L’Europe selon François Hollande

, par Xavier Chambolle

L'Europe selon François Hollande
Official Visit of the President of the French Republic to the European Parliament in Strasbourg / © Services audiovisuels du Parlement européen

François Hollande cherche à devenir le chef de file des pays du Sud contre l’axe Londres-Berlin des pays du Nord, il préfère donc que la France soit la première des derniers, plutôt que la dernière des premiers. Pire, dans sa vision, l’Europe est calquée sur la France !

F. Hollande, donc la France, se prononce pour une Europe fédérale à condition qu’elle soit harmonisée (comprenez « uniformisée ») et solidaire. Son gouvernement menace l’indépendance de la BCE et considère que l’euro est trop fort.

Un euro faible

Cela doit être historique, la France a souvent dévalué son franc et s’est contentée d’une monnaie faible. À l’inverse, des pays comme la Suisse ou l’Allemagne s’en sortent (mieux) avec une monnaie stable et forte. Certains reprochent à l’euro d’être fort, ils veulent donc un euro plus faible.

L’euro est-il trop fort pour la zone euro ? À en juger par son excédent commercial : non. L’euro faible est-il préférable ? Vue l’importance considérable de l’énergie dans nos économies, et notre nécessité d’importer du gaz et du pétrole, sans parler des matières premières : non, un euro dévalué ne serait pas la solution ultime à nos problèmes économiques. La monnaie n’est pas un outil magique à instrumentaliser pour, soit disant, créer de la richesse, créer de la valeur ajoutée, créer des emplois, réduire les inégalités. Ce qui compte par-dessus tout, c’est que la monnaie soit stable.

Dévaluer l’euro, ou vouloir dicter à la BCE ce qu’elle devrait faire, c’est nuire à son indépendance déjà malmenée et, pire, à sa mission première : la maîtrise de l’inflation. L’inflation, vous me direz, c’est du pain bénit pour les pays endettés, mais cela reste un impôt déguisé, il n’y a pas de miracle. Pensez-vous que la solution au surendettement des pays soit la fuite en avant avec l’inflation, ou bien la rigueur budgétaire (gestion rigoureuse du budget de l’État) ? Peut-être pensez-vous que les eurobonds sont une meilleure solution : soigner la dette par de la dette !?

On accuse souvent les Allemands de réussir au détriment de leurs voisins. Mais ils n’ont aucun intérêt à appauvrir leur marché intérieur, la zone euro. Et s’ils refusent obstinément de céder aux lubies de M. Hollande notamment, c’est par soucis de ne pas s’appauvrir eux aussi, ni d’annihiler tout espoir de reprise saine sur le long terme.

Une Europe solidaire

« Un égoïste… un homme qui ne pense pas à moi » (Eugène Labiche).

Aux débuts des États-Unis, le gouvernement fédéral remboursa la dette des États parce qu’ils avaient contribué à la guerre d’indépendance, ce qui a été bénéfique à l’ensemble du pays. Quelques décennies plus tard, ce même gouvernement refusa d’assumer des dettes contractées par certains États, désormais surendettés, car ils l’avaient fait pour financer leurs infrastructures. Le gouvernement fédéral les laissa donc faire défaut. Aujourd’hui encore, l’État fédéral ne rembourse pas la dette de la Californie.

Nous faisons actuellement l’inverse et c’est un dangereux précédent. Comptez bien sur la France pour réclamer la solidarité dans quelques années, parce qu’elle aura été accordée à la Grèce par exemple. Or le poids du pays n’est pas tout à fait le même… Songez aux conséquences que cela aura pour l’Europe.

Cette dernière ne devrait être solidaire qu’à partir du moment où cela bénéficie à tous les Européens. Nous pourrions donc l’être sur le budget de la défense, de la diplomatie et du contrôle des frontières par exemple. M. Hollande propose-t-il de prêter main forte aux Italiens pour le contrôle de leurs côtes, à hauteur du poids de la France ? L’Europe ne devrait pas être solidaire dès lors qu’il s’agit de dépenses locales (pour répondre à des besoins locaux). Bien sûr, vous me direz que les Européens bénéficient de retombées positives… Certes, mais lorsque mon voisin s’endette pour construire une superbe maison (ce qui augmente la valeur de la mienne), je ne vais pas pour autant rembourser avec lui son hypothèque ! Ou bien sinon dites-moi où vous habitez pour que je vienne m’endetter en face de chez vous.

Il faut bien comprendre qu’une Europe solidaire sur tout, et plus particulièrement sur les dettes contractées pour financer des modèles coûteux, archaïques et inefficaces, ne sera tout simplement pas durable, car insoutenable. L’Europe ne pourra pas être solidaire avec la France. Elle ne le pourra pas.

… et uniformisée

L’harmonisation est une vaste imposture, car, dans les faits, il s’agit à chaque fois d’uniformiser. Un même âge à la retraite, un même salaire minimum, une même fiscalité (à quelques points près)… Bizarrement, ce sont surtout les enfers fiscaux qui avancent de telles idées. Ouvrir les frontières avec Schengen, c’est un peu comme abattre le mur de Berlin. On nous dit donc que la seule solution pour que tout aille bien dans notre zone de libre-échange, c’est de tout uniformiser, pardon, harmoniser.

Pourtant ! Aux USA, en Allemagne, au Canada ou encore en Suisse, il y a certes un impôt commun et certaines taxes communes, pour financer le gouvernement fédéral, mais il y a, selon le pays, une plus ou moins grande liberté fiscale notamment. Par exemple sur l‘impôt sur des sociétés aux États-Unis. Il n’y a bien sûr pas que la fiscalité, mais également le droit du travail, la retraite et toutes sortes de lois, tant qu’elles sont conformes avec la Constitution du pays. Nul besoin de faire l’inverse de ces fédérations pour l’Europe.

Au fait, qu’apporte donc l’uniformisation ? Une plus grande égalité… ? J’ai bien peur qu’elle ne soit voulue que par les pays en difficultés ou peu ambitieux, qui préfèrent rabaisser l’Europe à leur niveau, plutôt que de se hisser à celui des meilleurs en s’inspirant des meilleures pratiques. C’est d’ailleurs l’intérêt de conserver cette grande diversité à l’intérieur de l’Europe : permettre aux Européens de tester régionalement une grande variété de solutions pour que leurs voisins s’inspirent de leurs réussites et s’immunisent de leurs échecs. C’est un processus d’itération à l’échelle du continent, dans un cadre favorable aux échanges (Schengen), à terme beaucoup plus efficace qu’une solution unique imposée. « Unie dans la diversité », c’est la devise de l’Union Européenne : respectons-là.

Les Jeunes Européens devraient s’opposer à cette vision franco-française, donc uniformisante et centralisatrice, parce qu’il y a pire que l’euroscepticisme et l’intergouvernementalisme : c’est le fédéralisme instrumentalisé, dénaturé et perverti, celui qui bafoue le principe de subsidiarité pour son unique profit au détriment de tous les Européens. Les JE-France montreraient par la même occasion que c’est le bien des Européens qui compte, et pas le triomphe idéologique de son propre pays.

Vos commentaires
  • Le 30 mars 2013 à 19:29, par Yvon Delasnerie En réponse à : L’Europe selon François Hollande

    « La monnaie n’est pas un outil magique à instrumentaliser pour, soit disant, créer de la richesse, créer de la valeur ajoutée, créer des emplois, réduire les inégalités. Ce qui compte par-dessus tout, c’est que la monnaie soit stable. » dîtes-vous. La sacralisation de la monnaie et de ses temples (banques centrales) n’est que l’un des aspects d’un culte primaire et brutal : celui de la finance. « Ce qui compte par-dessus tout » ce n’est pas que la monnaie soit stable (il y a eu des périodes où elle ne l’était pas et où l’économie était prospère), c’est de « créer de la richesse, de la valeur ajoutée, des emplois, réduire les inégalités » ... en utilisant tous les leviers économiques dont la puissance publique n’aurait jamais du se déssaisir, parmi lesquels la politique monétaire et la politique de change. Quant aux allemands dont « le souci est de ne pas s’appauvrir », vous ne parlez pas, je suppose, de ceux, en nombre croissant, qui souffrent de pauvreté et de précarité ? Enfin, pour ce qui est des grands principes, souvenez-vous que l’Allemagne, lorsqu’elle était, il n’y a pas 10 ans, « l »homme malade de l’Europe" était la première à réclamer un assouplissement des critères de Maastricht. Autres temps, autres discours ! www.citoyensunisdeurope.eu

  • Le 31 mars 2013 à 18:10, par Fabien Cazenave En réponse à : L’Europe selon François Hollande

    Suis un peu déçu que l’auteur n’apporte pas d’exemples issus des discours de François Hollande pour étayer son affirmation sur la vision européenne de François Hollande. Pour moi, vu son interview dans Le Monde d’il y a quelques mois, il est très français en ce qu’il privilégie le Conseil européen pour résoudre la crise actuelle. Il ne m’a pas semblé qu’il ait expliqué qu’il voulait une Europe centralisée... mais plutôt qu’il était favorable à une Europe intergouvernementale en faisant la promotion d’un Conseil des Ministres de la zone euro en parallèle des institutions communautaires existantes, non ?

  • Le 1er avril 2013 à 22:55, par Xavier C. En réponse à : L’Europe selon François Hollande

    @Yvon Si on parle de la monnaie, oui, ce qui compte par-dessus tout, c’est sa stabilité. Si on parle d’économie, la stabilité monétaire est un sacré plus, voire est indispensable. Ce n’est pas la monnaie qui va créer de la richesse, créer des emplois, ni réduire les inégalités.

    Listez-donc ces précieux moments où l’économie fût prospère avec une monnaie instable ou ne forte inflation... Vous constaterez alors que cette prospérité était artificielle (on exclura cependant les périodes de reconstruction), essentiellement gonflée par la création monétaire. Ensuite il y a de grosses bulles qui éclatent. La monnaie n’est pas un outil magique. Nous ne pouvons que nous réjouir de la perte de cet outil par les États européens qui ont plus de difficultés à vider les poches des citoyens (l’inflation ruine l’épargnant et allège les dettes de l’endettés, c’est un impôt qui ne dit pas son nom).

    Quant à la « finance » que vous mentionnez, une banque centrale indépendante vouée à la stabilité monétaire ne fait clairement pas ses affaires. Regardez comme Wall Street et la City demandent à ce que la fed et la BCE fassent fonctionner la planche à billets pour renflouer les banques ! Toute cette masse monétaire ne produira rien de bon sur le long terme.

    @Fabien J’entends bien la critique. J’aurai effectivement dû prendre plus appui sur ses discours. Europe fédérale ou intergouvernementale, la tendance n’est pas au respect du principe de subsidiarité.

    Les prises de position de Hollande par rapport au fonctionnement institutionnel me semblaient anecdotiques comparées à l’importance des volontés françaises relatives à l’euro, les euro-bonds, etc.

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