Italie : Berlusconi sort perdant de la crise politique

, par Théo Barbe

Italie : Berlusconi sort perdant de la crise politique
Silvio Berlusconi - Source Flickr : EPP Summit March 2012 (CC)

Comme toujours avec le Belpaese, lorsque les choses semblent se remettre à peu près en ordre, il y a toujours de la place pour une dose de drame en plus. Après la condamnation définitive prononcée le 1er août par la Cour de Cassation italienne, certains pensaient que Silvio Berlusconi aurait peut-être la décence de quitter, au moins en apparence, le paysage politique italien et européen. Il n’en fut rien.

S’exprimant par messages vidéo depuis et jouant sur la perpétuelle carte de celui attaqué injustement par une cohorte de « juges rouges » – comme il les appelle – Silvio Berlusconi ne compte rien lâcher. Après avoir promis que le soutien du Popolo della Libertà (Peuple de la Liberté, PDL) au gouvernement d’Enrico Letta (Parti Démocratique, PD) ne faiblirait pas, il a finalement accéléré le processus de chute du gouvernement qu’il continuait de garder au chaud – tel une corde à son arc.

L’intérêt personnel avant celui du pays ?

Alors que la déchéance de Silvio Berlusconi du Sénat italien, et donc du Parlement, doit être examinée dans les prochains jours par la commission bipartisane compétente, le Cavaliere a décidé ce week-end de retirer ses armées de la bataille. Ce sont d’abord les parlementaires du PDL qui ont annoncé des démissions collectives ; les cinq ministres du parti présents au gouvernement ont suivi samedi après-midi, le vice-président du Conseil, Angelino Alfano, inclus. La raison officielle de ces démissions ne concernerait pas Silvio Berlusconi. Il s’agirait en effet d’une hausse de la TVA, de 21% à 22%. Cette décision, prise par le gouvernement Monti pour certains, par celui Berlusconi pour d’autres, est automatiquement entrée en vigueur le 1er octobre. Pour ne pas être tenu pour responsable de cette hausse, le PDL a préféré se retirer de la coalition gouvernementale mise en place il y a cinq mois.

Mais s’agit-il vraiment de TVA, comme nous le répètent continuellement les représentants du PDL ? Vu la façon dont Silvio Berlusconi tient en otage la vie politique italienne depuis les élections législatives – d’autres diront depuis vingt ans – c’est une hypothèse des plus faibles.

Au-delà de l’Italie, une question européenne

Le nombre et l’intensité des réactions qui ont suivi ce nouveau retournement politique en Italie montre bien que le problème dépasse largement les frontières de la péninsule. Preuve parmi d’autres, les marchés financiers ont très mal accueilli la nouvelle. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a mis en garde l’Italie quant à une rechute de la zone euro en cas de crise prolongée ou de nouvelles élections anticipées. Il a même déclaré que tous ceux qui voteraient pour que le gouvernement de Letta continue son travail « voteront pour l’Europe ». Parallèlement, le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, a déclaré que l’Union européenne avait beaucoup à perdre face à une instabilité politique constante à Rome.

De son côté, l’OCDE, à travers son Secrétaire général, Angel Gurria, a expliqué que la croissance italienne pourrait repartir d’ici fin 2013 mais que, en toute logique, l’actuelle « instabilité politique n’aide pas ». L’OCDE estime que les efforts mis en œuvre par les gouvernements de Mario Monti et Enrico Letta sont, lentement, en train de porter leurs fruits. L’association des industriels italiens, Confindustria, en appelle également au sens de responsabilité des partis, arguant qu’une nouvelle instabilité pourrait coûter cher au PIB italien.

Enfin, cette nouvelle crise politique arrive en même temps que les derniers chiffres du chômage en Italie. Le taux de chômage atteint, au moins d’août, 12,2% et devient ainsi l’un des plus importants depuis l’après-guerre ; chez les jeunes, ce taux atteint les 40,1%. Depuis un an, plus d’un million d’employés ont été licenciés et des centaines d’entreprises ont dû fermer leurs portes. Inutile de dire que l’instabilité et de nouvelles élections sont la dernière chose dont l’Italie a besoin en ce moment.

La fin du mélodrame… et de Berlusconi ?

Les dernières heures ont donné lieu à plusieurs rebondissements au sein du PDL. Assez rapidement, Angelino Alfano – dont la carrière politique est plus proche du début que de la fin à 43 ans – a compris que faire chuter le gouvernement était une sorte de suicide politique, surtout en ayant été le numéro deux de ce même gouvernement. De plus, avec le scrutin proportionnel actuellement en place, de nouvelles élections donneraient probablement les mêmes résultats qu’il y a environ sept mois, et un nouveau gouvernement de large coalition devrait être créé.

En somme, il est préférable de continuer avec le président du Conseil actuel afin de voter les lois essentielles qui tenteront de faire repartir l’Italie, et, enfin, changer cette loi électorale – surnommée loi « Porcellum », de « porco », porc – afin d’avoir finalement des majorités plus solides et qui durent plus d’un an ou deux, ou juste plus que quelques mois.

Quant à Silvio Berlusconi, il est en train d’être abandonné par plusieurs parlementaires de son groupe. Ceux-ci ont compris que l’avenir politique ne pouvait plus passer par son chantage permanent. Un groupe assez important, porté par Angelino Alfano, a décidé de voter en faveur du gouvernement lors du vote de confiance au Sénat ce mercredi 2 octobre. Environ 35 sénateurs du groupe PDL ont l’intention de créer un nouveau groupe au Sénat, créant une première scission au sein du parti. Pressé de toutes parts, le Cavaliere a fini par perdre, au moins partiellement, le contrôle de son groupe. Il s’est également résolu à appeler à voter en faveur d’Enrico Letta, au dernier moment, et ce après que le groupe ait voté contre dans la matinée. Un énième rebondissement et beaucoup de bruits pour rien, pourrait-on dire.

Après avoir inauguré, la semaine dernière, le nouveau siège du ressuscité Forza Italia, le groupe de Berlusconi semble être en fin de vie. Il est indéniable que Berlusconi sort perdant de cette crise. Mais comment pouvoir être sûr de quoi que ce soit après cette vingtaine d’années qui l’a vu faire ce dont il a voulu – et qu’une partie des Italiens lui a permis de faire – de ce beau pays qu’est l’Italie ?

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Vos commentaires
  • Le 3 octobre 2013 à 19:23, par Dominique Thaury En réponse à : Italie : Berlusconi sort perdant de la crise politique

    Cette bonne nouvelle est très bien analysée. Je regrette cependant que le courage d’Enrico Letta ne soit pas plus souligné. Il lui a fallu, quand même, un certain cran pour oser affronter cet individu qui a si peu fait pour son pays et l’Europe pendant ses années de gouvernant. Letta l’a poussé jusqu’au bout en pariant sur une scission... bien joué, et je pense que l’Europe pourrait remercier Letta d’avoir fait sortir Berlusconi de la vie politique (on peut l’espérer), d’avoir sans doute évité une nouvelle crise tant en Italie qu’en Europe. L’UE vient sans doute de gagner quelques mois de calme, que cela serve à bien préparer les élections de mai qui verront de nouveaux Berlusconi sur les trétaux. Bravo et merci Mr Letta !!!

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