Plusieurs sites d’informations l’affirment sans embage : l’Union méditerranéenne est morte. Cette annonce serait la traduction la plus visible des mauvaises relations actuelles du couple-franco-allemand. Serait-ce la seule cause ?
Pourtant annoncé en fanfare au moment de l’élection de Nicolas Sarkozy, le projet de réunir au sein d’une Union les pays des rives de la Méditerranée est aujourd’hui au point mort, passant de « l’Union méditerranéenne » à « l’Union pour la Méditerranée ».
L’Union méditerranéenne « made in Sarkozy » n’existe plus
Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’État aux Affaires européennes, a indiqué qu’il y avait eu pour dénommer le projet « un glissement sémantique qui n’est pas neutre » : il s’agirait désormais d’une « Union pour la Méditerranée ». Elle s’appuierait maintenant sur le processus de Barcelone qu’elle avait pourtant prétendu remplacer.
Le modèle pour l’Union pour la Méditerranée deviendrait le Conseil des États de la mer Baltique [1] qui permet d’améliorer la coopération régionale sur des projets pratiques. Du reste Jean-Pierre Jouyet a estimé qu’il fallait, au sein de l’Union pour la Méditerranée, « se concentrer sur trois à cinq projets, pas plus », comme les transports ou l’énergie.
Il s’agit ici d’un net recul de la diplomatie française et d’un changement de ligne directrice qui s’apparenterait à un changement d’influence auprès de Nicolas Sarkozy. Ainsi Henri Guaino, fortement critiqué ces derniers temps, perdrait l’oreille du Président français au profit des plus européens et moins souverainistes Jean-Pierre Jouyet et Alain Lamassoure.
La France ne peut pas se passer de ses partenaires européens
Il faut dire que les critiques ont été vives du côté des pays « exclus » de la feu Union méditerranéenne, notamment l’Allemagne. Angela Merkel n’a pas apprécié de voir se créer une organisation qui craignaient une superposition des mécanismes de coopération existant déjà avec le processus de Barcelone et une coopération à deux vitesses, impliquant seulement certains États de l’UE dans certains cas et l’UE dans son ensemble dans d’autres cas.
De plus, même à l’extérieur des frontières européennes, les possibles partenaires de cette Union ne voyaient pas forcément d’un bon œil les nouvelles relations multilatérales qu’elles avaient réussi à construire... de manière bilatérales.
La construction du projet sans implication de l’ensemble des partenaires de la France avait suscité le scepticisme chez les observateurs. Cela aura donc été sa faiblesse principale.
Comment casser la relation Nord / Sud actuelle ?
Malgré les critiques citées plus haut, le projet sarkozyste avait au moins permis d’engager le débat pour savoir comment sortir de la relation actuelle entre pays du Nord - en Europe - et pays du Sud (notamment africain). La relation post-coloniale qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui ne permet pas les échanges nécessaires pour permettre un meilleur développement des pays du Sud. La nécessité d’établir de nouvelles relations reste.
Le contexte actuel voit les pays africains du nord de l’Afrique connaître une forte explosion démographique et l’Europe avoir besoin des débouchés économiques (sans parler des besoins énergétiques nouveaux à trouver). Il est important que cesse la vision paternaliste par exemple du côté français.
L’échec du projet d’Union méditerranéenne démontre aussi à quel point les pays européens ne peuvent traiter les questions internationales sans l’appui de leurs partenaires européens. Dans le même temps, l’agrégation des diplomaties européennes ne rend pas plus intelligible l’Union européenne.
La nécessité d’une Europe politique
L’un des projets phares qui devaient accompagner la présidence française du Conseil de l’Union européenne est donc mis de côté. Après l’indivision européenne sur le dossier de l’indépendance du Kosovo, une nouvelle guerre diplomatique montre la faiblesse actuelle de la construction communautaire.
Mais peut-il en être autrement dans une Europe marquée du sceau de la diplomatie ? Il faut que l’Union fasse un basculement du rapport de force en direction des citoyens et donc du Parlement européen, leur représentant. En cela, la ratification par les 27 États membres du traité de Lisbonne et les élections européennes de 2009 ont un grand rôle à jouer.
Nous ne pouvons nous satisfaire des relations actuelles entre l’Union européenne et les autres pays riverains de la mer Méditerranée. Le projet d’Union méditerranéenne portait des faiblesses, notamment dans sa concertation avec tous les partenaires européens de la France. C’est à l’Union européenne de porter l’établissement de nouvelles relations avec les pays du Sud.
1. Le 28 février 2008 à 14:19, par Vincent Guerre (Jeunes Européens-Isère) En réponse à : L’échec du projet d’Union méditerranéenne ?
Le seul intérêt de l’Union méditerranéenne était à mon avis de préciser un peu plus clairement le fameux « partenariat privilégié » qui pourrait être proposé à la Turquie en cas de refus de son adhésion à l’UE. Malheureusement, l’Union méditerranéenne est tout aussi vide de contenu que le partenariat privilégié, et elle crée en plus une coupure dangereuse entre le Nord et le Sud de l’UE.
2. Le 28 février 2008 à 18:45, par Ronan En réponse à : L’échec du projet d’Union méditerranéenne ?
Exit - adieu, donc - projet ’’euro-méditerranéo-sarkozien’’ : projet (mal) ficelé, projet nébuleux dont les contours seront - du début à la fin - finalement restés bien flous, projet mort-né, projet annoncé en dépit du bon sens (puisque sans la moindre concertation préalable avec nos partenaires...).
Et projet finalement destiné à redevenir l’une des facettes du « Processus de Barcelone » et de la « Politique de voisinage de l’Union ». Regardez bien, nous ne disions finalement pas autre chose dans l’article que voilà (et dans le ’’forum’’ qui lui est annexé...).
3. Le 28 février 2008 à 20:46, par dhalber DD En réponse à : L’échec du projet d’Union méditerranéenne ?
L’échec était programmé pour ce projet qui n’arrive pas à avoir de sens pour l’Europe. On a beau chercher, on ne voit guère de points communs entre les pays du nord et ceux du sud de cette Méditerranée qui autrefois fut le coeur du monde romain. Vouloir refaire l’histoire aux forceps n’aboutit pas toujours... Mussolini non plus ne réussit pas son rêve de faire revivre l’empire romain autour de sa personne... Ah, ces rêveurs qui veulent ressusciter les mondes disparus !
4. Le 23 mars 2008 à 17:06, par Ronan En réponse à : L’échec du projet d’Union méditerranéenne ?
A lire (variation sur le même thème) : l’éditorial de Philippe Val (in « Charlie Hebdo » n°820, page 3) du 5 mars 2008 : « Sarkozy veut noyer l’Europe dans la Méditerranée ».
Idées générales :
– 1- Le projet sarkozien d’Union euro-méditerranéenne est une idée d’Henri Guaino, "gaullo-chevénemento-souverainiste" issu de la « Fondation Marc Bloch » : fondation réunissant dans une commune détestation de la construction européenne la mouvance formée de tous ceux qui - des communistes nationalistes aux néo-maurrassiens de la Nouvelle Droite - sont profondément hostiles à la construction européenne.
– 2- Derrière ce projet aux contours fumeux, il s’agirait surtout là d’une ébauche de "revanche" politique et économiques pour néo-nationalistes nostalgiques d’une France impériale renouant des liens de dépendance privilégiés avec ses anciennes colonies d’Afrique du Nord et autres zones d’influence du Proche-Orient.
– 3- En effet, sous les dehors d’une idée de bon sens et généreuse (i. e : institutionnaliser un partenariat avec les pays riverains de la Méditerranée...) il s’agit principalement là d’organiser le busisness français (militaire et nucléaire, notamment...) avec tous les pays de la région, même lorsqu’il s’agit des pires dictatures (comme la Libye du colonel Kadhafi).
– 4- On peut y voir une contradiction avec la politique communautaire européenne qui - jusque là - conditionnait précisément ses relations politico-commerciales aux efforts de ses partenaires "méditerranéens" en seuls termes de démocratie et de droits de l’homme.
– 5- Voilà donc une initiative française qui met la France en porte à faux avec l’ensemble de ses partenaires européens (Allemagne en tout particulier), soucieux de maintenir envers et contre tout le discours officiel sur les exigences démocratiques de l’UE. Or, sans une alliance sans faille de la France et de l’Allemagne, on peut dire que l’Europe est foutue. Et - comme par hasard - on constate que le sommet franco-allemand du 3 mars dernier a été annullé (ce qui - nous dit l’éditorialiste - n’est jamais arrivé depuis les années soixante).
– 6- De là à voir dans ce projet "euroméditerranéen" une dérive solitaire française et le marqueur d’une rupture avec la construction européenne, de là à imaginer que les anti-européens notoires aujourd’hui proches du pouvoir français voient dans ce projet "euroméditeranéen", précisément, un moyen efficace de casser une bonne fois pour toutes le moteur franco-allemand et d’assassiner l’UE devenue gênante pour l’entreprise « France-Sarkozy », il n’y a qu’un pas...
Nb : L’auteur précise que la future "réunion fondatrice" de l’Union euroméditerranéenne est censée se dérouler à Paris, les 13 et 14 juillet prochains, jour de fête nationale... (et de persifler qu’ ’’Il n’y a que Guaino pour avoir une idée comme ça’’...). Et de préciser - "pour ceux qui ne seraient pas convaincus" - que l’Allemagne n’y est pas invitée...
5. Le 15 juillet 2008 à 11:12, par vision2000 En réponse à : L’échec du projet d’Union méditerranéenne ?
j’ai l’impression que vous parliez du sud comme s’il n’ y a que les nordiste(vous avez fais allusion au romain) qui puisse l’épanouir mais ces habitant en font tout pour le contraire. Il ne faut pas oublier que la dernière civilisation était passée par là jusqu’au péninsule ibérique où ces habitants (du sud) ont pu ouvrir la région à toute les cultures et relancer l’art, l’architecture,les mathématiques, la médecine, la sociologie, la philosophie,... alors que l’Europe sombrait dans l’ignorance. C’est sûre qu’aujourd’hui nous nous sommes plus là, la colonisation a une main dans cette affaire, mais cela ne veux pas dire que c’est un peuple de bras cassés mais qui sont capable de revenir de loin (parce qu’ils sont tombés très bas à cause de l’industrialisation de l’Europe). désolé pour mon Français et mon orthographe.
6. Le 15 juillet 2008 à 11:32, par Fabien Cazenave En réponse à : L’échec du projet d’Union méditerranéenne ?
Vision2000, pas de problème pour votre français ! Merci de vous exprimer malgré la « barrière » de la langue...
Vous avez raison de signaler à quel point le « sud » de la méditerranée a été un apport à la civilisation européenne. L’apport dans les domaines comme la philosophie, les mathématiques ou l’astronomie (et encore plein d’autres domaines) a été fondamental par exemple avec les Musulmans (bien sûr, cela dépend des époques et des personnalités). Même Saint Augustin, né en Algérie, a été un des fondateurs de la pensée chrétienne.
L’inverse aussi a été vrai avec l’apport de la philosophie grecque chez les Musulmans. Les échanges ne se font jamais dans un sens unilatéral.
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