La SPECQUE : Quand les Canadiens simulent le Parlement européen

, par Maxime Staelens , Robin Huguenot-Noël

La SPECQUE : Quand les Canadiens simulent le Parlement européen

Des centaines d’étudiants canadiens ont postulé à l’occasion du recrutement de la Simulation du Parlement européen Canada-Québec-Europe qui aura lieu en août 2011 à Luxembourg. L’occasion de découvrir l’UE telle qu’elle est vue de l’autre côté de l’Atlantique.

Chaque été depuis 1998, une centaine d’étudiants européens et canadiens se retrouvent pour participer à la SPECQUE et simuler une session du Parlement européen. En aout 2011, c’est à Luxembourg que les débats auront lieu. Cette simulation, la plus importante simulation du Parlement européen à se dérouler uniquement en français, est une occasion parfaite pour échanger ses vues sur l’Union européenne et faire découvrir notre Europe aux Canadiens curieux.

« Le passé des pays membres est teinté de pages historiques marquantes. Leur collaboration actuelle a quelque chose qui peut sembler incompréhensible à première vue. » (Myriam Descarreaux, Université Laval)

A ce titre, les raisons qui poussent des étudiants canadiens à prendre part à une simulation du Parlement européen sont nombreuses. Suite au traité de Lisbonne, le Parlement européen a acquis de nouvelles prérogatives. Plus important dans le processus décisionnel, il est désormais le symbole d’une Union européenne toujours plus démocratique. Simuler le Parlement européen permet d’entrer dans l’UE et y découvrir son architecture et ses interrogations. A l’occasion d’entretiens menés lors de la constitution des délégations canadiennes, certains chefs de délégation ont posé la question aux candidats.

Curiosité et ouverture

La première raison, la plus souvent mise en avant, est la curiosité. Vu du Canada, l’Union européenne est « quelque chose de bien mystérieux » selon Myriam Descarreaux, cheffe de délégation de l’Université Laval. Elle met en avant deux éléments pour illustrer son propos. Tout d’abord, la question de la souveraineté. « Les États laissent une part importante de leur souveraineté au profit de cette institution qui évolue très rapidement  », souligne-t-elle. L’Union européenne a absorbé une part sans cesse croissante des fonctions régaliennes traditionnelles.

Après avoir donné des compétences législatives au Parlement européen, cédé le contrôle sur la politique économique et financière avec l’arrivée de l’Euro en 1999, l’Union européenne est désormais dotée d’un service diplomatique indépendant depuis le traité de Lisbonne. Dans l’attente d’une armée et de forces de police européennes ? Cet abandon progressif de souveraineté européenne intrigue vu du Canada, un pays fédéral où la répartition des compétences entre Etat fédéral et provinces est d’une très grande stabilité, la dernière modification constitutionnelle remontant à 1982.

La construction européenne est aussi perçue par moment comme une « aberration » de l’histoire. « Le passé des pays membres est teinté de pages historiques marquantes. Leur collaboration actuelle a quelque chose qui peut sembler incompréhensible à première vue », ajoute Myriam Descarreaux. L’envie de comprendre les objectifs de l’Union permet de surpasser cette première impression.

Les Pères fondateurs de l’Union européenne ont utilisé les pages noires de l’Europe pour dessiner les contours de l’Union européenne. C’est aussi pour comprendre les ressorts historiques de l’UE que les Canadiens désirent se plonger dans une simulation du Parlement européen. Découvrir que l’idéal européen a été nourri par la prise de conscience découlant des horreurs de la première moitié du XXème siècle. Et par la volonté d’éviter leur reproduction.

Cette curiosité est aussi empreinte de fascination. L’Union européenne est vue comme acteur majeur sur la scène mondiale. « Une des plus grandes associations politiques et économiques au monde », pour Marie-Christine Robert de l’université de Sherbrooke, « Une entité unique dont le rôle dans les relations internationales est non-négligeable  », pour Myriam Descarreaux de l’Université Laval : l’UE, malgré ses récentes hésitations institutionnelles, continue de compter aux yeux des étudiants canadiens.

« L’UE est une des plus grandes associations politiques et économiques au monde. » (Marie-Christine Robert, Université de Sherbrooke)

« Je percevais vraiment l’Union européenne comme un idéal illustrant la vison du monde international que je conçois : une disparition des frontières. L’Union européenne représentait pour moi le partage des ressources, l’entraide au-delà des frontières, une grande tolérance vis-à-vis de la différence. Pour moi, l’Union européenne savait mettre à profit sa diversité plutôt que d’en faire un obstacle insurmontable », rajoute Clara Poissant-Lespérance, actuellement Vice-présidente du Comité exécutif de l’association.

Cet idéalisme, globalement partagé par les « Specquois » canadiens, résiste malheureusement difficilement à l’exercice d’immersion. La confrontation aux différentes idéologies, à la réalité des dissensions intracommunautaires et à la structure juridique européenne met un coup d’arrêt à une vision trop rose de l’UE. Suite à sa participation à la simulation, Clara Poissant-Lespérance nous confie que « j’avais tendance à vraiment percevoir l’Union européenne comme un modèle de dialogue et je ne voyais pas de défauts. J‘imaginais l’UE beaucoup moins complexe et plurielle qu’elle ne l’est en réalité, et la SPECQUE m’a réellement donné cet esprit critique. » Les dissensions au sein de l’Union, preuve de la richesse et de la diversité européenne, jouent sur l’image de marque auprès des suiveurs étrangers. Mais la connaissance ainsi acquise leur permet de mieux appréhender la réalité européenne et mieux saisir l’idéal et l’identité européenne.

A la recherche d’idées à importer

« Le système fédéral canadien est toutefois pour le moment beaucoup plus centralisé que celui de l’Union européenne. Ainsi, les provinces canadiennes restent beaucoup plus faibles et s’en remettent beaucoup plus à l’entité fédérale que les Etats de l’Union, ce qui joue grandement dans leur manière d’aborder les défis. » (Clara Poissant-Lespérance, Vice-présidente du Comité exécutif)

« Comparaison n’est pas raison », dit le proverbe. Il n’empêche que la découverte d’une autre culture parlementaire permet d’aller chercher des idées pour améliorer son propre système. Avec ses 375 millions d’électeurs, le Parlement européen est le deuxième plus grand électorat du monde et le plus grand électorat transnational. « Tous les Etats membres, ainsi que les différents intérêts (clivage gauche/droite, écologisme ou encore euroscepticisme) sont représentés. De fait, la représentation des citoyens européens et leur différents intérêts est assurée avec un système électoral proportionnel », nous précise Sébastien Arz, étudiant français et chef de la délégation de l’Université de Montréal. Venir s’interroger sur le fonctionnement du Parlement européen permet donc aux jeunes Canadiens de découvrir le système proportionnel, eux qui ne connaissent que le système majoritaire. Un système majoritaire qui est désormais sous le feu des critiques car « de nombreuses minorités sont sous-représentées au parlement. Dés lors, beaucoup d’électeurs ne se sentent pas écoutés ce qui provoque un certain désintérêt pour la politique au sein de la population », poursuit-il.

La structure fédérale européenne et canadienne est aussi source de comparaison. « Il s’agit de différentes entités plus ou moins autonomes, les provinces canadiennes ou états de l’Union, qui séparent leur autonomie décisionnelle avec une entité centrale », nous avance Clara Poissant-Lespérance. Avant de poursuivre : « Le système fédéral canadien est toutefois pour le moment beaucoup plus centralisé que celui de l’Union européenne. Ainsi, les provinces canadiennes restent beaucoup plus faibles et s’en remettent beaucoup plus à l’entité fédérale que les Etats de l’Union, ce qui joue grandement dans leur manière d’aborder les défis. » Le phénomène de centralisation européenne s’oppose à l’autonomisation progressive demandée par certaines provinces canadiennes. Les deux logiques, bien qu’opposées, témoignent d’un objectif commun : parvenir à trouver l’équilibre entre pouvoir central et provinces afin de s’adapter le plus efficacement possible au monde du XXIème siècle.

La crise de l’UE en pleine mondialisation

« Les réformes structurelles économiques européennes que négocient les autorités européennes ont pour but de rassurer les marchés, ce qui concerne également les préoccupations des Canadiens. » (Sébastien Arz, Université de Montréal)

La conjoncture économique pousse également les Canadiens au chevet de l’Union européenne. Les pressions connues ces derniers mois au sein de la zone euro inquiète outre-Atlantique. Sébastien Arz nous explique que les Canadiens sont également concernés, de manière indirecte : « Dans le cas des problèmes de gouvernance économique dans la zone euro, le Parlement européen aura un rôle important à jouer dans la mise en œuvre des propositions présentées par la Commission européenne pour améliorer les processus de surveillance des politiques budgétaires, macroéconomiques et des réformes structurelles, ces propositions ayant pour but de rassurer les marchés, ce qui concerne également les préoccupations des Canadiens. » Cela est d’autant plus vrai que Canada et Union européenne sont en pleine négociation en vue d’un « Accord Economique Global » , le CETA.

L’Union est toutefois loin d’être vue comme en état de déconfiture économique. L’UE reste aux yeux de la grande majorité des Specquois un acteur économique majeur sur la scène mondiale, dont les problèmes ont des conséquences à l’échelle mondiale. «  L’aspect économique de l’UE est très important, intriguant et puissant », résume bien Myriam Descarreaux à ce sujet…

Vu du Canada, l’Union européenne est un bien drôle d’objet. Une structure fédérale comparable au Canada et ses provinces, des enjeux similaires face à la mondialisation, une place forte économique à l’échelle mondiale et un partenaire commercial de premier plan : voila ce qui pousse les Canadiens à s’impliquer dans une simulation du Parlement européen.

Et une fois la simulation terminée, le besoin d’en savoir plus est plus fort que tout et les pousse à revenir, pour en savoir plus, aller plus loin dans l’analyse et développer leurs connaissances.

Au final, ces jeunes Canadiens en ressortent plus riches grâce au travail accompli et aux Européens avec qui ils ont pu échanger leurs vues. Et, paroles d’Européens, cet enrichissement est réciproque…

Pour plus d’informations sur la SPECQUE : www.specque.org.

Contact : president.ce chez specque.org

Illustration : logo de la SPECQUE

Source : site de la SPECQUE

Vos commentaires
  • Le 28 décembre 2010 à 17:22, par HR En réponse à : La SPECQUE : Quand les Canadiens simulent le Parlement européen

    "Venir s’interroger sur le fonctionnement du Parlement européen permet donc aux jeunes Canadiens de découvrir le système proportionnel, eux qui ne connaissent que le système majoritaire. Un système majoritaire qui est désormais sous le feu des critiques car « de nombreuses minorités sont sous-représentées au parlement. Dés lors, beaucoup d’électeurs ne se sentent pas écoutés ce qui provoque un certain désintérêt pour la politique au sein de la population », poursuit-il"

    Vous comparez l’intérêt des citoyens canadiens et européens pour leurs parlement fédéraux respectifs ?

    Vous êtes sérieux ?

    Les citoyens européens, les Européens en général se désintéressent, pour employer un mot bien senti, totalement de ce qui se passe au Parlement européen. Le dernier Parlement européen a été élu il y a un an et demi, et depuis, les citoyens européens ignorent, à juste titre, ce qu’il fait.

    Si les "jeunes Canadiens" ont pu "découvrir le système proportionnel", avez vous pensé à leur signaler qu’aujourd’hui en Europe, et personnellement je pense que c’est en raison du "système proportionnel", le "désintérêt pour la politique au sein de la population" européenne pour le Parlement européen n’est pas "certain" mais total ?

  • Le 30 décembre 2010 à 03:45, par AC En réponse à : La SPECQUE : Quand les Canadiens simulent le Parlement européen

    Il ne faudrait pas confondre la comparaison des intérêts avec l’intérêt à comparer. Dans le sens de l’article, il est plutôt question de débattre sur les multiples intérêts qui poussent un jeune canadien à découvrir un système politique différent, en l’occurrence le système européen, et à comparer celui-ci avec le sien, le système parlementaire canadien.

    Il n’est pas objet de discussion dans l’exposé de mes collègues de l’intérêt des Européens pour leur propre système politique, mais puisque la question est soulevée, je m’avancerais à dire qu’un projet de simulation parlementaire tel que la SPECQUE compose une partie de la solution au problème. Mieux comprendre son système politique pour un jeune européen est un excellent moyen de lutter contre le cynisme et le désintéressement à mon avis.

    Je suis également d’avis que les jeunes canadiens et les jeunes européens ont de multiples avantages à approfondir leurs connaissances du système politique européen et à partager leurs réflexions à ce sujet. Des initiatives comme la SPECQUE permettront, je l’espère,de raviver l’intérêt pour l’Union européenne des deux côtés de l’Atlantique.

  • Le 19 février 2015 à 10:17, par Nadine hani En réponse à : La SPECQUE : Quand les Canadiens simulent le Parlement européen

    Je suis une fille de saint Anne du caire et je voudrais savoir encore aux raisons de participer à cette initiative C’est cois el parlement europèen des jeunes ? Qu-est-ce qu’ils fesaient ? Pourquoi pensez vous être un Bon représetant de voter pays d’origine Au niveau international ?

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