à partir de 16-18 ans ?

  • Le 25 novembre 2012 à 21:41, par Paul En réponse à : La citoyenneté européenne défie les populismes

    @ Bal

    Juste pour dire que les projets du nouveau Erasmus s’adresseront aussi aux personnes souhaitant effectuer des formations professionnels dans un autre Etat-membre, un truc comme ça. En tout cas ils vont élargir les bénéficiaires.

    Mais c’est vrais que cette idée D’Année scolaire gratuite, même si par définition la scolarité publique est gratuite serait une très bonne chose. Après c’est vrai il faudrait financer le voyage et les frais d’activité. Même si des logements chez l’habitant difficiles à mettre en place serait une bonne chose

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