Le Conseil de l’Europe est composé de 47 Etats membres parmi lesquels la Géorgie et la Russie. Ainsi, le conflit en Géorgie concerne le Conseil de l’Europe au plus haut point puisqu’il concerne 2 de ses Etats membres. C’est la raison pour laquelle, les Brèves Européennes (BE) ont souhaité interroger Jean-Claude Mignon, député-maire UMP de Dammarie-les-Lys.
Jean-Claude Mignon siège à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) depuis 1993 et est actuellement Président de la délégation française à l’APCE ainsi que Vice Président de l’APCE depuis octobre 2007.
Le Taurillon remercie les Brèves Européennes (et notamment Laurent Bonsang) de nous avoir autorisé à reproduire cette interview.
Rédaction des BE : Monsieur le Député, quelle est votre opinion personnelle sur le conflit en Géorgie et les pistes possibles et souhaitables pour sa résolution ? Pouvez-vous rappeler les raisons de ce conflit ?
Jean-Claude Mignon : Je crois que nous avons là une preuve éclatante de la pertinence de la construction européenne. Bien sûr, nous aurions pu craindre que les 27 Etats membres se divisent. Pourtant les Européens ont su parler d’une même voix. Nicolas Sarkozy, Président en exercice de l’Union européenne, y est évidemment pour beaucoup. Son action, à la fois ferme et diplomatique, a su convaincre l’ensemble de nos partenaires. Je m’en réjouis. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe prend quant à elle toute sa part dans la résolution définitive du conflit.
Lors de la quatrième partie de session qui s’est tenue du 29 septembre au 3 octobre derniers, j’ai proposé que l’Assemblée se réunisse dans les prochains mois en session extraordinaire. L’ordre du jour serait consacré au suivi des engagements pris par la Russie et la Géorgie. Cette session devrait réunir les principaux acteurs du conflit, les présidents et les représentants de l’Union européenne, de l’OSCE et de l’ONU.
Quant aux raisons du conflit, les interprétations divergent encore aujourd’hui, même si les responsabilités peuvent être, me semble-t-il, partagées. C’est pourquoi, nous avons adopté une résolution demandant la création d’une commission d’enquête internationale indépendante pour connaître exactement les raisons d’un tel conflit.
Rédaction des BE : Aviez-vous avant le déclenchement de la crise des indications, des signes au niveau de l’APCE sur l’imminence de cette crise ?
Jean-Claude Mignon : Je crois que nous avions, comme la plupart des analystes dans le monde, des indices suffisants pour nous faire penser qu’une crise importante se nouait. Mais, rappelons que depuis des années nous observions la montée des tensions entre ces deux Etats. Rien n’est du au hasard…
Rédaction des BE : La Russie a reconnu unilatéralement l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie fin août. Que disent les textes du Conseil de l’Europe sur ces questions territoriales qui concernent 2 de ces Etats membres ?
Jean-Claude Mignon : Rien de plus que ce que dit le droit international. Les principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats sont des principes intangibles. Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs fermement condamné la reconnaissance unilatérale de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie.
Rédaction des BE : Le 12 septembre, un groupe de 24 membres de l’APCE issus des 5 groupes politiques de l’assemblée a déposé une demande de réexamen des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe auprès de l’APCE. Que pensez-vous de cette initiative ? Quelles conséquences si cette demande était approuvée par l’APCE ?
Jean-Claude Mignon : Lors de la séance du 2 octobre dernier, l’Assemblée a choisi de ratifier les pouvoirs de la délégation russe. Elle estime en effet que le dialogue ne doit pas être rompu. Je pense, qu’effectivement, l’Assemblée doit se concentrer sur le suivi des engagements plutôt que de couper les liens avec un de ses principaux Etats membres.
Rédaction des BE : Le fait que tant la Géorgie que la Russie soient membres du Conseil de l’Europe n’est il pas, selon vous, un facteur qui a permis de contenir le conflit et d’éviter qu’il soit plus grave ?
Jean-Claude Mignon : Certainement. Mais, il nous faut maintenant peser de tout notre poids pour que les accords fixant les obligations de la Russie et de la Géorgie soient strictement respectés.
Rédaction des BE : Craignez vous que d’autres conflits soient possibles notamment en Ukraine ?
Jean-Claude Mignon : Rien ne doit être exclu. Nous savons que certains, en Russie, ont une forte nostalgie de l’empire perdu. Il ne faudrait pas que l’instabilité politique en Ukraine ne devienne un prétexte pour satisfaire ces rêves de puissance.
Rédaction des BE : Un autre État membre du Conseil de l’Europe, la Moldavie, est confronté depuis 1991 à la sécession de l’une des parties de son territoire avec la Transnistrie. Où en est la résolution de cette question ?
Jean-Claude Mignon : Malheureusement, peu d’avancées ont eu lieu. Le Conseil de l’Europe intervient régulièrement sur ce sujet. Si ce conflit reste en partie gelé grâce à l’effort de médiation du Conseil de l’Europe, nous pouvons craindre que les événements actuels ne fassent des émules. C’est la raison pour laquelle, nous devons traiter la question géorgienne avec le plus grand soin pour qu’elle ne devienne pas un « exemple ».
1. Le 18 octobre 2008 à 18:02, par Ronan En réponse à : Jean-Claude Mignon : « l’intégrité territoriale des Etats est un principe intangible »
Attention à l’application du principe d’intagibilité des frontières quand il devient un absolu non négotiable : c’est une telle attitude qui enferment aujourd’hui autoritairement des peuples dans des structures dont elles ne veulent plus en niant leur droit à l’autodétermination (ex : Kosovars autrefois « enfermés » en Serbie, Abkhazes et Ossètes aujourd’hui enfermés dans une Géorgie dont - à l’évidence - ça fait depuis au moins dix ans qu’ils ne veulent plus).
Atention également, le principe non négotiable d’intangilibilité des frontières, c’est aussi précisément cela qui conduit à la purification ethnique : quand on ne peut décidément pas bouger les « lignes » de façon pacifique, on s’emploie alors souvent à déporter les populations « gênantes » qui vivent de part et d’autres... Et souvent les grandes puissances ferment les yeux sur ces « aménagements » qui, quelque soit le prix humain à payer, ont alors le bon goût de ne pas bouleverser les cartes (et, ainsi, les tranquilles habitudes des chancelleries).
Loin de tout ce dogmatisme essentiellement conservateur (qui sera, de toute façon, toujours interprété en leur faveur par les nationalistes et par les autoritaires en tout genre ; au détriment de leurs propres peuples...) et dont le seul but est visiblement de « geler » les problèmes plutôt que d’essayer jamais de les résoudre, il y aurait pourtant des solutions pacificatrices à élaborer : une charte des droits des minorités à vraiment faire appliquer, une force de police européenne à mettre en place, une véritable autorité supranationale démocratiquement élue, des statuts d’autonomies à rédiger, des démocraties véritables à mettre en place. Trop de travail ?!
Faire ce travail serait pourtant la mission du Conseil de l’Europe, « observatoire de la bonne santé démocratique, du respect des libertés fondamentales et du droit international en Europe ». Seulement voilà, ce serait là introduire une once de supranationalité et de démocratie (sinon de droit d’ingérence dans les affaires d’Etats souverains...) dans un système d’essence diplomatique et au fonctionnement résolument intergouvernemental...
Ainsi apparaît donc le vieux principe d’intangibilité des frontières (qui fait - en gros, de par le monde - autant de bien que de mal...) : un dogme étatique qui rappelle une réalité politique pourtant vieille comme le monde. A savoir que nos Etats se comportent fondamentalement comme des « bouviers-gardiens de troupeaux », plus soucieux de leur périmétre à contrôler que du bien-être véritable de leurs populations : « chacun chez soit, et les vaches seront bien gardées ». Des vaches, aux yeux de ces diplomates, voilà donc bien ce que nous sommes : parquées dans des enclos aux frontières « in-tan-gi-bles », on vous dit (fermez le banc).
2. Le 20 octobre 2008 à 09:03, par ? En réponse à : Jean-Claude Mignon : « l’intégrité territoriale des Etats est un principe intangible »
le droit international ... ah ah ah ah ah !!!!! le droit international est un objet proteiforme qui interpole et qui légitime les rapports de force existants
3. Le 20 octobre 2008 à 10:23, par Fabien Cazenave En réponse à : Jean-Claude Mignon : « l’intégrité territoriale des Etats est un principe intangible »
Cher anonyme, si vous ne signez pas votre commentaire (même d’un pseudo), votre commentaire risque d’être censuré.
Pour vous répondre, les rapports de force existent aussi dans le droit. Mais ne doit-on pas chercher à mettre au cœur des rapports internationaux le droit plutôt que le rapport aux armes ?
4. Le 20 octobre 2008 à 15:56, par Ronan En réponse à : Jean-Claude Mignon : « l’intégrité territoriale des Etats est un principe intangible »
A propos des frontières - conventionnelles - de l’Europe (et des frontières - fluctuantes - entre ses Etats...) on peut consulter l’excellente interview donnée dans ce mois-ci, dans le n°373 du « Monde de l’Education » de ce mois d’octobre 2008 (pp. 70-71-72-73), par le Géographe Michel Foucher (Enseignant à l’ENS, spécialiste des frontières, directeur de l’ « Observatoire européen de Géopolitique » de Lyon) à l’occasion du récent (début octobre) « Festival international de Géographie de Saint-Dié-des-Vosges » , cette année consacré au thème de la guerre et des frontières...
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