Immigration

L’Union européenne et les enjeux migratoires (I)

L’Europe, un continent d’immigration malgré lui

, par Catherine Wihtol de Wenden

L'Union européenne et les enjeux migratoires (I)

Depuis plus de dix ans, les images télévisuelles donnent à voir des clandestins venus d’Albanie, du Moyen Orient, de Chine, d’Afrique sub-saharienne débarquant sur les côtes d’Europe du sud ou entassés dans des containers avec pour destination un pays européen. Au cours de ces dernières années, l’Europe, qui peine à contrôler ses frontières et tente d associer à cette tâche ses voisins du sud, est devenue l’une des plus grandes régions d’immigration du monde. Mais elle tarde à se reconnaître comme telle car elle a longtemps considéré l’immigration comme un phénomène provisoire, et qu’elle a ensuite donné la priorité à la sécurité sur les besoins de main d’œuvre et d’inclusion sociale sans prendre en compte le vieillissement de sa population.

Des années 70 aux années 90

L’Union européenne est la seule grande région d’immigration du monde où l’immigration de travail est fermée depuis plus de trente ans. Entre 1973 et 1974, les pays européens d’alors décident de fermer leurs frontières aux travailleurs salariés dans un contexte de hausse des prix pétroliers, de chômage et de poussées de racisme, le Royaume Uni les ayant précédés dès 1962. On pensait alors que c’était la fin de l’immigration, le temps du retour au pays des immigrés, de la substitution de la main d’œuvre nationale aux travailleurs étrangers. Seuls les immigrés qui avaient un espoir dans l’évolution de leur pays après les dictatures, comme les Espagnols et les Portugais sont retournés chez eux, les autres faisant au contraire venir leurs familles par crainte de ne plus pouvoir revenir après leur retour au pays.

On anticipe alors sur la mobilité interne des Européens comme alternative à la migration : c’est l’esprit des accords de Schengen de 1985, qui suppriment les frontières intérieures de l’Union pour les Européens alors qu’ils renforcent les frontières extérieures pour l’entrée des non communautaires par un système commun de visas.

Mais la mobilité interne va se révéler plus faible que prévu, alors que la pression sur les frontières externes se poursuit malgré la crise car des pénuries de main d’œuvre se perpétuent dans les secteurs peu attractifs avec des niches d’emploi pour les clandestins. A partir des années 1980 en France et 1990 dans les pays voisins, le phénomène des « secondes générations » se profile dans les périphéries urbaines avec des poches d’exclusion et la montée de l’islam. On compte aujourd’hui environ douze millions de musulmans en Europe sur quelques vingt millions d’étrangers, presque tous « importés » par l’immigration dont plus de cinq millions en France, pays où ils sont les plus nombreux. Europe.

Les années 1990 voient affluer de nouveaux profils de migrants car l’immigration se diversifie, notamment avec les demandeurs d’asile (438 000 en Allemagne pendant la seule années 1992, pic des arrivées de réfugiés potentiels) du fait de la multiplication des crises dans le monde avec des victimes qui ont des liens avec tel ou tel pays européen : crise yougoslave, question kurde, crise des grands lacs en Afrique, au Sri Lanka et en Haïti, en Afghanistan, au Proche et Moyen Orient, Tchétchénie. 500 000 demandeurs d’asile frappent chaque année aux portes de l’Europe pendant la décennie, soit le double de la demande vers les Etats-Unis et le Canada, pour se réduire aujourd’hui à 240 000 en 2005 dans l’Europe des vingt cinq contre 380 000 en 2004 pour l’Europe des quinze. 80% d’ente eux sont déboutés, alimentant le flux des sans papiers. Outre le regroupement familial, qui constitue la moitié des entrées légales annuelles, arrivent aussi des étudiants, des femmes et des enfants isolés, des élites qualifiées, des migrations ethniques venues à la faveur de la chute du mur de Berlin (deux millions d’Aussiedler en Allemagne).

L’européanisation de la politique d’immigration

La politique d’immigration et d’asile s’européanise avec les accords de Dublin sur l’asile de 1990 (complétée par Dublin II en 2003), de Maastricht en 1992 (définition, à l’article 8, de la citoyenneté européenne introduisant une nouvelle distinction entre Européens et non Européens), d’Amsterdam en 1997 (communautarisation du processus de décision ) et de Nice en 2000. D’anciens pays de départ deviennent des pays d’accueil comme dans l’Europe du sud, adoptant à la hâte des politiques d’immigration et de régularisation des illégaux avec la mise en œuvre « à la carte » des traités européens selon un calendrier négocié. A Bruxelles, le dispositif de contrôle des frontières se durcit, sous la pression d’une vague sécuritaire dictée par l’opinion publique des Etats d’accueil et l’influence de l’extrême droite et d’attentats terroristes aggravés par l’impact du 11 septembre 2001.

Dans la mouvance des ministres de l’Intérieur des pays européens, les sommets de Séville (2002), de Thessalonique (2003), de La Haye (2004) tendent à réduire la question de l’immigration au contrôle des frontières et à la lutte contre l’immigration clandestine. L’ « acquis communautaire », c’est à dire l’ensemble du dispositif européen de contrôle est imposé aux dix nouveaux entrants en mai 2004. L’Europe de la sécurité se construit plus rapidement que l’Europe de la mobilité grâce à l’échange des informations sur le franchissement illégal des frontières : SIS (système d’information Schengen, SIVE (système intégré de vigilance externe), Eurodac ( contrôle biométrique des demandeurs d’asile), Frontex (système solidaire de contrôle des frontières).

On compte plus de morts à Gibraltar (3000 entre 1997 et 2001) que le 11 septembre 2001 et de 1992 à 2002 5000 personnes auraient trouvé la mort en méditerranée, des chiffres sous estimés. Des pays garde frontières aux portes de l’Europe doivent signer des accords de réadmission des clandestins en échange d’assistance pour le contrôle de leurs propres frontières et d’aide au développement. Des camps sont mis en place pour assurer le « containment » sur la rive sud de la méditerranée. Le coût diplomatique et économique d’une telle politique pèse dans les relations de l’Europe avec le sud : les migrations sont le thème central du 13ème sommet des chefs d’Etat d’Afrique et de France à Bamako en décembre 2005 et de la conférence eurafricaine de Rabat de Juillet 2006.

Dans le même temps, les migrations en Europe se mondialisent, fruit de la généralisation de la délivrance des passeports depuis les années 1990 dans presque tous les pays du monde, qui a créé un « droit de sortie » alors que le droit d’entrée se durcissait et d’une économie du voyage avec de nouvelles routes pour les filières clandestines (Egypte, Turquie, Grèce, Iles Canaries, Ile de Lampedusa, Niger). Ceux qui viennent en Europe sont ceux qui entretiennent déjà souvent des réseaux transnationaux avec les pays européens : familiaux, matrimoniaux, économiques, linguistiques, culturels.

Deux modèles de migrations

Deux modèles de configurations migratoires prévalent dans les pays européens : le « couple migratoire » quand une seule nationalité est prédominante dans un seul pays et les quasi diasporas.

 Le couple migratoire concerne les migrations d’origine coloniale : plus de 90% des Algériens en Europe sont en France, l’essentiel des Indiens et des Pakistanais en Europe sont au Royaume Uni, les Africains des anciennes colonies portugaises vont en priorité au Portugal.
 Le modèle quasi-diasporique existe quand une nationalité entretient des liens forts entre plusieurs pays européens où elle est implantée : c’est le cas des Turcs, première nationalité non européenne en Europe par le nombre ( plus de trois millions), répartis entre plusieurs pays, mais aussi des Marocains qui figurent parmi les nationalités les plus nombreuses en France, en Espagne, en Italie, en Belgique et aux Pays Bas.

Les migrants et les populations qui en sont issues tissent des réseaux associatifs qui cherchent à interpeller les institutions européennes et les pays européens avec le concours de nouveaux électeurs, souvent double nationaux, tout en permettant aux pays d’origine des parents d’exercer une influence, par leur présence interposée, sur les pays d’accueil, à l’instar des Mexicains et des Chicanos aux Etats-Unis.

Ils définissent des identités collectives qui tendent à infléchir les identités nationales en y introduisant le multiculturalisme, une tendance fortement remise en cause depuis plusieurs années en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark et au Royaume Uni .

Cet article est tiré du blog de Sauvons l’Europe Île-de-France.

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