La Pologne s’affirme comme une place importante de la culture européenne

Le Taurillon : Pensez vous qu’il existe une culture européenne ? Comment la définiriez-vous ?

Pawel Janicki : Il existe bien une culture européenne mais je pense qu’elle est difficile à définir. Il existe deux mouvements parallèles qui peuvent s’y apparenter. Le premier est lié aux institutions européenne ou nationale qui cherchent à rapprocher les artistes. Elles mettent en place des partenariats pour que des projets puissent émerger. Mais cette manière de faire, se révèle à mon sens, souvent infructueuse. Le second dépasse le cadre des frontières de l’Union européenne pour voir des artistes entrer en contact par eux-mêmes, s’intéressant à leurs travaux respectifs.

L.T : De quelles façons les artistes polonais ont-ils influencé la culture européenne ?

PJ : Il y a selon moi, deux phases importantes. La première a commencé lors de l’intégration de la Pologne à l’Union européenne. L’ensemble des citoyens polonais et a fortiori les artistes, ont pu voyager et se déplacer beaucoup plus facilement. Ils ont ainsi pu rencontrer des artistes étrangers et ont eu accès à leur travaux.

Aujourd’hui, la Pologne essaye de s’affirmer comme une place importante de la culture en Europe. Elle désire profiter de sa place centrale au sein de l’Union européenne en étant un véritable pont entre l’Est et l’Ouest, une plateforme sur laquelle des artistes de l’Europe entière viendraient trouver les influences des quatre coins du continent. J’ai déjà été plusieurs fois en Ukraine et en Biélorussie. A l’heure actuelle beaucoup d’artistes d’Europe de l’Est viennent en Pologne car il est plus facile pour eux de rentrer par notre pays que d’aller directement en Europe de l’Ouest. Ils s’installent en Pologne et peuvent ensuite côtoyer d’autres artistes européens.

L.T : Y a-t-il eu des artistes polonais qui ont influencé des artistes européens ?

P.J : De par le passé il y a bien sur eu, Frédéric Chopin. Aujourd’hui il y a aussi de très bons artistes reconnus en Europe comme Dawid Marcinkowski un artiste polonais qui a vécu à Londres. Dans son projet de film interactif, sufferrosa, il mélange ses influences polonaises et anglaises. Inspiré de la nouvelle vague française, il puise dans les différents apports de la culture européenne pour créer son œuvre. Woyciech Bruszewski est aussi un artiste polonais important dans le milieu des médias artistiques.

L.T : Vous êtes à Paris venu présenté votre oeuvre EU_Tracer. Existe-t-il beaucoup de programmes d’échanges d’artistes ?

PJ :Je ne suis sans doute pas la meilleure personne pour parler de ces programmes. J’ai vu des échanges se faire parce que les pays disposaient de fonds et n’ont pas réfléchi à la portée artistique du programme. Ils se sont bornés à réunir des artistes ayant des nationalités différentes.

La politique culturelle européenne fait face à un défi de taille. Elle doit réussir à rendre les échanges plus profonds et ne pas se limiter à des rencontres ponctuelles.

L.T : Quelle est la politique culturelle de l’Union européenne ? Pensez-vous qu’il faille l’améliorer ?

P.J : Avec mon institution « Wro Art Center » nous avons travaillé dans le cadre du programme européen Eureka. Dans les premières années, ce programme fonctionnait bien, mais je ne sais pourquoi il a disparu. A l’heure actuelle, il n’y a plus d’aides. Cet échec témoigne du fonctionnement actuel de la politique culturelle de l’Union.

D’un côté les politiques mettent en avant l’importance d’une culture européenne mais de l’autre les financements ne suivent pas toujours. Nous avons néanmoins de la chance car nous disposons d’un minimum de fonds publics nous permettant de créer, ce qui n’est pas forcément le cas au Japon ou aux États-Unis.

L.T : Quelle est la politique polonaise en matière de culture ?

P.J : En Pologne, le Ministère de la culture dispose de peu de fonds pour financer les artistes et leurs projets. Il est même plus facile pour les artistes polonais de trouver des financements auprès des institutions européennes. Mon institution « Wro Art Center » fait partie d’un réseau européen numérisant des données.

Mais selon moi, le principal problème en Pologne est la politisation de la culture qui limite la création artistique.