La Grèce, cheval de Troie de la chute de l’euro ?

La dégradation de la dette publique de la Grèce menace la cohésion de la zone euro.

, par Laurent Nicolas

La Grèce, cheval de Troie de la chute de l'euro ?

L’annonce par Standard & Poor’s, l’une des principales agences de notation financière, d’abaisser la note attribuée à la dette publique grecque montre à quel point la crise financière menace la cohésion de la zone euro.

Alors que les prévisions de croissance pour 2009 plafonnent à 0,2% d’après la Commission, le poids de la dette grecque a atteint 94% du PIB en 2008 [1] . Malgré les mises en garde du FMI dont le président, Dominique Strauss-Kahn, affirmait que la Grèce ne pouvait pas se permettre un plan de relance [2], le déficit budgétaire continue de se creuser, dépassant les 30 milliards d’euros [3].

La crise complique le financement de la dette grecque

C’est dans ce contexte que l’agence de notation financière Standard & Poor’s a baissé la note attribuée aux bons du trésor grec. Aujourd’hui, lorsque l’Etat grec s’endette en émettant des obligations à 10 ans, il doit payer un taux d’intérêt de 5,78 % , contre 3% pour les obligations allemandes, ou 3,57% pour les bons du trésor français [4] .

Face au coût croissant de l’endettement en Grèce, mais aussi en Espagne ou en Italie, c’est la question de la viabilité de la zone euro qui est posée. Que se passera-t-il si un Etat de l’Eurogroupe est déclaré insolvable et fait faillite ? La France et l’Allemagne s’opposent clairement dans la réponse à apporter à cette situation qui fait désormais partie du domaine de l’envisageable.

L’euro pourra-t-il résister si un Etat fait faillite ?

L’Allemagne, fidèle à elle-même, se refuse à l’idée de devoir payer pour les errements budgétaires de ses voisins et plaide pour une politique nationale de rigueur : le pays en difficulté devra faire les réformes nécessaires pour se remettre à flot.

Dans le cas de la Grèce, cette hypothèse est irréaliste. La situation sociale dans le pays reste extrêmement tendue à la suite des émeutes de décembre dernier, et le gouvernement de Kostas Karamanlis ne dispose pas du capital politique nécessaire pour mener de telles réformes.

La France quant à elle propose de faire jouer la solidarité entre les membres de l’Eurogroupe. Le principe est attrayant mais pas totalement anodin. Parce qu’elle conduirait l’Eurogroupe à se transformer en une sorte de gouvernement économique communautaire, cette proposition va dans le sens de la volonté affichée de Nicolas Sarkozy de succéder à Jean-Claude Junker à la tête de cette structure. Étrange coïncidence.

Mais au delà de ces considérations politiques, la mise en place concrète d’un plan de sauvetage communautaire, dans l’état actuel des traités, est un challenge redoutable.

Sortir du carcan institutionnel

Les solutions de contournement des blocages institutionnels ont pourtant été avancées. À Paris l’on évoque une agence européenne qui serait chargée d’émettre les obligations des Etats de l’Eurogroupe tandis qu’en Italie on propose des « euro-obligations ». Dans les deux cas on se garde bien de rentrer dans le détail. Et pour cause, le traité de Maastricht interdit beaucoup de choses et notamment aux banques centrales de l’Eurogroupe, et a fortiori à la Banque Centrale Européenne, de financer les déficits publics des Etats.

Les Etats de la zone euro doivent se doter d’outils leur permettant d’organiser la solidarité et le développement économique pour répondre aux défis de la mondialisation. Si beaucoup peut être fait par le volontarisme des gouvernements nationaux et des députés européens, des réformes institutionnelles sont urgentes, et l’entente franco-allemande un passage obligé, pour enfin faire le choix de la solidarité et de l’intérêt communautaire.

Illustration

Flickr, Taking Owls to Athens, par dullhunk

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Notes

[1Ces chiffres sont cités par lemonde.fr dans un article du 29.01.09

[2Propos rapportés sur le site des Échos.fr.

[3Ce chiffre est cité par Courrier International, voir l’article en ligne.

Vos commentaires
  • Le 7 février 2009 à 20:26, par Jean-Jo En réponse à : La Grèce, cheval de Troie de la chute de l’euro ?

    Moi ce que j’adore dans ce système c’est le rôle de l’agence de notation. Elle note les banques, les entreprises, les associations, les États, mais qui note Standard&Poor’s ? Personne apparemment, or la crise actuelle est liée au rôle des agences de notation.

    Celles-ci n’avaient pas hésité une seconde à bien noter les « produits financiers toxiques ». Dès que les premières explications sont sorties à propos du mécanisme de retraitement des crédits bancaires en titres cotés, celles-ci ont baissé la note qu’elles attribuaient à ces produits financier, avec l’impact que cela a eu sur les marchés et donc sur les banques qui avaient misées sur ces placements.

    Les banques se retrouvant prises au dépourvu ont le plus souvent obtenu des garanties bancaires de la part de leur États d’origine, mais certains États n’avaient pas une situation financière prospère au moment où la crise est survenue.

    Résultat, les États se mettent en quatre pour garantir la survie des banques, ces mêmes banques leur accordant du crédit en retour. Comme les agences de notation estiment que les États se mettent en danger en garantissant les banques, elles baisse leur note, donc les États sont contraints d’emprunter à des taux plus élevés auprès des mêmes banques qu’ils essaient de sauver... Ce système est débile à souhait.

    Alors j’en reviens à ma remarque du début : qui contrôle les agences de notation ??? Personne. Un des éléments de réponse à la crise, ne serait-il pas la mise en place d’un contrôle européen des agences de notations ? mieux encore, ne pourraient ont imaginer la Cour des comptes de l’Union européenne faire le boulot des agences de notation ?

  • Le 8 février 2009 à 08:07, par Martina Latina En réponse à : La Grèce, cheval de Troie de la chute de l’euro ? ET Une révolution dans les relations sino-européennes ?

    Ces deux articles et leurs titres interrogatifs se télescopent d’une manière violente, mais dynamique. En effet, alors que je songeais ces jours-ci à deux mots familiers dont les racines demeurent aussi profondes que fécondes, VALEUR et SOCIETE, je me suis aperçue qu’ils nous amènent à traiter l’URGENT tout en nous offrant les moyens d’action ESSENTIELS. Car une VALEUR s’estime soit par la solidité d’un objet, soit par la santé (notamment morale !) d’une personne ou d’une SOCIETE. Or l’étymologie définit celle-ci comme un GROUPE EN MARCHE. N’est-il pas temps de susciter et d’entretenir la solidarité entre EUROPEENS pour soutenir dans ses difficultés économiques, entre autres pays, la nation mère de l’EUROPE, La Grèce, puisque l’EURO n’est pas une valeur « refuge », mais la monnaie d’une union appelée à s’harmoniser toujours mieux ? Dans le même temps, ne faut-il pas pratiquer une ouverture concrète et courageuse dans les relations sino-européennes, à la manière récente du Parlement Européen face à la dissidence chinoise ? Une chose est sûre - et la chouette d’ATHENA sur la pièce illustrant l’article de Laurent Nicolas le confirme avec l’éclat de la Grèce éternelle qui sait que tout effort organisé par l’intelligence pour le BIEN COMMUN perce les ténèbres de la nuit, de l’ignorance et du malheur - : EUROPE signifie LE REGARD A LONGUE PORTEE, donc l’action responsable et concertée pour ajuster, à travers nos VALEURS et à l’échelle de la SOCIETE humaine, nos moyens de LIBERTE à la fin, certes lointaine, mais aussi quotidienne, du VIVRE ENSEMBLE !

  • Le 8 février 2009 à 13:35, par Laurent Nicolas En réponse à : La Grèce, cheval de Troie de la chute de l’euro ?

    Le problème des agences de notation est complexe. Leur rôle dans l’aggravation de la crise oblige à discuter leurs statuts, leurs méthodes, leurs critères. Pour ce qui est du statut. Aujourd’hui, les trois agences qui se partagent le marché mondial, sont des entreprises privées. Comme toute entreprise, elles ne travaillent pas par philanthropie et doivent faire des bénéfices.

    Deux manières de voir les choses. En caricaturant, en gros ce qu’on se demande c’est : est-ce qu’elles noteront mal un client qui paye très cher ? Est-ce qu’elles seront indépendantes ? On les a beaucoup accusées, mais on a plus de soupçons que de preuves. Ce qui est déjà trop, étant donné la place centrale de la confiance dans ce métier.

    La vision contraire, celle vers laquelle je penche personnellement, c’est de partir du principe que pour faire des bénéfices, une entreprise doit bien faire son travail, et mieux que ses concurrents, sinon elle perd des parts de marché .Donc a priori les agences de notation devraient tout faire pour retrouver leur crédibilité d’avant la crise, et adopter une position réflexive sur leurs méthodes et leur métier.

    Mais un (petit ou gros) coup de pouce des autorités publiques est évidemment souhaitable pour les forcer à se réformer : gagner en transparence, gagner en compétence aussi (c’est aujourd’hui avéré que les noteurs ne comprenaient même pas certains montages financiers qu’ils étaient censés noter !).

    Les agences ont mal fonctionné, il ne peut y avoir de statu quo. Mais je ne pense pas que rendre ces agences publiques, sous contrôle de l’Union ou du FMI, soit la solution. La question c’est davantage : est-ce que c’est normal que les trois plus grosses agences soient américaines ? Pourquoi ne pas imaginer une agence de notation aux Etats-Unis, une en Europe et une au Japon, là où l’activité financière et boursière est la plus développée ? Cela irait dans le sens des recompositions des bourses (fc. fusion Euronext)

    Pour ce qui est des méthodes, des pratiques, là c’est très technique et je n’y connais rien. Ce qu’on peut raisonnablement souhaiter c’est que ces pratiques soient codifiées et qu’il existe une autorité de contrôle indépendante, composée de représentants du monde de la finance et des autorités financières internationales.

    Nicolas Sarkozy a réaffirmé dans son allocution de jeudi 5/02/09 que les Européens devaient avoir une position commune sur ce sujet des agences de notation. Je crois en effet que le fait que France, Allemagne, Angleterre, Pays-Bas se retrouvent sur un projet commun est fondamental.

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