Le Proche-Orient nous a offert à nouveau le spectacle de la guerre. De la guerre, car il faut nommer les choses par leur nom. Dans les deux camps, les extrémistes portés au pouvoir par leurs populations respectives s’accordent un temps sur la lutte sanglante, chacun à la mesure de ses moyens.
Le gouvernement Israélien, après avoir relancé cet été la colonisation, a assassiné le chef militaire du Hamas, ciblant ainsi très volontairement l’un des rouages clés de la négociation en cours pour mettre fin aux tirs de roquettes.
Le Hamas, régnant sur Gaza et de fait second gouvernement de Palestine, est pris entre la volonté de parvenir à un accord avec Israël et une volonté de ne pas se couper de la lutte armée qui lui a permis d’émerger. Il contrôle donc les tirs de roquettes mais se réserve la possibilité d’en faire usage ; pour que des roquettes puissent toucher Tel Aviv, il fallait qu’elles aient été obtenues et introduites à Gaza.
En apparence, la médiation de l’Egypte a permis de parvenir à un équilibre. Israël s’est engagé à cesser les assassinats ciblés et à rouvrir le blocus de Gaza. Le Hamas, désormais auréolé de sa lutte, peut à présent promettre la fin des tirs de roquettes et entamer son processus de discussion dans le cadre d’une solution à deux Etats.
Mais cet équilibre est précaire. Il n’est pas besoin de revenir sur les propos tenus par nombre de responsables du Hamas. En revanche, rappelons que c’est bien le ministre de l’intérieur israélien qui déclarait que « le but de l’opération est de renvoyer Gaza au moyen âge », tandis que le ministre des affaires étrangères menaçait en 2009 le gouvernement turc d’employer l’arme atomique sur Gaza, menace explicitement soutenue par le fils d’Ariel Sharon. L’Europe, compte tenu de son histoire, ne peut être un observateur dégagé de conflits assumés aussi violemment par des membres importants du Gouvernement israélien et des responsables palestiniens. Elle le peut d’autant moins qu’elle ne regarde pas de loin ces perspectives, mais qu’elle en est le voisin immédiat.
Cette reprise de la guerre est intervenue au moment où l’Autorité Palestinienne déposait à l’ONU une demande d’entrée en tant qu’Etat observateur. Ce n’est évidemment pas un hasard. De l’avis général, si l’on peut discuter l’habileté de la démarche, la résolution proposée reste cependant modérée en ne demandant pas le droit au retour et en ne forçant pas les Etats membres à reconnaître individuellement un Etat palestinien. Mais le ministre des affaires étrangères israélien menaçait de renverser le Président Abbas, de dénoncer les accords d’Oslo, d’accroître le développement des colonies et de les annexer à Israël, et de bloquer le financement de l’Autorité Palestinienne (et donc de la police). Le silence de Catherine Ashton, à qui ces menaces ont été faites, est consternant. Quand bien même l’Europe serait structurellement incapable de porter une diplomatie commune sur un tel sujet, il est inimaginable qu’elle n’ait même pas la velléité de protéger de telles pressions le droit de ses Etats membres de faire leur propre choix à l’ONU.
Nous appelons ici l’Europe et ses Etats membres à réagir ensemble. Des initiatives pour rechercher l’apaisement et le respect de la légalité existent déjà, mais ont porté peu de fruits. L’Europe est lepremier partenaire commercial d’Israël. Elle est également le premier partenaire de l’Autorité Palestinienne dans la construction de la paix. Ceci lui donne un poids important sur les deux protagonistes, qu’elle s’est pour l’instant refusé à mobiliser. Son prix Nobel de la paix ne récompense pas simplement une méthode communautaire, mais son choix de faire de la paix sa puissance. Au-delà de la réconciliation fondatrice, l’Europe a su résoudre en son sein les conflits mortels d’Irlande du Nord et du Pays Basque. Plus qu’aucun autre intervenant dans ce conflit, l’Europe a si elle le veut l’influence et la légitimité pour organiser les échanges avec tous les acteurs du drame. Elle peut inventer et garantir, partout où cela est possible, des mécanismes concrets de résolution des conflits et de maintien de la paix entre les belligérants.
Ceci aurait du commencer à l’ONU. Sur le vote décidant de l’entrée de la Palestine dans le système onusien, l’Europe a affiché ses divisions, certains pays votant pour, d’autres s’abstenant. Le Parlement européen, qui se contentait il y a un an de demander une position européenne unie sur la question, appuyait la demande palestinienne. Il serait sain que l’Europe s’exprime d’une seule voix sur le sujet. Sinon les extrémistes des deux camps s’appuieront sur nos divisions pour faire le jeu de la guerre. La guerre que nous sommes pourtant si fiers d’avoir bannie de notre continent. Agissons ensemble pour qu’elle cesse au proche-orient également.
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