Jonathan LEVEUGLE : La crise de la dette dans la zone euro ne se résout pas malgré les sommets européens successifs. Quelles décisions devraient prendre les dirigeants européens pour y mettre fin ?
Valéry Giscard d’Estaing : A l’heure actuelle, il y a deux crises. La crise américaine assez classique, et la crise européenne liée aux problèmes des dettes. Les médias les confondent bien que ce soient deux crises différentes.
La crise de la dette, est avant tout une crise de culpabilité. A la naissance de l’euro, les États ont établi les critères forgeant le pacte de stabilité. La dette de chaque pays ne pouvait dépasser 60% du PIB et le déficit budgétaire devait être inférieur à 3% du PIB. Les institutions européennes ont été incapables de faire respecter ce pacte et l’eurozone se retrouve aujourd’hui dans un désordre financier irresponsable.
Comment faire pour que ça ne se reproduise plus et que l’on ait un système plus solide ?
Les dirigeants doivent avoir une vue à long terme. Dans quelques années les pays auront des finances publiques convergentes, avec une coordination obligatoire. C’est à partir de ce moment là que la dette deviendra progressivement commune.
Actuellement, une dette commune ne réunirait que celles des pays ayant le plus mal géré leurs dépenses publiques. Dans un futur proche, on pourra mettre en place un trésor européen qui émettra des titres de dette au prorata des besoins des pays, approuvés préalablement de manière commune. Mais pour le moment, la situation ne le permet pas.
J.L : La gestion actuelle de la crise de la dette dans la zone euro a montré ses limites. Ne faut il pas une réforme de la gouvernance économique européenne ? Quelle forme devrait-elle prendre ?
V.G.E : Actuellement, il y a une confusion entre les pays de la zone euro et l’Union européenne à 27. Or, la crise de la zone euro, ne concerne que la zone euro. Les institutions à 27 doivent être écartées. On ne peut demander à des pays qui n’ont pas l’euro, et n’en veulent pas, de régler les problèmes de la monnaie unique. Il faut une séparation claire. Les pays de la zone euro doivent s’occuper seuls de leurs problèmes.
Sur le long terme, il est nécessaire que la zone euro se dote de projets pour elle même et non pas pour l’ensemble des 27. Il est donc primordial de revenir à l’équilibre budgétaire pour redonner une certaine confiance aux acteurs économiques (ménages, entreprises) et permettre un retour de la croissance.
J.L : A moyen terme, quelles mesures devraient être prises pour permettre une réelle convergence budgétaire ?
V.G.E : Dans quelques années, la convergence des politiques budgétaire et fiscale devra être réalisée. Il est nécessaire de mettre en place une coordination budgétaire obligatoire avec des sanctions automatiques.
Dans un deuxième temps, la zone euro devra nommer un secrétaire général qui suivra les questions budgétaire et monétaire, comme à l’OCDE au moment du plan Marshall. A l’heure actuelle, ce suivi fait défaut pour permettre la mise en œuvre des accords passés.
Enfin, il faut un retour progressif à l’équilibre et faire en sorte que les décisions soient respectées. Pour cela, il faut mettre en place un système d’amende. Celle-ci pourrait prendre plusieurs formes. Une imputation des fonds structurels reversés aux États, ou une amende dissuasive, pourraient être imposées aux États ne respectant pas les mesures votées.
C’est vers ce système qu’il faut tendre et qu’il convient de mettre peu à peu en place.
J.L : Mais ces sanctions ne créeraient elles pas un regain de rancœur envers les institutions européennes ?
V.G.E : Non. Il faut juste réussir à expliquer aux citoyens la nécessité de ces réformes. Beaucoup pensent que les périodes de mauvaises dépenses publiques entraînent la croissance. C’est tout à fait faux. Les périodes de croissance sont synonymes de bonne gestion publique. Les pays européens ayant la plus forte croissance sont ceux qui ont des dépenses publiques en ordre.
De plus, dès lors que les sanctions sont automatiques, elles ne sont pas vexatoires. On devrait mieux faire connaître aux peuples européens ce que les dirigeants imposent à la Grèce. Le gouvernement a du baisser de plus de 20% le traitement de leurs fonctionnaires et de 20% le montant des retraites. Si la zone euro continue dans ce désordre des politiques budgétaires, on aboutira à la même situation que celle que connaissent actuellement les Grecs. L’alternative c’est d’avoir une gestion plus sérieuse.
J.L : Ces réformes nécessitent un plus grand contrôle démocratique. Êtes-vous favorable, comme le propose la CDU, à l’élection au suffrage universel du Président de la Commission européenne ?
V.G.E : Je n’ai pas d’opinion tranchée sur la question et je crois qu’il faut laisser le Parlement européen en discuter. Le problème majeur, c’est qu’il y a des États très peuplés et des petits États. L’élection se ferait surtout en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne et en Italie.
Selon moi, il faut créer un collège avec une réunion du Parlement européen et des Parlements nationaux et transférer certaines décisions actuellement prises par le Conseil à cette structure. Dans ce cadre, il pourrait y avoir un président élu au suffrage universel.
1. Le 28 novembre 2011 à 21:39, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Interview exclusive de M. Valéry Giscard d’Estaing : « Il serait désolant que les Européens quittent la zone euro. Ce serait une catastrophe ! »
Où avez-vous lu cette proposition d’élection au suffrage universel direct ? Je ne lis pas l’allemand mais tous les articles que j’ai vu en Français parlent simplement de suffrage universel sans cette précision. Une lecture française de la chose ?
2. Le 28 novembre 2011 à 22:33, par Jonathan Leveugle En réponse à : Interview exclusive de M. Valéry Giscard d’Estaing : « Il serait désolant que les Européens quittent la zone euro. Ce serait une catastrophe ! »
Tu as raison cette précision n’est pas faite par la CDU. Tu auras donc compris que j’appelle au suffrage universel direct.
3. Le 29 novembre 2011 à 14:23, par DELADERRIERE En réponse à : Interview exclusive de M. Valéry Giscard d’Estaing : « Il serait désolant que les Européens quittent la zone euro. Ce serait une catastrophe ! »
Réponse à Valéry-Xavier concernant la déclaration d’A.Merkel.
Il est très regrettable que son discours du 14 novembre ne soit pas traduit et que l’on en n’ai extrait que des passages concernant la discipline budgétaire alors qu’elle y a exprimé un certain nombre de volontés et de propositions réellement pro-européennes fédéralistes, et en particulier le souhait de voir un jour le Président du Conseil européen élu au suffrage universel. Merci au Taurillon de s’en faire l’écho !
4. Le 29 novembre 2011 à 15:09, par Jonathan Leveugle En réponse à : Interview exclusive de M. Valéry Giscard d’Estaing : « Il serait désolant que les Européens quittent la zone euro. Ce serait une catastrophe ! »
@Deladerriere
Pourriez vous nous transmettre le texte s’il vous plait.
5. Le 29 novembre 2011 à 23:00, par Karin Leonhardt En réponse à : Interview exclusive de M. Valéry Giscard d’Estaing : « Il serait désolant que les Européens quittent la zone euro. Ce serait une catastrophe ! »
Peut-être Valéry Giscard d’Estaing serait-il toujours un « Président de l’Europe » possible. Il avait bien géré la France, et je l’avais soutenu avec un « Parti féministe » de dirigeantes d’associations.. Quant à l’élection directe de ce Président, ou de la « Commission », il serait, en effet, temps que les pays de l’Europe s’inspirent de la démocratie la plus avancée dans le monde, depuis l’ancienne Grèce, la « démocratie directe et participative » dont bénéficient tous les citoyens suisses, depuis des siècles, ce qui leur a évité bien des déboires. Il y a plus de quarante années déjà que le Conseil de l’Europe de Strasbourg avait invité ses pays membres à s’inspirer de cette « démocratie suisse » !... Il y a quelques petits progrès, en Italie, avec un referendum plus facile à organiser que celui que consent d’accorder la France, quelques villes en Allemagne, Munich, Cologne,... la « Californie »...
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