L’Europe n’a pas la cote partout
Cependant, Maastricht est malheureusement un extrême positif. En effet, le reste des Pays-Bas vit et aime moins l’Europe que Maastricht. La crise a d’ailleurs beaucoup contribué à cet état de fait. Il y a quatre ans, deux tiers des Néerlandais avaient une image positive de l’Union européenne, contre un tiers à l’heure actuelle. Ce n’est pas étonnant vu que les Néerlandais associent principalement l’intégration européenne à l’Euro et aux libertés du marché unique et qu’ils estiment que leur économie va beaucoup mieux que celle du reste de l’Union. L’Institut néerlandais pour la recherche sociale (SCP), qui conseille le gouvernement, a conclu en septembre que la crise « repose la question de la nécessité et des avantages de l’Euro et de l’Union européenne ».
Tout comme en Allemagne et partout ailleurs, les pro-européens ont des difficultés à plaider pour leur cause en ces temps de crise. Le taux de chômage aux Pays-Bas a atteint 6,6 % en septembre. Il reste certes le taux de chômage le plus bas de l’Union européenne, mais, pour les Néerlandais, plus de 500 000 chômeurs, c’est énorme. Pour les nationalistes, plus de 500 000 chômeurs, c’est même « beaucoup trop » et ils rendent l’Europe coresponsable de la situation. Durant la campagne électorale pour la deuxième chambre, Geert Wilders clamait que « en se retirant de l’Union européenne, les Pays-Bas deviendraient de nouveau un pays libre ». En juin, on avait encore l’impression que quinze pour cent des électeurs donneraient de nouveau leur voix à son « Parti pour la Liberté » (PVV), situé à l’extrême droite de l’échiquier politique, et confirmeraient ainsi la politique antieuropéenne du parti. Pourtant, cela n’a pas été le cas. En effet, le 12 septembre le PVV a perdu 9 de ses 24 sièges et partage depuis la troisième place avec les Socialistes (SP) plutôt euro-critiques. Les deux premiers partis, les libéraux-conservateur du VVD et les sociaux-démocrates du PvdA, ont gagné énormément de voix et vont former ensemble une coalition.
Les plans du futur gouvernement
Bien que le Premier ministre, Mark Rutte, du VVD, conserve sa fonction, les solutions européennes devraient avoir plus de place. Premièrement parce que Mark Rutte n’a plus besoin de l’impossible PVV, de l’assentiment duquel son gouvernement dépendait. D’ailleurs, après les élections, on a pu entendre à de nombreux endroits : « Ces idiots ne sont plus là, maintenant nous redevenons normaux ». Et deuxièmement parce que le partenaire de coalition sociale-démocrate veut plus d’Europe dans de nombreux domaines : le marché financier doit être régulé à l’échelle européenne, un train de mesures d’investissement doit relancer l’économie de l’Union européenne et il faut trouver des accords sur les salaires minimum ainsi que sur les normes sociales minimales européennes. Les sociaux-démocrates ne pourront probablement pas imposer totalement leurs projets. La politique du gouvernement Rutte II ressemblera plutôt à celle d’Angela Merkel : oui à plus d’Europe, mais non au grand bond en avant. [Le programme commun de la coalition a été présenté aux groupes parlementaires le 29 octobre. La rédaction].
Une histoire propre, une vision propre de l’Europe
Cet état d’esprit correspond en fait au rapport de la majorité des Néerlandais avec l’Europe : deux tiers d’entre eux se considèrent certes Européens, mais l’identité nationale prend chez les neuf-dixièmes d’entre eux la première place. Le même phénomène s’observe certes en Allemagne, mais la relation des Néerlandais à la nation est différente. En effet, on est trots op Nederland, fier des Pays-Bas, et ce depuis que sept provinces se sont unies pour former une république en 1581. Même si on ne peut pas parler à l’époque d’une conscience nationale dans le sens actuel, une sorte d’identité néerlandaise a vu le jour. La base de cette identité était également la Huis van Oranje, la Maison d’Orange, encore à l’heure actuelle famille royale néerlandaise et qui reste très populaire.
La république, qui exista jusqu’en 1795, était une confédération dont les membres avaient beaucoup de libertés en matière de politique intérieure, mais dont la politique étrangère et la politique de guerre étaient communes. Ce n’est que de cette manière que les petites provinces réussirent à participer au concert des grandes puissances et même à devenir un temps une puissance dominante. Aujourd’hui, le souhait d’une politique extérieure commune aux 27 États membres est comparativement faible : 55 % sont pour et 40 % contre. La moyenne de l’Europe des 27 est de 61 % pour et 28 % contre. C’est pourquoi Mark Rutte a raison lorsqu’il estime que « le débat à propos d’une Europe fédérale n’intéresse qu’un petit groupe de citoyens ».
Ce qui importe
Cette estimation de Mark Rutte et la mauvaise image de l’Union européenne qu’ont les Néerlandais signifient-elles que nous, les Fédéralistes, nous ne devons pas compter sur les Pays-Bas ? Pas spécialement. Par exemple, le Parlement européen est relativement populaire. 96 % des Néerlandais ont entendu parler de cette institution et 51 % lui accordent leur confiance. Le Parlement national n’obtient pas une telle confiance des citoyens. Ce qui importe, c’est que les Néerlandais sentent qu’ils profitent personnellement de l’intégration européenne. Et ils doivent avoir l’occasion de vivre l’Europe, que ce soit à travers des voyages, à travers le travail ou à travers l’apprentissage. À Maastricht, c’est d’ailleurs déjà le cas.
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