La France et l’Union européenne doivent assumer leurs responsabilités à l’égard des réfugiés syriens

, par Pierre Henry

La France et l'Union européenne doivent assumer leurs responsabilités à l'égard des réfugiés syriens
Syria independence flag flying over during arotest in Binnish, Idlib - Flickr (Freedom House - CC)

La plus grande crise humanitaire depuis le Rwanda se déroule aujourd’hui en Syrie, mais il semble que l’Europe – qui eut bien d’autres retombées de conflit à gérer depuis près de vingt ans - n’ait pas su en tirer des leçons et reste dans l’incapacité de mener des actions à la hauteur du drame humanitaire qui se déroule à ses portes.

Près d’un Syrien sur quatre est un déraciné. Sur les 22 millions d’habitants que compte la Syrie, plus de 2 millions, dont 50% d’enfants, ont passé les frontières et 5 millions se sont déplacés à l’intérieur du pays pour échapper à la guerre. Chaque jour qui passe rend ces chiffres caducs : entre 3.000 et 5.000 personnes franchissent quotidiennement les frontières pour sauver leur famille. Tout le monde sait où ils vont chercher un abri : à 97 % dans les pays limitrophes.

C’est ainsi qu’au Liban, premier pays d’accueil (avec 1.300.000 personnes), 1 habitant sur 4 est, selon le HCR, un réfugié syrien. Avec l’afflux d’exilés, la Jordanie a vu sa population augmenter de 11%. L’Irak, la Turquie et l’Égypte sont les autres grands pays à tendre la main, et tous assument la lourde charge qui leur incombe. Elle pèse sur leurs ressources, leurs services, leurs infrastructures, en bref, sur leurs économies souvent fragiles.

Quelle est la réponse de l’Europe face à cette catastrophe humanitaire ? Elle est d’abord financière : l’Union européenne se montre très généreuse en matière d’aide, mais se placer comme le plus grand donateur du monde ne suffit pas.

Le nombre de réfugiés syriens accueillis en Europe reste marginal. Depuis le début du conflit, seuls 47.000 Syriens ont demandé l’asile dans l’ensemble de l’Union européenne. Les demandes ont été déposées essentiellement en Allemagne (12.800) et en Suède (7.920) en 2012. Avec 650 demandes déposées sur la même période, la France fait pâle figure. Si les chiffres croissent en 2013 (avec 700 demandes sur les sept premiers mois en France), ils ne sont pas à la hauteur de ce que l’on pourrait attendre d’une superpuissance regroupant 27 démocraties. Comment alors faire preuve de solidarité ?

Tout d’abord en facilitant l’accès au territoire européen - et à sa protection – c’est-à-dire en simplifiant les procédures d’attribution de visas aux Syriens en danger. Si les ambassades des États membres sont fermées en Syrie, il faut donner aux autorités consulaires des pays voisins la capacité de délivrer davantage de visas, au titre de l’asile mais aussi du regroupement familial, de court ou de long séjour.

Multiplier ces possibilités d’accès à notre territoire passe également par la suppression du visa de transit aéroportuaire. La France, craignant « les afflux massifs de migrants clandestins », comme dix autres pays (l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie, les Pays Bas, l’Espagne, la Suisse et le Royaume Uni) ne doit pas laisser aux réfugiés syriens que le seul chemin de l’illégalité. Il est coûteux, dramatiquement dangereux et souvent sans issue, à cause des contrôles renforcés aux frontières, notamment entre la Grèce et la Turquie. Déjà, les retours vers la Syrie en guerre ont été suspendus (formellement ou non) par tous les États membres. C’est bien le moins que l’Europe puisse faire !

La demande d’asile représente cependant une part infime de la demande de protection. D’autres outils existent : c’est le cas de la directive européenne adoptée en 2001, dans le sillage du conflit au Kosovo. Le régime de protection temporaire offert à ceux qui fuyaient la guerre a bénéficié à des dizaines de milliers de réfugiés accueillis par l’ensemble des Européens. Mais aujourd’hui que le temps presse, les États membres tergiversent au prétexte de motifs aussi nombreux qu’improbables et préfèrent une nouvelle fois jouer les autruches plutôt que d’appliquer une directive pourtant appropriée.

Quant à l’appel lancé par le HCR pour que les États accueillent au moins 12.000 personnes les plus vulnérables de la région (10.000 au titre de l’admission humanitaire - une admission temporaire - et 2.000 par réinstallation - c’est-à-dire le transfert d’un réfugié d’un premier pays d’asile vers un autre pays d’asile) rares sont les États membres à avoir répondu « présent ». L’Allemagne et l’Autriche se sont les premiers portés volontaires pour accueillir respectivement 5.000 et 500 réfugiés syriens. Nous attendons avec impatience une réponse adaptée de la part des autres européens, notamment de la France qui sait se montrer réactive quand surgit l’hypothèse d’un déploiement de force. Notre ministre des Affaires étrangères s’est récemment déclaré favorable à un accueil plus large des familles, mais la valse-hésitation continue avec l’Elysée. Il est temps que l’arbitrage soit rendu.

La France et l’Europe doivent agir en responsabilité en participant notamment au plan présenté par le HCR malgré le climat xénophobe et les difficultés économiques que connaît notre espace commun. Il en va de notre honneur d’Européens et de notre responsabilité morale de partager le fardeau d’une crise humanitaire qui ne nous est ni lointaine, ni étrangère. Espérons qu’une Union crée au nom de la paix sache se montrer plus solidaire. Il y a urgence.

Vos commentaires
  • Le 9 octobre 2013 à 14:01, par ApprentissageVie En réponse à : La France et l’Union européenne doivent assumer leurs responsabilités à l’égard des réfugiés syriens

    @ l’auteur : j’aimerais savoir, si la construction européenne est porteuse de paix, pourquoi nous faisons partie de l’OTAN, alors même qu’il est prouvé que les États-Unis sont des bellicistes forcenés ? Installation de dictateurs (Iran, Guatemala, Brésil), guerres du Vietnam et d’Afghanistan et création d’Al Qaida en pleine guerre froide (Hillary Clinton l’a reconnu) ; guerre du Golfe ; guerre contre la Terreur (Afghanistan, Irak, Libye). Et ce n’est qu’un compte non exhaustif, bien entendu, il y aurait tant à dire.

    Dans ce cas, n’est-ce pas pas hypocrite de se prétendre pour la paix ? Car les jihadistes qui menacent la paix en Syrie ont été créés par les Américains. Nos « alliés » ont créé la situation où nous sommes. Et aucun responsable européen ne dénonce les articles précis des traités qui placent la défense européenne sous la responsabilité de l’Otan, créature des États-Unis. Dès lors, dès qu’on est pour l’Union Européenne, qu’on est fédéraliste, on est pour la guerre, la domination du monde, l’anglicisation rampante de ce monde, bref les États-Unis.

    Vous devriez donc vous réjouir de la réussite américano-européenne à déstabiliser le monde, ou alors vous devriez demander la sortie de l’OTAN. Je rappelle au passage que la France a refusé de participer à la guerre d’Irak alors qu’elle n’était pas dans l’OTAN et qu’elle a participé aux guerres de Libye, de Mali et de Syrie alors même qu’elle y est depuis.

    Je repose ma question : si l’Union Européenne est pour la paix, pourquoi sommes-nous dans l’OTAN ?

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