Galileo est un programme européen de radionavigation par satellite. Les Etats-Unis détiennent actuellement le monopole mondial sur la radionavigation par satellite grâce au système GPS. Les Russes disposent également de leur système GLONASS, qui n’est cependant pas pleinement opérationnel. Aussi, les chefs de gouvernement européens ont-ils reconnu l’importance stratégique majeure que revêtait le développement d’un système de navigation par satellite propre à l’Europe. Un programme spécifique, Galileo, a ainsi été mis en place. [1]
Galileo et le problème chinois
Le rapport rendu par Bernard Deflesselles (UMP) fait le point concrètement sur la relation de l’Europe et de la Chine sur cette question : « Initialement, la coopération avec la Chine devait se situer à un niveau [...] d’environ 200 millions d’euros. Or le gouvernement chinois, pour éviter d’être dépendant des technologies américaines, a développé un système concurrent baptisé « Beidou » (ou « Compass ») qui devrait être mis en service en 2015, avec une constellation de plus de 30 satellites. Cette situation a entraîné une restriction de la coopération européenne devant les risques représentés par les transferts de technologies voulus ou subis (espionnage). » [2]
On en conclut donc que les Chinois ont profité des Européens pour mettre le pied à l’étrier. Leur développement économique a été si puissant qu’ils se sont sentis suffisamment forts pour construire leur propre système. Cela est tout à fait compréhensible même si on peut regretter ce qui peut apparaître avec le recul comme une manipulation de l’Union européenne.
Le problème réside dans le fait que les Chinois vont peut-être empêcher le système Galileo d’exister ou simplement d’être efficace. En effet pour la future utilisation de Beidou, « la Chine a publié des fréquences et des signaux superposés aux signaux de Galileo, notamment, aux signaux cryptés (dits PRS). Or, en simplifiant, le signal le plus puissant écrase les autres. En d’autres termes une partie importante du programme Galileo, le service public réglementé, risque d’être brouillé par les satellites chinois. » [3]
La menace est donc grande pour le programme Galileo alors que déjà la mise en place de celui-ci avait été un vrai problème. On accumulait ainsi les retards par manque d’expertise et de capacité décisionnaire. Aujourd’hui la menace est beaucoup plus importante. Car sans système de positionnement indépendant, l’Union européenne sera à la merci technologique des Américains ou des Chinois. D’autant plus que toute future défense européenne aura besoin de pouvoir utiliser un tel système de satellites.
Le Royaume-Uni, l’agent double du Conseil européen
Clairement, la Commission européenne est trop dépourvue pour mener les négociations nécessaires face à la Chine. Premièrement, parce qu’elle ne représente pas un organe d’impulsion politique, et que José Manuel Barroso (son président) en est bien content. Deuxièmement parce qu’elle ne représente pas l’Union européenne sur la politique extérieure, en tous les cas pas sans l’aval du Conseil européen, les États. Troisièmement, parce que son expertise sur la gestion de Galileo ne l’a met pas en bonne position, tant les erreurs ont été accumulées sur ce dossier, notamment sur le contrôle de l’état d’avancement du projet par les investisseurs privés à l’époque.
Bernard Deflesselles l’explique clairement dans son rapport : Cette question absolument majeure qui doit être réglée par la voie diplomatique mériterait d’être évoquée par le Conseil européen. » Il faut réagir vite et politiquement. Or pour le moment, à défaut d’une vraie diplomatie européenne, le Conseil européen est le seul organe qui peut afficher une position commune sur le sujet. Malheureusement, ce type de décision se prend à l’unanimité. Or nous avons un agent-double au sein du Conseil européen : le Royaume-Uni.
En effet, les Britanniques ont toujours entretenu une politique d’amitié très poussée avec nos cousins américains. Pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur quand il s’agit d’aider à négocier un accord d’interopérabilité entre le système GPS et celui de Galileo. [4] Pour le pire quand il s’agit de tout faire pour éviter qu’il y ait une possibilité de véritable indépendance civile et militaire de l’Union européenne vis-à-vis des États-Unis grâce à Galileo.
Pour Bernard Deflesselles, « le Royaume-Uni considère que la gestion par l’Union européenne, propriétaire de Galileo, des signaux utilisés par la défense relève de la PESC qui implique l’unanimité, y compris dans le cadre du traité de Lisbonne. Cela conduirait à ce que le règlement régissant l’usage de ces signaux, si tant est qu’il soit nécessaire, car nous sommes dans un flou juridique, implique son accord. Or le Royaume-Uni ne veut pas « compliquer » la coopération entre les forces armées européennes. » [5] Et américaines.
D’ailleurs, ce pays vient de lancer fin mars une nouvelle agence spatiale pour financer les activités de vols spatiaux civils et de représenter le pays aux organisations internationales et au sein de l’Agence spatiale européenne. Avec un budget annuel de 230 millions de livres (343 millions de dollars), la UK Space Agency aura notamment à assurer la gestion des intérêts britanniques dans les projets de l’UE tels que la surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité et la constellation du système de navigation Galileo.
230 millions de livres pour un lobby au sein de Galileo, voilà une méthode qui assure par avance au Royaume-Uni un pouvoir de nuisance certain... En attendant, les Chinois avancent à toute allure sur leur projet Beidou. Or les atermoiements de la diplomatie européenne seront forcément au désavantage des citoyens européens. Même Britanniques.
1. Le 13 avril 2010 à 13:23, par Valéry En réponse à : Galileo, Chine et Royaume-Uni : le triptyque perdant pour l’Union européenne
En même temps l’indépendance stratégique et technologique envers les Etats-Unis n’est pas une fin en soi : Europe et Etats-Unis ont au niveau planétaire les mêmes intérêts stratégiques, même si l’Europe a une préférence marquée pour une approche multilatérale là où les Etats-Unis ont une démarche souverainiste.
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