L’Ukraine : difficultés politiques, naufrage économique ?

, par Henri de Cazanove

L'Ukraine : difficultés politiques, naufrage économique ?

Comment la crise financière a-t-elle plongé l’Ukraine dans le chaos politique et économique ?

La Révolution Orange n’a pas tenu ses promesses et oscille dorénavant entre le bleu de l’Union européenne et le rouge de la Russie. La situation économique ukrainienne est incontrôlable par ses disparités politiques et les dépréciations dues à la crise financière. Par ailleurs, la récente crise du gaz n’est pas la première du genre. Historique.

Chronologie d’un désastre politique

En 2004, la Révolution Orange a porté Viktor Iouchtchenko au pouvoir. Ce cercle était formé par différents partis dont Notre Ukraine, dirigé par le président, et le parti de Ioulia Timochenko qui devint Premier Ministre. Cette élection promettait des changements radicaux en matière de démocratie, de lutte contre la corruption, de transparence et d’ouverture vers l’Occident. Pourtant, la Première Ministre fut limogée moins d’un an après cette victoire et les mésententes politiques augmentèrent considérablement.

Elle fut remplacée par Iouri Lekhanourov, laissant sa place après les élections législatives de 2006 à Viktor Ianoukovitch (proche du gouvernement Russe). En avril 2007, le Parti des Régions présidé par celui-ci obtint le plus grand nombre de sièges à la Rada (le parlement). Ainsi, Notre Ukraine et le parti de Ioulia Tymochenko se sont rassemblés afin de créer une nouvelle coalition qui a ramené l’assemblée « Orange » au pouvoir et Tymochenko au poste de Premier Ministre.

L’actuel président et Tymochenko ont dévoilé leur profond mépris mutuel qui s’est soldé par l’effondrement de cette coalition en septembre 2008. La politique ukrainienne est devenue incontrôlable, faute de majorité. L’actuel président n’a jamais caché ses vœux d’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN, mais l’Ukraine est largement dépendante de la Russie défavorable à cette « occidentalisation ».

Une situation économique catastrophique

L’Ukraine a une situation géographique d’entre-deux entre l’Europe et la Russie. L’économie du pays est largement dépendante de la Russie pour ses importations comme pour ses exportations. En effet, l’Ukraine permet le transit à bas prix du gaz russe et turkmène vers l’Europe (80 % du gaz russe à destination de l’Europe transite par ce territoire) et la Russie, en échange, lui fournit le gaz dont elle a besoin à des prix privilégiés.

L’effondrement des cours des matières premières a précipité le pays dans une crise économique sans précédent. En effet, l’inflation de 2007 était de 16 % et celle de 2008 se rapproche de 18 %. Les mesures anti-inflationnistes du gouvernement présidé par Ioulia Tymochenko ont été jugées inefficaces. Par ailleurs, la chute des cours de l’acier de plus de 60 % et la baisse corrélé de la demande ont plongé le 7e producteur d’acier au monde (42 % de ses exportations) dans une situation catastrophique proche de la cessation de paiement.

Les agences de notation ont par conséquent abaissé leurs notes sur le pays. L’Ukraine a demandé au FMI une aide financière, et l’institution a accordé un prêt de 16,5 milliards de dollars pour soutenir l’économie. On peut espérer que par ailleurs, l’accession de l’Ukraine à l’OMC en mai 2008 fasse ressentir de bons effets sur le pays.

La crise du gaz

L’Ukraine consomme trois fois plus de gaz par habitant que l’Allemagne, or la production ukrainienne approvisionne seulement 30 % des ménages. Des importations sont donc nécessaires, qui proviennent toutes de la Russie. Celle-ci a renforcé son influence par l’intermédiaire des accords de livraisons de gaz. En janvier 2006 déjà, Gazprom (1er exportateur mondial) avait interrompu ses approvisionnements vers l’Ukraine, paralysant l’Europe car les deux pays ne trouvaient pas d’accord sur la nouvelle fixation des prix du gaz.

La Russie décida d’augmenter les prix reflétant la tendance haussière des cours. Une entente avait été trouvée, favorisant la Russie en lui permettant de vendre son gaz 260 dollars les 1000 mètres cubes à un intermédiaire RosUkrEnergo (RUE), qui le revendrait 100 dollars contre 50 précédemment à l’Ukraine. L’origine de cet intermédiaire est peu transparente. En effet, la société est basée en Suisse et ses bénéficiaires ne sont pas connus.

En février 2008, le même scénario se présenta. La Russie voulait augmenter ses prix et tentait d’amener l’Ukraine à des concessions politiques et économiques. De plus, la dette de l’Ukraine envers la Russie augmenta considérablement, allant jusqu’à 2,4 milliards de dollars. La Première Ministre décida de réaliser des compromis lors des négociations avec Poutine, ces compromis étant fortement liés à l’élection présidentielle ukrainienne de 2009, qui permettront à Tymochenko de bénéficier d’importants financements russes dans sa campagne électorale.

L’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne

Le président Viktor Iouchtchenko souhaite adhérer à l’Union européenne et donc affaiblir sa dépendance à la Russie. Cependant, une partie de l’UE est déçue du manque d’initiative du pays, qui n’a pas su se moderniser et est resté profondément instable. Le pays est pourtant un acteur décisif pour la sécurité énergétique de l’Europe. Le récent sommet UE-Ukraine d’Evian a montré la crainte de l’Ukraine d’être la prochaine cible de la Russie après la crise géorgienne. Ce sommet a abouti à un renforcement du partenariat avec l’Ukraine en écartant pour le moment une future adhésion à l’UE.

La crise financière a touché de plein fouet l’Ukraine, déjà déstabilisé par sa politique incontrôlable. Il semblerait que la Russie ait réussi à renforcer son emprise sur le pays grâce au gaz. L’Union européenne peine à intégrer pleinement ses douze nouveaux membres et se déchire sur le sort de la Turquie, la Macédoine et la Croatie. Pour le moment, il serait difficile d’envisager un rapprochement plus intense avec un pays aussi étroitement dépendant de la Russie.

Illustration : photographie d’une scène de la Révolution Orange, à Kiev. Source : Wikimedia.

Vos commentaires
  • Le 26 janvier 2009 à 15:06, par Dumitru Drumea En réponse à : L’Ukraine : difficultés politiques, naufrage économique ?

    Je ne suis pas sûr que Tymoshenko puisse bénéficier des financements russes. Certes, c’est ce que affirme Youstchenko, mais je doute fortement que ça soit dans l’intérêt de Moscou d’avoir Tymoshenko, car, par exemple, elle soutient l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. En outre, Tymoshenko ne bénéficie pas d’un soutien populaire massif. Il est vrai qu’elle est de loin plus soutenue que le président, mais ça peut ne pas suffire. Il ne faut d’ailleurs pas oublier Yanoukovitch, qui avait déjà gagné les élections parlementaires en 2006. Ou peut-être qu’il y aura un nouveau candidat, un « baron gris » ?

    Puis, quant à l’adhésion de l’Ukraine à l’UE : ce n’est pas parce que elle est économiquement dépendante de la Russie(qui ne l’est pas dans l’Europe de l’Est ?), mais c’est surtout à cause de la faiblesse économique et politique du pays.

  • Le 26 janvier 2009 à 21:42, par mg En réponse à : L’Ukraine : difficultés politiques, naufrage économique ?

    bonjour !

    je ne suis globalement pas d’accord avec cet artcle et mon point de vue se rapproche davantage de l’opinion de votre lecteur tout en précisant que timochenko bénéficie d’un large soutien populaire ! Le problème est que le président n’a pas encore commencé à mettre en oeuvre son programme électoral et a privilégié les querelles de personnes ! C’est le président qui est à juste titre en difficulté ! Faut-il préciser que le PÏB 2008 est en croissance de 2,1 %, un score que la France obtient quand tout va bien et que l’exécution du budget de l’état donne à l’ukraine des marges de manoeuvres que le france n’a pas ! Les querelles politiques ,’ont pas empêché la croissance ces dernières années et qu’un débouché de l’ukraine peut être la chine ! (Il n’y a pas que la russie au monde !) cordialement ! M G

  • Le 27 janvier 2009 à 05:28, par Martina Latina En réponse à : L’Ukraine : difficultés politiques, naufrage économique ?

    Ne voulant pas envahir les colonnes ni surcharger l’échine du TAURILLON dès le matin, je reviendrais volontiers synthétiquement sur les derniers sujets abordés. Qu’il s’agisse de sécurité dans l’Océan Indien, de gaz européen, de progrès urgent en Ukraine ou de manuel d’histoire franco-allemand, L’EUROPE en fait voir de toutes les couleurs à sa fondatrice EUROPE - qui lui fit dès l’origine, si l’on en croit un fameux mythe grec millénaire, donc historiquement et prophétiquement véridique, tout VOIR, et ce précisément sur le dos d’un taureau divin ! Les EUROCITOYENS ont donc le devoir autant que la possibilité de rendre sensibles les EUROPEENS, « de l’Atlantique à l’Oural », aux VALEURS fondamentales dont L’EUROPE découle et dépend depuis ses origines : puisque étymologiquement le terme de « valeur » désigne pour un objet, pour une personne ou pour un groupe la solidarité de tous leurs éléments, mettons ensemble en oeuvre l’imagination dans la concertation pour que vive et que fructifie L’UNION DANS LA DIVERSITE !... Des lignes de Guillaume Apollinaire sortant de la première guerre mondiale me semblent toujours à l’ordre du jour : « La Victoire avant tout sera / de bien voir au loin, / de tout voir de près / et que tout ait un nom nouveau ».

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