L’Union européenne a besoin des États-Unis

, par RADU GEORGESCU, Traduit par Andreea Tonea

L'Union européenne a besoin des États-Unis

Ces dernières années, nous avons pu observer un déplacement du centre des relations internationales vers le continent asiatique. Dans ce sens, les États-Unis redoublent d’efforts pour faire face aux provocations géopolitiques qui se produisent en Asie. L’Union européenne a-t-elle encore un rôle à jouer sur la scène internationale ? L’Europe pourra-t-elle encore susciter un quelconque intérêt pour les États-Unis ?

L’Union européenne entre les États-Unis et la Russie

Le continent eurasien est le territoire — en termes d’intérêts — que se disputent actuellement les grandes puissances mondiales. Dans ces conditions, les États-Unis exercent un contrôle majeur ou influencent certaines zones clés. De plus, la présence militaire américaine se fait ressentir dans les régions hautement stratégiques. À l’exception des dernières années qui ont été marquées par la crise financière mondiale, le dynamisme économique des États-Unis a influencé le cours de l’économie mondiale, plus particulièrement après la 2e Guerre mondiale, lorsque les États-Unis représentaient à eux seuls plus de 50 % du PIB mondial. Au fil du temps ce chiffre a chuté pour atteindre 30 % du PIB mondial. Cette diminution a été provoquée par l’essor du continent asiatique et de l’Europe occidentale.

Les Américains ont mis en place une stratégie mondiale. Dès lors, les autres pays construisaient leurs propres stratégies en fonction de l’orientation politique américaine. Grâce à une position stratégique avantageuse, les États-Unis ont à la fois construit une politique externe active et une stratégie de sécurité qui se veut invulnérable. Dans ce contexte et alors que les relations internationales sont de plus en plus incertaines, l’Union européenne n’a pas d’autre choix que de suivre le modèle américain.

En 2011, l’épreuve de force qui a eu pour cible le régime de Kadhafi prouve que les partenaires transatlantiques entretiennent des relations avec un statut spécial. Malgré cette épreuve de force, ces liens se détériorent, pour des raisons purement géopolitiques. Dans cette perspective, l’Europe n’est plus attrayante, surtout en raison des importants changements qu’a connus le continent asiatique — tant sur le plan économique (ex. la Chine) que sur le plan politique et militaire (ex. le Moyen-Orient). L’Asie présente de nombreuses défaillances, comme l’attestent les dossiers iranien et syrien, le manque de prévisibilité de la Chine (ainsi que les relations Chine-Japon et Chine-Taiwan), la relation Pakistan-Inde et enfin la situation en Afghanistan.

Si les États-Unis sont parfois contraints de réagir face aux mouvements de l’URSS, l’Union européenne devra décider à son tour de son rôle dans cette partie d’échecs. La cible principale de la stratégie américaine est le continent asiatique. Si l’on considère l’Europe comme une péninsule de l’Asie, force est de constater que l’Union européenne est la porte d’entrée à cette stratégie américaine.

France et Allemagne – États-Unis : quelle position adopter ?

L’Allemagne reste un élément important sur le continent européen. Sa posture influencera directement l’Union européenne et les relations transatlantiques. La conjoncture actuelle favorise une approche entre l’URSS et l’Allemagne en raison de l’interdépendance entre les deux pays. En effet, l’Allemagne dispose du savoir-faire nécessaire pour aider la Russie à développer son industrie (la Russie est un pays qui exporte des matières premières, ce qui s’avère inefficace sur le moyen terme). La Russie quant à elle dispose des ressources nécessaires à l’Allemagne pour maintenir sa productivité économique et sa position sur la scène européenne et mondiale.

À ceci vient s’ajouter la relation incertaine entre l’Allemagne et les États-Unis, au vu du peu d’intérêt que porte l’Allemagne à la stratégie américaine au Moyen-Orient et sur le continent asiatique. Les États-Unis ont besoin d’un partenaire en Allemagne et implicitement d’un partenaire au sein de l’Union européenne, même si ce partenaire sera difficile à trouver sur le court et moyen terme.

Cette tendance qu’ont les États-Unis et l’Allemagne à se contredire n’est pas nouvelle. En effet, l’Allemagne s’est opposée à l’élargissement du bouclier antimissile mis en place par les États-Unis. En 2008, lors du sommet de l’OTAN à Bucarest, l’Allemagne s’est opposée au lancement du Plan d’action pour l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie, deux pays clés pour les intérêts américains en Europe.

Les États-Unis et l’Allemagne perçoivent différemment la position de la Russie concernant l’élargissement du bouclier antimissile et l’élargissement de l’OTAN. Les Américains voient cette position comme un repositionnement stratégique et donc une croissance de l’influence de la Russie en Europe, tandis que les Allemands pensent que la manière dont les Russes perçoivent leur propre insécurité est très dangereuse pour l’Europe, qui est très éloignée des États-Unis en termes de géographie.

Le débat est toujours en cours et la France, en tant qu’acteur central au niveau de l’Union européenne, aura encore besoin du soutien des États-Unis. Comme mentionné précédemment, Kadhafi a pu être éliminé grâce à la collaboration des Européens et des Américains.

La France aura besoin du soutien des États-Unis pour résoudre les problèmes de sécurité en Afrique, qui menacent directement le flanc sud de l’Union. L’année 2013 sera probablement une année très intense concernant la lutte contre le terrorisme sur le continent africain. La France est le pays européen le plus approprié pour cette mission (tant du point de vue historique que du point de vue militaire). Il faut s’attendre à une étroite collaboration franco-américaine sur ce thème et l’évolution de la situation au Mali reste à voir. De plus, la France aura un rôle primordial dans la gestion des questions internes de l’Union européenne. En effet, elle aidera l’Allemagne à concentrer son attention sur les problèmes liés à une intégration plus en profondeur des États membres, intégration qui s’avère avantageuse pour les États-Unis, bien qu’indirectement.

Et la Roumanie dans tout cela ?

La Roumanie aura elle aussi un rôle à jouer dans ce contexte. En effet, la Roumanie ainsi que la Pologne peuvent servir de pivot entre les intérêts de l’Est (en plein essor) et les intérêts de l’Ouest (en pleine restructuration). Ce jeu ne sera pas simple, mais si les décideurs politiques de Bucarest et de Varsovie font preuve de maturité, nous pourrions certainement assister à une évolution positive ces prochaines années concernant le statut de la Roumanie au niveau européen.

L’Union européenne aura besoin des États-Unis et la prochaine étape sera décisive, surtout grâce au potentiel de l’Europe qui sert d’intermédiaire entre la Russie et les États-Unis. L’Europe devra se montrer plus imprévisible, et même surprenante, car c’est ce qui lui permettra de rester active sur la scène internationale.

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