Camille-Cerise : Quelle est la situation des journalistes en Biélorussie ?
Zhanna Litvina : Je pourrais caractériser les 18 ans au pouvoir de Lukashenko comme une espèce de contradiction entre le pouvoir en place et les journalistes. Pour tout régime non démocratique, le seul moyen de se maintenir au pouvoir est de contrôler, et de façon très dure, les moyens de l’information. Mais il y a un trait particulier en Biélorussie : en plus de la seule existence des mass-médias d’Etat, ceux-ci ont, en plus de leur travail de journaliste, la fonction de propagande.
Comme partout ailleurs, la Biélorussie connait la crise économique et dans cette situation, la demande à l’information claire, sans propagande, est très forte. Face à cette forte demande, il y a une réponse, et c’est de plus en plus difficile, pour le régime, de contrôler toute l’information qui passe. C’est pour cela qu’il essaie de contrecarrer cette demande d’information objective par un contrôle plus sévère.
Pour nous, chaque campagne présidentielle ou élection est un cataclysme, et actuellement, ce sont les journalistes qui se retrouvent dans l’épicentre. Sept membres de notre organisation ont été arrêtés, soit juste avant les élections soit le jour des élections, et l’accusation présentée est « l’organisation de désordre sur la place publique ». Deux sont encore en prison. Et il y a une affaire qui est montée depuis le printemps contre le journaliste Andrzej Poczobut , qui a été arrêté, pour diffamation et information négative.
Un des problèmes clés que nous vivons est la limitation à notre accès à une information objective. L’information se referme comme une huitre et ne sert pas d’organe à informer la société. Le travail des journalistes est très difficile surtout s’ils ne font pas parti de la machine de propagande mais avec chacun de mes collègues nous considérons que ce n’est pas seulement le travail professionnel du journaliste mais une position de citoyens. Parmi nos priorités, ce sont des sites d’info sur internet, grâce à internet, il y a la possibilité de diffuser cette information objective.
Avec les événements du Printemps arabe n’avez-vous pas peur que l’Europe oublie la Biélorussie ?
Je ne partage pas ce point de vue. C’est peut être la situation géographique de notre pays qui ne permet pas aux Européens de nous oublier. Mais ce qui m’inquiète d’avantage c’est l’anatomie de la dictature : comment est ce possible de subordonner un peuple entier, 10 millions de personnes ? Le but essentiel de notre existence est de donner l’information objective à la population pour qu’elle puisse se réveiller et comprendre que l’on peut vivre autrement.
Comment UE pourrait elle encore plus vous aider ?
On est dans l’Europe mais actuellement l’institution européenne qui nous reçoit et parle avec nous c’est l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La Biélorussie ne fait même pas partie du Conseil de l’Europe et nous n’avons donc pas accès à la Cour européenne des droits de l’homme .
Ce qui manque à l’UE, c’est la stratégie d’absorption des pays qui ne font pas partie de l’UE et du Conseil de l’Europe, pour qu’ils communiquent plus, s’entretiennent davantage avec le noyau européen. Une des menaces qui existent est que la Biélorussie va finir par se retrouver dans l’isolement total. Ce qui est important est l’échange de l’information dans les deux sens. Que l’Union européenne ait plus d’information sur la Biélorussie et que la Biélorussie ait plus d’info sur les valeurs européennes. C’est le rôle des journalistes et politiciens européens de surmonter cet obstacle de l’auto isolement de la Biélorussie.
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