L’interview de Valentin Chaput : “My European Dream”

, par Pauline Armandet

L'interview de Valentin Chaput : “My European Dream”
My european dream http://myeuropeandream.eu/

Au Café de l’Europe a interviewé Valentin Chaput, récemment diplômé de Sciences Po Paris, qui est à l’origine d’un projet très original : “My European Dream”. Parti dans plusieurs pays d’Europe, il en revient avec un reportage inédit, nous faisant vivre les richesses et la diversité de notre continent.

Quand a débuté ton projet et pourquoi ?

J’avais depuis longtemps – probablement depuis le rejet du TCE en 2005 – l’idée de réaliser un projet autour de l’identité européenne. Il s’est précisé progressivement. Même si j’ai tout appris des institutions européennes au cours de mes études, je connaissais très mal les 27 et leur diversité. Comme beaucoup de jeunes, j’avais très envie de faire un beau voyage pour marquer la fin de mes études et naturellement l’idée d’un tour d’Europe est revenue. J’ai cherché le meilleur moyen de faire partager mon expérience. Le choix s’est porté sur des interviews video de jeunes rencontrés à chaque étape du voyage, publiées sur un site et relayées par les réseaux sociaux.

Est-ce un projet individuel ou collectif ?

Les deux ! J’ai conçu le projet seul et j’étais seul à faire l’ensemble du tour d’Europe. Mais j’ai interrogé 100 jeunes en trois mois et reçu l’aide inestimable d’une cinquantaine d’autres personnes, qui m’étaient pour la plupart inconnues au départ et qui m’ont hébergé ou mis en contact sur place. Sans eux, le projet n’aurait pas pu aboutir. Je profite de cette interview pour remercier une nouvelle fois Jean-Baptiste, qui est étudiant à Sciences Po Strasbourg et qui m’a fait découvrir Nicosie, la fascinante capitale chypriote !

Quels étaient ses objectifs principaux ?

Il y avait deux principaux objectifs : partager ma découverte du patrimoine européen et montrer que notre génération croit en l’Europe malgré sa crise actuelle. Les deux sont liés car, selon moi, c’est la méconnaissance de nos voisins qui bloque le projet européen.

Comment ton projet a-t-il été financé ?

J’ai tout d’abord fait en sorte de réduire au maximum le coût du projet en achetant des pass Interrail pour le train et en faisant du couchsurfing aussi souvent que possible. Le budget final s’est élevé à 7500€ pour les trois mois de voyage, dont 1500€ de matériel qui m’a été prêté. Sciences Po Paris et le CROUS ont participé au financement. J’ai contracté un prêt étudiant pour payer le reste.

Pourquoi l’avoir appelé ” my European Dream ” ? Quel est ton rêve européen ?

Le nom du projet part d’une référence au titre du livre de Jeremy Rifkin, The European Dream : How Europe’s Vision of the Future is Quietly Eclipsing the American Dream. On connaît les points forts et les excès de l’American way of life et de la doctrine américaine en matière de relations internationales. Les Européens partagent, parfois inconsciemment, d’autres valeurs et un autre mode de vie, fondé sur des principes philosophiques et politiques humanistes. On peut donc parler d’un “rêve européen”.

Le deuxième sens du nom du projet fait écho à ma propre conception de la construction européenne : un rêve de paix, de prospérité et d’épanouissement partagé entre des individus dont les ancêtres se sont entretués pendant des siècles. Aujourd’hui, nous considérons la paix et la démocratie en Europe comme des acquis -même si la situation hongroise nous rappelle que rien n’est jamais acquis en ce domaine. Il faut donc donner un nouveau sens, un nouveau rêve, à l’intégration européenne.

Enfin, le troisième sens est plus transparent : je rêvais de réaliser ce tour d’Europe !

Dans l’introduction de ton projet, tu évoques la ”distance croissante entre les citoyens de l’Union et le rêve européen”, c’est-à-dire ?

L’Union européenne reste pour la majorité de nos concitoyens un ensemble d’institutions très complexe et trop méconnu. L’Europe politique doit prouver son utilité pour que les Européens continuent d’adhérer à son développement. Aujourd’hui, l’attitude générale – qui varie légèrement selon les États-membres – est au mieux une indifférence face à une structure trop lointaine et au pire un scepticisme qui nourrit un dangereux sentiment de repli national. Bref, le projet européen fait moins rêver qu’avant.

Pourtant, je veux rester optimiste : il y a actuellement un besoin évident d’Europe pour mieux coordonner nos politiques économiques, sociales et diplomatiques et beaucoup de citoyens européens, notamment parmi les jeunes, attendent plus d’Europe.

De plus, tu regrettes que ”l’ Union européenne affronte aujourd’hui un scepticisme renouvelé” : selon-toi, quelles solutions euro progressistes sont envisageables pour y remédier ?

Je pense qu’il y a trois aspects complémentaires qui peuvent converger vers un renforcement du sentiment d’appartenance à l’Union : la recherche de l’efficacité et de la solidarité dans la lutte contre la crise, la poursuite de la démocratisation des institutions et l’ouverture des échanges culturels au plus grand nombre.

Je ne m’attarde pas sur le premier point, qui a été largement traité ces derniers mois : la mutualisation d’une partie de la dette de la zone euro via l’émission d’eurobonds, l’instauration d’un impôt européen voté par le Parlement européen et la création d’un gouvernement économique de la zone euro iraient par exemple dans le sens d’une intégration adaptée aux enjeux actuels.

En parallèle, l’Europe doit repenser ses institutions pour instaurer un rapport plus direct avec les citoyens de l’Union. Là encore, les pistes sont nombreuses : élection au suffrage universel direct d’un Président de l’UE, renforcement des pouvoir du Parlement européen, élaboration coordonnée et simultanée de certaines lois dans plusieurs pays etc.

Enfin le dernier point est la concrétisation du succès de tous les programmes comme Erasmus, Socrates ou Leonardo da Vinci. Il faut étendre à tous les perspectives de mobilité qui sont aujourd’hui réservées à une élite économique et/ou culturelle. Ces programmes sont les vecteurs de l’identité européenne. Sans elle, on ne convaincra pas les citoyens de la nécessité d’être solidaires avec la Grèce ou de voter pour les mêmes représentants que les Lettons.

Ton documentaire va bientôt être diffusé à Sciences Po Paris. * Comment s’est passé sa réalisation ?

Le documentaire est basé sur les 100 entretiens réalisés dans toutes les capitales de l’Union. Trois mois ont été nécessaires pour sélectionner les meilleurs extraits, les traduire en français ou anglais selon la langue d’origine et créer quelques animations pour les transitions.

* Pourquoi avoir voulu interroger les jeunes européens ?

Parce qu’on leur donne trop peu la parole sur les questions européennes ! Autre raison évidente, il était plus facile pour moi de rencontrer des jeunes de tous les pays que des personnes plus âgées ou des experts reconnus.

* En ressors-tu personnellement/ culturellement enrichi ?

Bien sûr ! Sur le plan personnel, je suis très heureux d’avoir pu fédérer ce réseau d’amitiés paneuropéen. Sur le plan culturel, j’ai découvert la richesse et la diversité du patrimoine européen. Enfin, sur le plan politique, j’ai réussi à sortir d’une vision franco-française de la construction européenne. Je souhaite à chacun de saisir la chance que nos aînés n’ont pas eue et de rendre visite à quelques-uns de nos voisins grâce à un pass Interrail !

* Le documentaire : l’étape finale ou la continuité du projet ?

Mon projet est fini, mais l’Europe a toujours besoin de nous, donc il y aura peut-être une continuité à travers des rencontres ou le soutien à d’autres projets !

Pour voir un extrait du film en avant-première, c’est ici.

 L’interview fut originellement publiée sur le site Au café de l’Europe.

 Parcourez le site My european dream

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